Deux ans de prison pour avoir déclaré que le racisme existe bien en Tunisie en étayant ces propos d’exemples concrets. Deux ans de prison pour avoir tout simplement dit la vérité, celle qu’on observe chaque jour de ses propres yeux. Celle qu’on ne peut cacher.
Voilà, on est en Tunisie de 2024, six ans après l’adoption de la loi contre la discrimination raciale. Une loi historique promulguée pour justement circonscrire un phénomène social répandu et connu par tous. Ce n’est un secret pour personne : le racisme anti-noirs est bien ancré dans la mentalité et les pratiques du Tunisien. Quand quelqu’un dénonce cet état de fait, il n’est pas censé se retrouver en prison.
Pourtant, Sonia Dahmani, avocate et chroniqueuse, a écopé de ces deux ans de prison pour la punir d’avoir dit la vérité, rien que la vérité. La justice a estimé qu’elle a commis un crime, celui de diffuser de fausses informations. Coupable d’avoir dénoncé le racisme… Un comble !
En temps normal, on ne peut imaginer une chose pareille. Mais on n’est pas dans une situation normale. C’est l’ère de la déconstruction et de la démolition. L’ère de la destruction des acquis. L’ère de l’effondrement des valeurs. C’est l’époque des foules, chauffées à blanc par les discours haineux et populistes, se délectant sans gêne aucune qu’on jette des gens en prison rien que parce qu’ils ont dévoilé la hideuse réalité.
C’est l’époque des retournements des paradigmes : le racisme décomplexé reste impuni et même encouragé, alors que ceux qui s’élèvent contre sont persécutés comme de vils criminels.
Ces autorités et ces foules piquées au vif, non pas par la haine raciale, mais car une Sonia Dahmani a dénudé la vérité à visage découvert. Ces autorités et ces foules qui estiment qu’elle a porté atteinte à l’image du pays et que cela justifie qu’on l’incarcère, pour une parole. Qu’est-ce qui porte le plus atteinte à l’image du pays ? Condamner le racisme et enjoindre le pouvoir à trouver des solutions ou jeter hypocritement des personnes en prison tout en continuant à mener une campagne fascisante ?
Beaucoup ont la mémoire courte ou feignent l’oubli. Le contexte dans lequel Sonia Dahmani a été poursuivie ne remonte qu’à une année en arrière. On a vu de nos propres yeux la cabale contre les subsahariens. On a suivi ces épisodes de haine qui s’est déversée contre la communauté noire. Qu’ils soient des migrants ou des Tunisiens peu importait. Ils sont noirs et c’est une tare. Le terrain était propice aux attaques et aux agressions dont a été témoins. Pourquoi se voiler la face ?
Et ce malheureux discours présidentiel qui reprenait les théories de complot aux relents xénophobes. Ça avait catalysé toutes les tensions donnant le top départ à une chasse au migrant, au noir, qui viendrait grand-remplacer le Tunisien pur, arabe et musulman, et changerait la composition démographique de la société. Une abomination. La crise autour de la situation irrégulière des migrants subsahariens n’était qu’un simple prétexte pour la fachosphère pour agir et s’exprimer enfin sans fard en se sachant couverte.
Comment oser contredire la parole présidentielle ? Comment se permettre cet affront au récit officiel ? Sonia Dahmani a commis le courage – la malchance – de s’exprimer dans un contexte où le contrôle de l’Etat sur le discours public s’intensifie et se resserre. Dans une société où l’expression libre est progressivement restreinte, diabolisée et constitue un motif d’emprisonnement. Où toute forme d'opposition au récit officiel – que ce soit par de simples mots, d’inoffensives actions politiques, ou des manifestations civiles pacifiques – est perçue comme une menace directe à l'autorité en place.
Il est risqué aujourd’hui de s’exprimer librement, même lorsque l’on s’en tient aux faits, à la vérité. Les voix critiques, comme celle de Sonia Dahmani, font face non seulement à la répression judiciaire, mais aussi à la stigmatisation sociale broyant toute forme de dissidence.
Dans cette tension croissante entre pressions autoritaires grandissantes et aspirations démocratiques anéanties, l’heure n’est plus à « la construction et à l’édification », mais plutôt à la destruction et à la démolition…
Il y a un prov tun qui illustre phénomène
Publié sur Bn
Le 23 oct 2024 sous le titre
LA VRAIE CATASTROPHE...
[La députée Fatma Mseddi a publié, mercredi 23 octobre 2024, un post sur les réseaux sociaux où elle déclare que « la catastrophe à Sfax n'est pas les fortes précipitations, mais la forte présence des subsahariens ».]
Une réalité que beaucoup de tunisiens ne veulent pas admettre, par ignorance, par dogmatisme, par facilité, par inculture politique, ou par tradition. Je ne sais pas !
Je n'arrive pas à saisir cette frange de la population, assez hétéroclite en fait. C'est, je crois la somme de différentes frustrations faisant intervenir différentes théories, fumeuses, complotistes, rétrogrades et conservatrices.
Bravo Ikhlas Latif pour votre chronique.
Je ne devrais pas le dire, mais il me semble que vous en avez plus dit sur la situation actuelle que ce qu'a déclaré Sonia Dahmani.
Merci pour votre courage.
Du sommet de la pyramide jusqu'aux sous-sol en passant par les ***. '?videmment !!!
C'est devenu un crime d'énerver les complexés et les détritus qui servent de socle au régime.
PS: la photo "au naturel", était bien aussi !
Ce qui arrive a Mme Dahmani est infâme. Et complètement insensé. Un cauchemar improbable kafkaïen ubuesque.
Immense respect admiration et soutien a Mme Dahmani
Le cas Dahmani est un cas d école particulièrement triste.
A enseigner aux générations futures