La semaine dernière, 45 personnes sont décédées dans le naufrage d’une embarcation clandestine au large de l’île de Kerkennah. 45 personnes. Plus de morts que dans l’attentat de Sousse de l’année 2015. Le chiffre vous choque ? C’est que, très probablement, vous n’en avez pas entendu parler auparavant. La triste nouvelle n’a, en effet, pas ému outre mesure l’opinion publique tunisienne, plus occupée à s’inquiéter du prix des légumes ou de la date des prochaines élections municipales que de la vie de certains citoyens « de seconde zone ».
Une triste nouvelle qui a soutiré des larmes à l’ancien président de la République, et opposant de son état, Moncef Marzouki. En parfait récupérateur politique de tout ce qui traine, Marzouki a versé quelques larmes, à Tataouine, en hommage aux naufragés de Kerkennah, en en profitant pour vider son chargeur sur ses adversaires politiques. Des larmes qui n’ont, elles non plus, pas ému grand monde.
On dit que « les Tunisiens n’aiment pas travailler », que ce sont d’éternels assistés, que certains jeunes préfèrent se jeter dans la mer plutôt que de se retrousser les manches et de se mouiller dans un petit boulot honnête, qui paye les courses et le loyer. « En Tunisie, le travail existe et ceux qui veulent travailler n’ont qu’à tendre la main pour décrocher un petit boulot et vivre de leur dur labeur ». Ceci n’est pas entièrement faux.
Les migrants clandestins, qui préfèrent risquer leur vie dans des embarcations de fortune, plutôt que de rester chez eux, estiment qu’ils n’ont plus aucune chance. Que la mort est un risque qui vaut la peine d’être pris. Que le pays se noie et que, si on ne prend pas le large, on risque de se noyer avec. Leur calvaire alimente les discours populistes de ceux qui préfèrent palabrer que de se lancer dans du concret.
On les dénigre, on les plaint mais on ne pense jamais sérieusement aux causes qui ont fait que ces jeunes préfèrent mourir que de rester. Préfèrent se noyer que de s’investir dans un pays qu’ils pensent en plein naufrage. Mais leur calvaire n’est pas partagé, il n’est pas celui de tous, celui qu’on plaint et qu’on observe avec empathie. On leur reproche de snober un travail honnête afin de chercher le gain facile dans des pays qui ne sont pas les leurs. De vider le pays de sa substance et de lui donner mauvaise réputation chez les voisins.
Parmi ceux qui les ignorent et les dénigrent, figurent les employés du public dont certains ont choisi d’alourdir les caisses de l’Etat en percevant des salaires contre lesquels ils ne produisent rien. Parmi eux figurent les contrebandiers, ceux qui ont « réussi », car ils s’enrichissent rapidement et facilement et sans rien devoir à personne.
Parmi eux aussi, l’élite, celle qui est réellement capable de produire, d’apporter un changement et d’investir. Celle qui rêve, elle aussi, de meilleurs cieux et qui n’hésite pas, elle aussi, à prendre le large dès qu’une occasion se présente.
Pourquoi parler des migrants, pauvres, désabusés et sans espoirs, et occulter les autres, les professions « nobles » et pouvant réellement changer les choses. Les ingénieurs, médecins, chefs d’entreprises, financiers, et autres diplômés qui partent eux-aussi, sous de meilleurs cieux. Ceux qui paient des impôts envient ceux qui en échappent, ceux qui arrivent à détourner la loi envient ceux qui sont cantonnés au formel et ceux qui restent envient ceux qui ont enfin réussi à partir.
L’idée est que le pays est « désertable » d’urgence et que les plus chanceux seront ceux qui prendront le large les premiers. L’idée est que le pays n’a pas réussi à garder ses enfants est répandue et elle n’est pas fausse. Comment rester attaché à un pays qui ne vous doit rien. Un pays qui fait des lois pour décourager les entrepreneurs à entreprendre et qui retient ses médecins en otage, incapable de leur fournir des avantages adéquats. Un pays qui met en prison ceux qui ne représentent aucun véritable danger et laisse, libres, ceux qui menacent des vies.
Un cercle vicieux qui fait que les jeunes ne veulent plus rester car le pays n’est plus accueillant car ceux qui sont aujourd’hui capables de le changer, partent ailleurs. Qui doit quelque chose à l’autre et quoi ? Difficile de répondre…
Commentaires (14)
CommenterMOURIR N'EST PAS TUER
Maivaise image
espoir.
des chiffres,suite..
Retraité veuf "exilé"en TUNISIE..
des chiffres
j'aime la TUNISIE terre de contrastes... mais aussi de contradictions,ils etaient au college en 2011,aujourd'hui ils ont 18,20 ans,diplomes"cafeistes sitineurs"ils partent ivres d'un reve utopique,leurs bagages? la casquette,le smarphone, seule source de fausses informations,et leur ignorance crasse (80% d'entre eux)
Ce qui les attend:le racisme,se faire traiter de "bougnoules"et toujours la pauvreté mais sans la dignité,le mal du pays,de la famille.
Apres une revolution,l'avenir d'un pays est a la jeunesse et au travail pas à la fuite.
cette revolution est un echeque cuisant,con fusion entre liberte et anarchie,la démocratie
@l'étranger
Ou est le ministre de la culture
Le ministre de la culture devrait mettre des informations à la tv, de la réalité réelle de ce qui se passe en europe : photos des migrants porte de La Chapelle à Paris, centre de rétention de calais.
Sur kapitalis, il y a un excellent article sur l'appauvrissement des programmes tv en tunisie.
Que des émissions sans culture, des films idiots, pas d'émission intelligente qui montre le monde.
Tous ces jeunes en voyant toutes ces réalités, ne risqueraient pas leur vie en quête de rêves donnés par des individus bêtes dans les cafés.
Une ouverture d'esprit sur le monde actuel, c'est cela qu'il faut.
Que font les élèves en période de vacances scolaires : rien !
Des associations des écoles devraient organiser des stages de couture, cuisine, danse, caligraphie, stage de premier secours, stage informatique etc..
La culture amène la culture et toutes ces initiatives de découvertes donneraient aux enfants l'envie de s'enrichir d'avantage plutôt que de réver à des situations qui sont fausses.
Désolé, je vais être aussi cynique que vous...
Ce n'est pas le chiffre qui choque, c'est la comparaison, parce que pourquoi ne pas dire "moitié moins que l'attentat de Nice".
Sans compter qu'à Nice ,au Bataclan, ou n'importe où ailleurs, les victimes n'étaient pas volontaires si j'ose dire.
Mais consolez vous puisque vous parlez de chiffres, la ré-importation des djihadistes même pas repentis et surtout pas sanctionnés, compense largement ces disparitions.
Ils ne savent où ils vont, parce ils ne savent pas qui ils sont
C'est le cas de cette chronique.
La barcasse Tunisie prend l'eau, et les passagers regardent ailleurs.
Jusqu'au bout, schizophrénie du jasmin.
Une analyse rapide de l'état psychosocial de la jeunesse tunisienne révèle le désenchantement et la vacuité.
Pas d'avenir sans sauvegarde de la mémoire, pas de perspectives valables pour celui qui ne sait pas qui il est.
La Tunisie ne souffre pas essentiellement d'un problème économique : elle a, 60 ans après l'indépendance, un problème de légitimité.
Ceux qui ont crée le drapeau de ce pays et largement contribué à la consolidation et la modernisation de cette nation sont désormais de parfaits inconnus pour 95% de la population.
Des pans essentiels de l'histoire de la Tunisie, incontournables, ont été occultés par des usurpateurs criminels.
Ils ont réussi, sans en mesurer les conséquences, à aliéner durablement (définitivement ? et défigurer l'authenticité tunisienne.
Ce pays est en perte de sens.
Il n'y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va.
" Connait toi même,pour savoir d'où tu vient et où tu peux aller : sans ce travail sur soi-même, la vie ne vaut rien"
Ici, et ailleurs.