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Tribunes
Les Ligues de protection de la révolution: les S.A new age de la Tunisie
14/11/2012 | 1
min
Les Ligues de protection de la révolution: les S.A new age de la Tunisie
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Par Khaled FOURATI*

Tous les esprits libres, patriotes, démocrates, honnêtes s'accordent à penser que les ligues de protections de la révolution sont violentes, dangereuses, partisanes et menacent le processus démocratique en Tunisie.
Nous constatons avec stupeur et amertume que la stratégie de la violence politique, entamée quelques mois auparavant, se renforce et s'organise. La récupération des anciens comités de protection de la révolution, sous une forme plus légale et sous un nouveau nom, instaure une milice pour contrôler le terrain politique et diviser la scène en "pro" et "anti'. L'objectif non avoué étant de museler les adversaires politiques qui risquent de faire de l'ombre à l’hégémonie de leurs commanditaires.

1.- La peur de ressusciter les S.A de l'Allemagne nazi sous une autre appellation.

L'objectif ici n'est pas de faire de la polémologie, mais de rappeler des faits historiques similaires à la situation actuelle. En 1921 l'officier allemand Ernst Röhm crée les S.A (sections d'assaut) dont le rôle était de protéger le Parti National-socialiste des Travailleurs Allemands, mais surtout de briser les adversaires politiques par la force. Des meetings étaient empêchés, des politiciens assassinés et des opposants menacés. Nous connaissons la triste suite de l'histoire.

Les ligues de protection de la révolution rappellent fortement ces formations d’antan. Sous prétexte de protéger le pays contre l'ancienne dictature, ils en créent un nouveau modèle exactement similaire. Mais ce dernier est le leur et il faudra le préserver contre les éventuels adversaires. La paranoïa s'installera et la société s'enlisera dans une nouvelle forme de crise. Nous ne serons plus à l'abri des intrusions dans les hôtels, les restaurants, les cafés, les cinémas, les discothèques, et même dans les lieux privés. Les médias, les associations, les partis politiques feront l'objet de "purification". Le Tunisien n’étant plus disposé à se laisser faire, la peur entraînera la haine et la haine engendrera la violence. Les "escadrons de la violence" se renforceront davantage. Leurs intérêts collectifs et personnels grandiront et leurs implantations seront renforcées. Il sera, alors, trop tard pour s'en défaire.
Est-ce que la Tunisie a besoin de ressusciter la sombre histoire des S.A de l'Allemagne nazi ? Non, sans aucun doute. Les Tunisiens ont d'autres ambitions. Ils sont unanimes à vouloir faire de la Tunisie la "Suisse de l'Afrique". Ils y croient. Mais pour cela, il y a des préalables non négociables: des institutions indépendantes et stables, une sécurité pour tous les Tunisiens, une justice indépendante, une presse libre et indépendante... Une fois ce socle mis en place, une économie forte sera facilement érigée.

2 - L'opinion publique

Les diverses agressions et attaques auxquelles nous assistons depuis quelque temps inquiètent les Tunisiens. Le dernier en date est le lynchage de feu Lotfi Nagdh. La première source de préoccupation est, de loin, l'insécurité. Et l'angoisse va grandissant. Le gouvernement et la troïka persistent à ignorer l'opinion publique en multipliant les mensonges et les fausses déclarations. Les gens ont peur de ces "escadrons de la violence" et chacun, selon son humeur, se crée un scénario propre. Deux théories contradictoires ressortent de l'avis de la rue.
• Certains pensent que les forces vives du pays doivent maintenir la pression sur le gouvernement et la troïka afin de les pousser à dissoudre ces ligues barbares. Les partis politiques, l'Assemblée constituante, la société civile, les personnalités publiques doivent, par tous les moyens pacifiques et non violents, se serrer les coudes dans ce combat. Les médias doivent se relayer par des émissions, des débats, des messages avec l'objectif de faire fléchir le gouvernement en vue de trouver une issue légale à ce fléau et dissoudre ces ligues.
• L'autre thèse plus radicale, et certainement moins souhaitable pour le pays, suppose que les partis de l'opposition doivent, de leur côté, disposer de leurs organes de sécurité, renforcés et étendus territorialement, comparable auxdites ligues. Les défenseurs de cette thèse prétendent que l'adversaire n'osera pas frapper s'il sait que la riposte peut être aussi violente. Ceci rappelle le principe de la dissuasion nucléaire. Cette arme a maintenu la paix grâce à la peur de la "destruction mutuelle assurée" en cas frappe nucléaire. Cette solution ne doit pas prévaloir et doit être écartée car elle entraînera une guerre de milices. La Tunisie que nous voulons construire ne ressemble pas du tout à ça.

3. Le silence du CPR et d’Ettakatol

Face à tous ces événements, le Tunisien n'arrive pas à comprendre le mutisme dans lequel sombrent les dirigeants du CPR et d’Ettakatol. Ces partenaires d’Ennahdha dans la Troïka ont-ils perdu le sens du discernement? Pourquoi oublient-ils les valeurs pour lesquelles ils ont tant milité? Est-ce que l'avidité du pouvoir et l'opportunisme l’ont emporté sur leur bon sens et leur lucidité?
Autant de questions auxquelles nous n'arrivons pas à trouver de réponses claires. Entretemps, le Tunisien assiste, impuissant, à la violence politique, à l'abus de pouvoir, aux fausses déclarations, au manque de transparence quant à la justice transitionnelle, à l’arrogance des dirigeants politiques...
Ben Jaâfar donne l'impression de ne pas vivre dans le même pays que les Tunisiens et de ne pas partager leurs préoccupations et ne fait preuve d'aucune empathie. Il reste insensibles aux dissensions au sein de son parti et n'en tire pas aucune leçon malgré les appels de détresse de ses militants qui se sentent trahis.
Marzouki de, son côté, habile orateur maniant avec talent la rhétorique, fait bande à part. Il prépare ses prochaines élections en profitant des bourdes des dirigeants d’Ennahdha. Il profite de la simplicité et du désarroi de l'électeur qui gobe ses discours, afin d'assouvir ses propres ambitions. Personne ne voit le mal et les menaces qui pèsent sur l'avenir du pays.

4. Appel à la clairvoyance

N'y a-t-il pas de gens censés et lucides à l'intérieur d’Ennahdha qui sont capables de tirer la sonnette d'alarme et dénoncer publiquement les dérives progressives? Est-ce que la fidélité au parti est supérieure à l'amour pour la patrie?
Pourquoi les dirigeants et militants honnêtes d’Ettakatol n'acculent pas leurs dirigeants à dénoncer l’hégémonie croissante d’Ennahdha et de s'en détacher en quittant la Troïka? La place naturelle d’Ettakatol n'est-elle pas à côté d’El Joumhouri et d’El Massar?
Pourquoi le CPR persiste t-il à diviser les Tunisiens en bons et mauvais élèves et ne pousse pas à activer la justice transitionnelle? Est-ce un fonds de commerce qui rapporte et qui peut faire gagner les élections?
Les perdants dans tout ça sont les pauvres Tunisiens qui s'accrochent à croire des élites politiques qui leur vendent des discours dogmatiques en profitant de leur détresse.

La conscience collective doit se réveiller.
Pour lutter contre le ver dans le fruit, il faut avoir le réflexe d'intervenir tôt. Lorsque les dégâts commencent, il sera trop tard pour sauver la récolte.


*Membre du bureau politique Al Joumhouri
14/11/2012 | 1
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