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Chroniques
La loi de finances pour payer les amnistiés et les sitinneurs
02/10/2017 | 15:59
6 min

 

L’actualité de la semaine s’est caractérisée par la démission de Hamdi Meddeb de l’Espérance sportive de Tunis. Même le président de la République s’y met. Joli sujet de diversion pour faire oublier la série d’augmentations à venir et la grosse inflation qui nous attend. Comme si la baisse du dinar ne suffisait pas, on va maintenant devoir faire face à une hausse de différents impôts et taxes inscrits dans la Loi de finances 2018.

Des hausses à venir, on n’en sait rien officiellement puisqu’aucun document n’a été, pour le moment, publié par les autorités. On se suffira encore des différentes rumeurs et des ballons d’essai envoyés pour nous faire une idée et nous préparer aux « catastrophes » à venir. Ce qui est sûr, ce qui nous est confirmé par les différentes sources gouvernementales rencontrées ces derniers jours, c’est que l’orientation générale est dans l’augmentation tous azimuts. L’Etat n’y peut rien, il a besoin de ressources pour couvrir ses dépenses et régler ses dettes et il ne voit que le contribuable pour lui assurer ses recettes. Les gros contribuables comme les télécoms, les banques, les pétroliers et les PME paieront le plus gros. Jusqu’à quand l’Etat va-t-il continuer à saigner la « bête » ? Arrivera un moment où la bête ne pourra plus donner, où la vache n’aura plus de lait et ce moment approche à grands pas.

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a actuellement un fort sentiment d’injustice et de dépit éprouvé par les contribuables en général et les chefs d’entreprise respectueux de la loi en particulier. Trop, c’est trop ! On en a marre de payer plus pour un Etat où les ministres vous disent, nous n’avons plus les moyens pour payer des matériels d’hôpitaux, nous n’avons pas les moyens d’avoir des écoles décentes pour nos élèves, nous n’avons pas les moyens de construire des routes praticables, etc.

 

Où va l’argent donc ? A voir le site développé par le ministère des Finances pour expliquer, en mots simples, le budget de l’Etat, on constate que 71% du budget de l’Etat de 2017 va pour les dépenses de fonctionnement (Titre 1). 60,9% de ces dépenses vont pour les rémunérations publiques. En 2011, c'est-à-dire le budget préparé avant la révolution, les dépenses de fonctionnement étaient de 66,3% et les rémunérations publiques représentaient 56,4%. Et dire que nous étions insatisfaits de ces chiffres et le gouvernement de Mohamed Ghannouchi de l’époque travaillait à réduire ces ratios pour se conformer aux standards internationaux.

Indéniablement, l’explosion budgétaire s’est faite après la révolution et notamment avec la foutue troïka et sa politique de recrutements massifs d’amnistiés (9000), de blessés de la révolution (2400), d’ouvriers de chantier et de sous-traitance (71.000), des « mécanismes 16 » (emplois précaires sans sécurité sociale) (22.000), sans parler de ces sociétés dites écologiques qu’on a créé à tout bout de champ pour « calmer » les sitinneurs et différents manifestants, lesquelles se font financer par des sociétés publiques ou semi-publiques…

« Avant 2011, le nombre des agents de la Fonction publique augmentait au rythme de 1% en moyenne, un rythme assez proche de celui de l’accroissement de la population elle-même. Après 2011, c’est le dérapage le plus complet. Entre 2010 et 2011, le nombre des agents de la fonction publique a augmenté de 2,16% puis de 19,81% entre 2011 et 2012; de 4,76% entre 2012 et 2013 et de 5,86% entre 2013 et 2014 », écrit l’économiste Habib Touhami dans Leaders.

Selon les derniers chiffres en notre possession (janvier 2017), l’administration publique compte quelque 800.000 fonctionnaires et assimilés. En 2011, on était à 445.000 agents publics. C’est à tout ce flux que le budget de l’Etat va.

 

D’où vient l’argent ? L’Etat se trouve dans un cercle vicieux et ne sait pas comment s’en sortir. Ou plutôt, il sait, mais il ne trouve pas les moyens pour s’en sortir ou n’a pas le courage pour adopter ces moyens. La solution de facilité qu’il adopte depuis toujours est de saigner à blanc les contribuables ordinaires et les entreprises patentées qui paient déjà les taxes et impôts dus. 

Quand il a essayé de faire payer les professions réputées être mauvaises payeuses (avocats et médecins notamment), ces dernières sont montées au créneau pour bloquer toute réforme fiscale significative et se mettre au même niveau que les autres contribuables et les entreprises. La réaction de ces professions d’élite reflète le manque de maturité et de civisme fiscal qui règne dans le pays, mais elles ne représentent cependant pas grand-chose devant la masse de « délinquants fiscaux » que sont les acteurs du commerce informel. Il suffit que l’Etat s’active contre ce fléau (qui représenterait selon des calculs jamais confirmés quelque 50% du PIB), pour avoir des dizaines de manifestations et de blocages de routes. On peut même trouver des députés pour vous dire pourquoi vous vous attaquez au commerce parallèle à Ben Guerdène, alors que le plus gros se trouve au port de Radès… Ou bien pourquoi vous vous attaquez à untel et pas à l’autre… Sans parler des menaces de tous genres, directes et indirectes, visant les ministres qui s’activent contre la corruption derrière ce fléau (Néji Jalloul, Saïd Aïdi ou Fadhel Abdelkefi en savent quelque chose).

 

A défaut de pouvoir faire payer les délinquants fiscaux, et pour pouvoir honorer les salaires de ses recrutements nouveaux inutiles, l’Etat s’en prend donc aux contribuables transparents et voulant être en règle. On harcèle les uns avec des redressements fiscaux mortels et on alourdit les autres avec des augmentations annuelles diverses et injustes (comme la question de la double imposition d’impôt sur les dividendes sur des montants déjà imposés par l’IS).

C’est tout cela qui crée le sentiment d’injustice chez les contribuables et entreprises honnêtes. C’est grâce à eux que tourne toute la machine de l’Etat et pourtant ce sont eux que l’on saigne le plus et toujours de plus en plus.

Sachant que cette politique ne peut plus se poursuivre jusqu’à l’infini, il est impératif que l’actuel gouvernement quitte son cercle vicieux en changeant de stratégie pour faire ramener dans les rangs les délinquants fiscaux et en finir avec les nouvelles recrues qui ne servent à rien.

La méthode a été testée sous d’autres cieux, elle peut faire ses preuves chez nous et elle a été exposée à plusieurs reprises, y compris dans ces colonnes. Il s’agit d’en finir avec les paiements de gros achats en liquide. Tout doit passer à travers les banques avec des paiements en chèques, virement ou par carte bancaire. Dès lors que les actifs se trouvent dans les banques, l’Etat doit faire mobiliser ses inspecteurs fiscaux pour exiger aux titulaires des comptes bancaires de présenter l’origine de leurs fortunes. On commencera naturellement par les titulaires exposés à la corruption comme les politiques, les magistrats, les avocats, les médias puis ceux concernés par l’évasion et la fraude fiscales, comme les avocats (encore !), les médecins, les agents immobiliers et les acteurs du commerce parallèle.

Quant aux nouvelles recrues qui ne servent à rien, il faut passer par la chirurgie pour faire arrêter l’hémorragie. L’Etat paie lourdement ces nouvelles embauches, il est nécessaire qu’il passe encore par la caisse en leur donnant des soldes de tous comptes et les licencier ou bien les faire muter à des postes productifs. On ne peut pas continuer éternellement à dédommager des gens dont la seule compétence est d’avoir été ancien prisonnier politique (à prouver) ou d’avoir réussi un sit-in. Le bateau est en train de couler et l’année 2018 risque d’être plus dure que les précédentes, qu’ils le sachent !

02/10/2017 | 15:59
6 min
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Commentaires (12)

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so. light
| 04-10-2017 22:47
Réaffecter les 71000 agents à leurs sociétés d'origine auxquels on ajoute les amnistiés, les blessés, le mécanisme 16 (22000+2400+9000) plus "les bras cassés de l'administration" et recourir à la sous-traitance pour le gardiennage, nettoyage des locaux ou autres. Les charges seront certainement inférieures et l'État percevra les impôts retenus à la source et en plus l'impôt sur les sociétés qui les emploient.

Professeur de droit
| 04-10-2017 10:52
Nizar n'a pas pu échapper à cette idée répandue (et totalement fausse) que l'argent qui manque à l'etat se trouverait chez ceux qui ne payent pas l'impot.
La Tunisie est donc très riche et il suffirait de "récupérer" chez les contrebandiers, les mauvais payeurs et le commerce informelle, pour remplir les caisses de l'Etat.
Si c'était le cas, Zine Ben Ali, qui disposait d'informations détaillée sur son pays et du pouvoir nécessaire, l'aurait fait.
En réalité, le pays a des ressources limitées et une économie de petite taille. Et ce petit citron a déjà été complètement pressé.
Ni l'argent de la contrebande, ni le "trésor" des médecins, ni fortune supposée de Ben Ali à l'étranger n'y pourront rien. la seule façon de s'en sortir est de REDUIRE LES DEPENSES à la taille raisonnable du pays. Et pour ce faire, DEGRAISSER LE PERSONNEL DU SECTEUR PUBLIC. plus on attendra, plus tout le pays s'appauvrira, et plus le Dinar plongera. Et on attendra POUR RIEN, car on finira par licencier ce personnel de surplus, un jour, forcément.
Il faut le dire, le souligner, et éviter de mélanger cette solution de salut public avec les autres questions, qui existent partout. ce qui n'existe pas partout, c'est une bande d'imbéciles qui est passé au pouvoir et qui a recruté jusqu'à concurrence de 100% du budget national (C'est descendu aux 3/4 après augmentation substantielle du postes des dépenses, augmentation théorique, car ces montants ne seront jamais atteints en recettes).

Bechir
| 03-10-2017 17:11
Le titre résume à lui seul tout ce que j'ai à dire.
A votre avis, aux prochaines élections, combien y aura t'il de tunisiens prêts à revoter pour cette bande mafieuse de nahdhaouis. Certainement plus qu'on ne peut le prévoir. Je pense que leur présence au gouvernement n'aura servi de leçon à personne, j'en veux pour preuve leur participation actuelle.

Amor
| 03-10-2017 13:44
Les emplois que vous évoquez sont des emplois fictifs.
Les auteurs de ces recrutement sont passibles de lourdes peines en application de l'article 96 du Code Pénal.

Anonyme
| 03-10-2017 08:55
Tout ce que vous avez avancé est cohérent, logique et bien réel malheureusement.
Seulement, il y a une question qui me torture l'esprit et à laquelle je n'ai pas trouvé jusqu'ici de réponse.
Il est plus que vrai que la fonction publique a été inondée par des recrutements, pas toujours nécessaires. Seulement, ces recrutements génèrent aussi bien des salaires (donc des charges pour le budget de l'Etat), mais aussi des cotisations sociales (donc des recettes pour les caisses sociales) et des impôts (donc des recettes fiscales pour le budget de l'Etat). Ma question est donc la suivante: Est-ce que le différentiel en termes de recettes fiscales liées à l'accroissement de la masse salariale n'a pas contribué même d'un epsilon à améliorer la situation calamiteuse des finances publiques et des caisses sociales ? Je garde l'espoir (et c'est probablement un v'u pieux) que l'un des membres du Gouvernement se penche sur cette question, pour le moins paradoxale, et ait l'amabilité de nous l'expliquer de manière cartésienne, chiffres à l'appui

DHEJ
| 03-10-2017 08:45
Hélas la loi des fiances c'est pour avoir un VOLUME D'ARGENT un volume à dépenser en une année fiscale!


Le théorème de BERNOULLI s'applique par excellence et le constat est plus grave que ce qu'avance l'auteur!


Un mot a retenu mon attention à savoir "mettre au meme niveau"!


Et un niveau est une énergie toujours d'après BERNOULLI...


Or notre Etat poste merdolation BROUETTIENNE à détruit la justice entre les NIVEAUX!


Niveau universitaire;

Niveau des congés;

Niveau de productivité;


Et niveau des salaires!!!


Donc l'Etat Tunisien MAFIEUX est-il héréditaire de la culture bourguibienne, saigne le TUNISIEN qui aime se saigner!


Le problème est le TUNISIEN représenté par Ro dans la fameuse formule de la portance déduite du théorème de BERNOULLI!!!


Le TUNISIEN gouverné ou gouvernant est UN ANARCHISTE!

Correcteur
| 02-10-2017 21:43
Cher ami
Je n'ai pas besoin de me répéter pour vous dire le bien que je pense de vos articles.Vous mettez le doigt là ou il faut et quand il faut,avec audace!
Ceci dit,pardonnez-moi une digression en forme de question;"Avez-vous des nouvelles de la belle et talentueuse "Ikhlas Latif" ?

houda
| 02-10-2017 18:23
ecraser et mettre a genous l administration et par consequent tout le pays le gouvernement actuel n a rien compris ou peut etre il ne peut rien faire par peur de ennahdha il faut les licencier ces bras cassès

Philobog
| 02-10-2017 18:15
En laissant filer corruption et marché parallèle l'état a doublé le problème. Car en plus d'être économique le problème est devenu social. Mais cele ne peut plus continuer longtemps ainsi, toujours les mêmes que l'on ponctionne. Ce qui me fait penser et dire que, en Tunisie on gagne beaucoup plus et on risque beaucoup moins en étant malhonnête

Sami
| 02-10-2017 18:08
Tout cela est vrai mais pour éviter des troubles inutiles , il faut être pragmatique :
Amnistier le passé ( comme le font tous les pays), changer les billets pour faire revenir argent informel dans le système puis appliquer strictement les taxations
Le bâton tout seul est contreproductif