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Chroniques
Empêchement et entourloupettes
Par Ikhlas Latif
23/08/2019 | 16:29
3 min
Empêchement et entourloupettes

 

Drôle de situation dans laquelle se trouve la Tunisie après l’annonce de Youssef Chahed de déléguer ses pouvoirs à Kamel Morjane. Nous avons donc trois présidences par intérim, celles de la République et de l’Assemblée des représentants du peuple pour cause de décès du chef de l’Etat, celle du gouvernement parce que M. Chahed a invoqué un empêchement.

 

Le discours du chef du gouvernement, annoncé à la dernière minute, était très attendu et certains insinuaient que Youssef Chahed a choisi ce timing en particulier pour torpiller la première grande sortie médiatique de son adversaire à la présidentielle et ministre de la Défense Abdelkrim Zbidi. Le fait est que l’annonce de Chahed avait pris tout le monde de court. Mais derrière l’apparente bonne intention de cette décision, il fallait bien creuser et dévoiler la brillante combine.

 

Tout d’abord, le chef du gouvernement justifie son acte par la nécessité d’une équité entre tous les candidats et pour qu’on ne l’accuse pas d’utiliser les moyens de l’Etat au profit de sa campagne. Première contradiction : Youssef Chahed a utilisé le temps d’antenne de la télévision nationale pour s’étaler de long en large sur ses succès, sur ses réalisations, sur son sens des responsabilités, sur ses craintes pour la Tunisie, sur l’amélioration de la situation... Sur les 7 minutes et quelques de l’intervention, Youssef Chahed a consacré plus de 5 minutes à brosser son bilan positif, à louer ses efforts, tout cela sur la chaîne publique, tout en nous affirmant qu’il n’utilise pas les moyens de l’Etat. Question cohérence et égalité des chances, il faudra passer son chemin.  

 

Et puis Youssef Chahed justifie le fait qu’il n’ait pas présenté sa démission (rien ne lui interdit de garder son poste en étant candidat, il faut le dire)  parce qu’il ne voudrait pas entrainer le départ de tout le gouvernement. Gouvernement qui, dans la pratique, se chargera de gérer les affaires courantes. Il pourra ainsi, après la clôture de la campagne présidentielle, reprendre tranquillement sa place comme si de rien n’était.  

 

Après l’histoire de la double nationalité, les équipes de Chahed nous présentent cette décision comme si c’était le coup de maître du siècle. Une réalisation chevaleresque, d’un homme politique qui ne veut en aucun cas être accusé de conflit entre sa fonction à la tête de l’exécutif et sa mission de candidat. Sauf que cette décision est venue un peu trop en retard après une pression entretenue par des médias et les réseaux sociaux tunisiens, devenus très pointilleux sur les faits et gestes du chef du gouvernement-candidat. Son interview diffusée sur la chaîne nationale à la veille même de l’ouverture des candidatures à la présidentielle en est la manifestation. Youssef Chahed a indéniablement profité de sa position, jusqu’au bout, pour qu’il ait le plus de visibilité possible. Rien ne l’obligeait à partir, certes, mais il l’a fait à la 90ème minute de jeu afin de marquer un but, affecté.

 

Le candidat de Tahya Tounes a invoqué hier, le dernier paragraphe de l’article 92 de la constitution disposant qu’ « en cas d’empêchement provisoire d’exercer ses fonctions, le chef du gouvernement délègue ses pouvoirs à l’un des ministres ». En parcourant cette petite phrase, pas la peine d’être un spécialiste en droit constitutionnel pour relever un  grand hic. Se consacrer à sa campagne électorale constitue-t-il un  cas d’empêchement provisoire ? Permettez-moi d’en douter. Youssef Chahed a choisi de se retirer, volontairement, pour donner l’image d’un candidat irréprochable et éviter les polémiques. Kamel Morjane, président du conseil national de Tahya Tounes, en passant, est donc celui que Chahed a choisi pour déléguer ses pouvoirs, une façon détournée de garder un pied à la Kasbah. Pas bête du tout, puisqu’il s’agit aussi d’une récompense à celui qui a entrepris de fusionner son parti avec celui du chef du gouvernement.  

 

Bien joué. L’équipe com’ de Chahed peut être très fière de cette nouvelle épopée, exaltant à tout-va le sens des responsabilités du jeune et extraordinaire candidat, s’attaquant en essaim à ceux qui relèvent la manigance dans toute cette histoire. Sauf qu’il s’agit d’une entorse, voire d’une violation de la constitution et d’une entourloupette que le provisoire ex-chef du gouvernement voudrait faire gober aux potentiels électeurs.

Par Ikhlas Latif
23/08/2019 | 16:29
3 min
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Commentaires (9)

Commenter

Walid
| 25-08-2019 22:39
Madame l'auteur,
S'il vous plaît ne pensez pas qu'en écrivant un article aussi bidon vous allez réussir à convaincre les gens que YC est "méchant" :)

Abdelkader
| 24-08-2019 18:33
On est tenté de vous retourner le compliment !
BN est devenu l'opposant en chef de Youssef Chahed pour des raisons mystérieuses .
Anguille sous roche !

manigance
| 24-08-2019 15:49
morjane ou yc c'est kikif c'est tahya tounes yc est toujours dans l'exécutif des façons douteuse qui arrange les affaires de tahya tounes j'espére pas pour longtemps

A__Zut !
| 24-08-2019 14:04
Contrairement à "la plus belle fille du monde" de Nicolas de Chamfort qui, elle, "ne peut donner que ce qu'elle a", la "meilleure Constitution au monde" issue de l'ANC troïkiste peut donner même ce qu'elle n'a pas !

welles
| 24-08-2019 08:28
La mécanique que vous avez démonté est vieille comme le monde et monsieur Y.C. se croit un génie. Lamentable...

Anti-idiotie!
| 24-08-2019 07:06
Il faut avouer que Youssef Chehed est quelqu'un de très ambitieux et de très courageux, mais il est malheureusement d'une intelligence moyenne,

En effet, Youssef Chehed fait tout le temps de faux calculs et il minimise ses chances aux élections présidentielles et législatives par sa propre idiotie. II avait toutes les chances pour réussir sa carrière politique et par sa propre faute il a aujourd'hui toutes les chances afin d'échouer.

Sa confiance aveugle en Morjane va lui coûter trop cher! Ce n'est qu'une question de temps...

Non, je ne voterai pas YC...

Vive Abir moussi

mansour
| 23-08-2019 22:20
finie l'ivresse de la douce apesanteur dans laquelle baignait Youssef Chahed avec tous les pouvoir de chef du gouvernement, le retour sur Terre après les élections se fera dans la douleur et personne ne sera surpris

nazou de la chameliere
| 23-08-2019 18:39
ne vous étonner de rien avec ce chef de gouvernement ,puisqu'il a été jusqu'a faire arreté un representant de L'ONU !!!
Il faut etre aux abois,ou completement taré comme lui ,pour faire autant de conneries !!!
La deniere étant l'arrestation des freres Karaoui ,en passant par la maltraitance de Hcs !!!
Il devient fou le mec !!

DHEJ
| 23-08-2019 17:27
Un espion