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Chroniques
La neutralité politique de l’INS en péril
Par Houcine Ben Achour
29/08/2024 | 17:30
3 min
La neutralité politique de l’INS en péril

 

Depuis février 2024, les relations entre le gouvernement et l’Institut national de la Statistique (INS) n’ont cessé de se dégrader. Les raisons de la discorde sont multiples. Cependant, une raison semble prendre une tournure paroxysmique : les résultats des taux trimestriels de croissance économique, et par conséquent des comptes annuels de la nation. La mise à l’écart de l’ancien Directeur général de l’Institut, Adnen Lassoued, ne semble pas avoir suffi pour mettre sous le joug la structure statistique publique de référence du pays.

C’est maintenant au tour du Directeur du département de la Comptabilité nationale, le monsieur de la croissance, d’être brutalement écarté pour avoir refusé de se plier aux désidératas du gouvernement de réviser les données de la croissance économique.

Le gouvernement n’a pas digéré d’être mis en porte-à-faux par rapport à ses prévisions. Qu’on se rappelle. L’Exécutif venait à peine de faire adopter la loi de finances qui reposait sur un scénario de croissance de 0,8% en 2023 et 2,1% en 2024, ne voila-t-il pas que l’INS vient contredire ses estimations annonçant un taux de croissance de 0,4% en 2023, faisant écrouler comme un château de carte les estimations des indicateurs des finances publiques.

 

En fait, la polémique entre le gouvernement et l’INS aurait dû naitre à l’occasion de la publication des données de croissance économique de 2022 et plus précisément des données PIB à prix courants et non pas à prix constants. C’est en effet cet indicateur qui sert au calcul des principaux ratios macroéconomiques : le taux d’ouverture économique du pays, le taux d’exportation, le taux d’épargne ainsi que celui de l’investissement, le taux de la masse salariale du budget de l’Etat, ou le taux du déficit budgétaire ou le taux d’endettement public…La liste est forcément longue pour mesurer les performances de l’économie tunisienne et d’établir des comparaisons internationales.

Ainsi, le moindre écart entre ce qui est constaté et ce qui est prévu, change du tout au tout les indicateurs de performances précités. Par exemple : si le PIB courant affiche un résultat en-deçà des estimations, tous les taux qui lui sont rattachés s’en trouveraient modifiés…à la hausse bien sûr.

 

C’est l’année 2022 qui mit le feu aux poudres. A cette époque, le gouvernement ne s’est pas fondé sur les estimations de PIB de l’INS pour élaborer la loi de finances pour l’exercice 2023 mais s’est appuyé sur les estimations du budget économique élaboré par la Direction générale des prévisions (DGP) du ministère du Développement et de la planification qui estima le PIB 2022 à 143,8 milliards de dinars contre 138,4 milliards évalués par l’INS, soit un écart de près de 5 points de PIB. Pris en compte, cette différence aurait fait grimper le taux d’endettement public de 79,9% à 83%.

Curieusement, le gouvernement récidivera une année plus tard en 2023 se fiant au PIB nominal de la DGP délaissant celui de l’INS : 158,5 milliards d’un côté et 150,7 milliards de l’autre. Conséquence, là aussi le ratio de la dette publique s’en trouve modifié passant de 79,8% selon les données de la DGP à 84% selon l’INS.

 

Le plus cocasse dans tout cela : les comptes nationaux annuels couvrant la période 2019-2023 ont été mis sous embargo par le gouvernement. Depuis quelques jours, vouloir accéder aux données trimestrielles des comptes nationaux sur le site de l’INS est impossible. « La page demandée n’existe pas », vous répond-on. « C’est simplement un problème technique », explique-t-on du côté de l’INS.

En revanche ce qui est moins cocasse et plus sérieux, c’est l’impact de bras de fer entre le gouvernement et l’INS. La Banque centrale de Tunisie (BCT) n’arrive pas à faire paraître son Rapport annuel 2023 alors qu’il devrait l’être incessamment. Un courrier officiel dans ce sens aurait été envoyé par l’autorité monétaire au gouvernement. Les partenaires extérieurs de la Tunisie commencent à s’interroger sérieusement sur la fiabilité et la crédibilité des données macroéconomiques du pays.

En tout cas, c’est l’indépendance scientifique et la neutralité politique de l’INS qui est en jeu. Et là, c’est franchement grave.

Par Houcine Ben Achour
29/08/2024 | 17:30
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Commentaires
Borhéne
'?claircissement
a posté le 30-08-2024 à 12:04
Simplement BRAVO. Bravo pour votre bravoure. Tout est erronée avec ces gouvernements de quatre mois ! Ha, ha, ha
Nour
INS: Grave dérive
a posté le 30-08-2024 à 09:47
Qu'importe la mise à l'écart d'une compétence dont l'INS tire fierté. Dans notre pays, les compétences dérangent, leur probité aussi. Leur indépendance devient un obstacle à tous ceux qui cherchent des arguments fallacieux pour garder leur chaise, quel qu'en soit le prix. Dommage ! Dans les médiocraties, seuls les cons sont rois.
Vladimir Guez
La république zitouniere
a posté le 30-08-2024 à 07:25
cherche à entrer dans l'histoire en surpassant la république bananiere en matière triche et de falsification.
L'INS est une des rares institutions qui a une réputation de probité et de qualité aux standards internationaux .
Si ils veulent faire de l'INS une nouvelle ISIE , ils feront boire le calice jusqu'à la lie a ce pauvre pays .
Un 2ème lecteur
'?trange façon de procéder !
a posté le 29-08-2024 à 21:48
On ne réussit pas à l'examen mais on tient, après coup, tels de vulgaires tricheurs, en toute malhonnête, à changer le barème ! Soit !
Gonflez vos notes, un jour ou l'autre, votre médiocre niveau vous rattrapera.. espérons que ça ne sera pas alors trop tard pour redresser la situation ! Car outre la difficulté de la tâche techniquement, il sera encore plus difficile de rétablir la confiance, à l'intérieur comme à l'extérieur, une confiance qui est la base même de toute relation saine au sein de sa propre famille ainsi qu'avec nos partenaires, banques de développement, Banque mondiale, FMI et marché obligataire inclus !
Be zen
INVITATION
a posté le 29-08-2024 à 19:54
J'invite TOUS les afficionados du régime de lire la chronique de Houcine Ben Achour.
. . . Et de méditer un instant.
tunisien
peine perdue Be Zen
a posté le à 08:37
Cher Be Zen votre appel est une peine perdue ces gens sont des somnambules qui suivent un Neron
Il pense qu'il est le "seul" patriote et tous les autres sont des traitres et des vendus
Bohr
Vrai
a posté le à 13:46
J'adhère.