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Le forum de Monaco sur la finance bleue : quelles opportunités pour la Tunisie ?
09/06/2025 | 11:08
4 min
Le forum de Monaco sur la finance bleue : quelles opportunités pour la Tunisie ?

 

À Monaco, les 7 et 8 juin, un rendez-vous international a placé l’océan au cœur des priorités mondiales.
Durant deux journées riches en échanges, des responsables politiques, des experts, des investisseurs et des représentants de la société civile se sont réunis pour réfléchir à l’avenir de l’économie bleue. Ce forum, organisé en amont de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC-3), qui se tient actuellement à Nice, a mis en lumière les liens profonds entre environnement marin, développement durable et avenir des sociétés humaines.

 

Au fil des sessions, l’enjeu est apparu évident : la mer n’est pas seulement un patrimoine naturel à préserver, c’est aussi un formidable levier économique. À condition toutefois de changer de cap.
Dans l’une des interventions les plus marquantes, Pascal Lamy, ancien directeur général de l’OMC, a rappelé que l’océan abrite un potentiel économique estimé à 25 000 milliards de dollars. Un chiffre vertigineux, mais inaccessible si les pratiques actuelles de surexploitation persistent.

Des ateliers spécifiques ont également permis d’explorer des thèmes concrets : comment attirer des investissements pour renforcer la résilience des zones côtières ? Comment faire reculer la pollution plastique qui menace la biodiversité marine ?
Autant de questions qui concernent directement les pays méditerranéens, et en particulier la Tunisie.

 

Le 8 juin, à l’occasion de la Journée mondiale de l’océan, le président français Emmanuel Macron et le prince Albert II de Monaco ont lancé un appel commun. Ils ont souligné l’urgence de protéger l’océan, ce « climat invisible » qui régule la planète et abrite une biodiversité précieuse. Leur déclaration a aussi mis l’accent sur la nécessité de renforcer les coopérations internationales, d’accélérer le développement des énergies marines renouvelables et de tourner la page des énergies fossiles.

 

Le forum a mis en lumière une dynamique financière mondiale en faveur de l’océan, avec 25 milliards d’euros déjà identifiés dans des projets concrets de transition océanique, incluant la décarbonation du transport maritime, la restauration des écosystèmes marins, les énergies océaniques et la biotechnologie. Ces investissements proviennent d’une coalition diversifiée d’acteurs publics, privés, philanthropiques et financiers.

En parallèle, 8,7 milliards d’euros d’engagements financiers supplémentaires ont été annoncés pour d’ici 2030, dont 4,7 milliards provenant de philanthropes et d’investisseurs privés, et 4 milliards mobilisés par des institutions financières publiques. Cela représente environ 8 % des flux annuels actuels de finance bleue, estimés à 25 milliards d’euros par an un signal fort en faveur de l’action, soutenu par les récents accords internationaux BBNJ et le Cadre mondial pour la biodiversité (GBF).

 

Une perspective concrète pour la Tunisie

Pour la Tunisie, ces débats résonnent fortement. Le pays, bordé par plus de 1 300 kilomètres de côtes, voit une grande partie de sa population vivre au rythme de la mer. Dans les villes et villages du littoral, les ressources marines ne sont pas une abstraction : elles nourrissent les familles, font vivre les petits pêcheurs, les artisans, les hôteliers. Et elles sont souvent la seule promesse d’un avenir pour de nombreux jeunes.

C’est dans ce contexte que, depuis 2020, les autorités tunisiennes ont entamé une réflexion de fond sur l’économie bleue. Accompagné par la Banque mondiale, le gouvernement a engagé un processus collectif pour définir une stratégie nationale capable de concilier développement économique et respect de l’environnement. Des experts, des institutions, des représentants du secteur privé et de la société civile ont été associés à ce travail.

Trois grands objectifs se dessinent :
D’abord, relancer la croissance à travers les activités maritimes — pêche, aquaculture, tourisme, transport ou énergies renouvelables. Ensuite, faire en sorte que cette croissance profite à tous, en particulier aux jeunes, aux femmes et aux populations côtières. Enfin, préserver les richesses naturelles que la mer offre, en assurant leur gestion durable.

Sur le terrain, cela signifie moderniser les pratiques de pêche, développer une aquaculture qui respecte les écosystèmes, ou encore imaginer un tourisme côtier plus éthique et résilient face au dérèglement climatique. Cela signifie aussi miser sur l’innovation, l’éducation et la capacité des jeunes Tunisiens à inventer de nouveaux métiers liés à la mer.

Dans un pays où le chômage des jeunes reste l’un des fléaux les plus tenaces, notamment dans les régions côtières, l’économie bleue peut offrir une issue.
Elle ne promet pas des solutions miracles, mais elle ouvre une voie réaliste : celle d’un développement ancré dans les réalités locales, tourné vers l’avenir, respectueux des équilibres naturels.

 
Rabeb Aloui
 
 
09/06/2025 | 11:08
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