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Chroniques
La campagne d’Ennahdha se met en place, sans Ennahdha !
Par Marouen Achouri
19/12/2018 | 15:59
5 min
La campagne d’Ennahdha se met en place, sans Ennahdha !

Par Marouen Achouri

 

La campagne électorale d’Ennahdha avance doucement mais sûrement. Le parti islamiste se trouve en pole position dans la course menant vers les élections de 2019. Le plus étrange dans ce constat est qu’Ennahdha ne fait rien pour préparer la prochaine échéance électorale, ce sont ses adversaires supposés qui s’en occupent. Par leur bêtise, individuelle ou collective, par le vide sidéral de leur discours et par la méconnaissance qu’ils ont du bon peuple, les ennemis d’Ennahdha font déjà le lit de ses victoires futures en perpétuant les mêmes erreurs qu’auparavant.

 

Prenons Nidaa Tounes par exemple. Ce parti transgenre, passé du pouvoir à l’opposition durant le même mandat, se déchaine dans une guerre stérile contre Youssef Chahed et son embryon de projet politique. Il se retrouve aujourd’hui avec un secrétaire général exilé du fait d’une manœuvre judiciaire et un congrès dont il est difficile de prévoir la date. Il est vrai que les dirigeants de Nidaa promettent un congrès fin février mais cela semble hypothétique. Ce parti, qui s’était dressé face à Ennahdha à un certain moment, a payé le prix de sa connivence avec les islamistes et le prix de la trahison de ses électeurs. Ses dirigeants, à commencer par son fondateur Béji Caïd Essebsi, ont échoué à transformer le parti d’une machine électorale à un vrai grand parti populaire, si tant est qu’ils en aient eu l’intention évidemment.

La débâcle est telle qu’aujourd’hui Nidaa Tounes n’a plus aucun ADN, plus aucune ligne directrice ni de projet pour la société. Les patrons de Nidaa Tounes peuvent toujours se gargariser des résultats en demi-teinte des élections municipales pour clamer qu’ils sont toujours deuxièmes, mais la vérité est qu’il s’agit d’un parti sans avenir. Les manœuvres des Slim Riahi, qui porte plainte contre le chef du gouvernement pour un putsch supposé, ou des Sofiène Toubel et Ons Hattab, qui se découvrent des tendances socialistes quand il s’agit de s’afficher avec l’UGTT contre Youssef Chahed, font la campagne d’Ennahdha.

 

Du côté de l’opposition, le Front populaire reste l’un des adversaires –voire des ennemis- historiques des islamistes. Le hic c’est que c’est justement historique. L’affaire de l’appareil secret d’Ennahdha semble avoir ébranlé le parti islamiste durant un certain temps. Mais il n’a fallu à Ennahdha que quelques réunions internes et certains éléments de langage pour s’en sortir. De l’autre côté, le Front populaire n’est plus une force politique qui détient la base nécessaire pour diffuser ses arguments parmi la population. Malgré son extrême gravité, l’affaire est restée circonscrite au cercle politico-médiatique qui lui-même s’éloigne de plus en plus des préoccupations des gens.

Par ailleurs, les défenseurs des martyrs Belaïd et Brahmi se sont laissés tenter par la récupération politique tissée par Béji Caïd Essebsi.

 

Pour en venir justement au président de la République, la campagne qu’il mène contre Ennahdha en recevant les différents comités de défense ou en soumettant le dossier de l’appareil secret au conseil de sécurité nationale, est dépourvue d’effet. Tous les observateurs et les analystes savent qu’il s’agit, pour le président de la République, d’affaiblir son chef de gouvernement en visant son principal soutien politique. Donc, pour le président, il serait tout à fait envisageable de refaire affaire avec Ennahdha si elle lâche Youssef Chahed. Tout cela est connu de tous. En face, Ennahdha n’a plus qu’à se cacher derrière le sacrosaint « intérêt supérieur de la nation » tout en évitant de se mettre frontalement à dos le chef de l’Etat. Une stratégie qui marche brillamment jusque-là.

 

Pour ce qui est de Youssef Chahed et des députés de la coalition nationale, c’est une coopération prudente qui s’installe. Le clan Youssef Chahed et Ennahdha savent très bien qu’ils vont se transformer en adversaires dans peu de temps, donc les deux protagonistes essayent de ne pas trop se compromettre ensemble et maintiennent leur collaboration à un niveau superficiel. Ni Ennahdha ni la coalition n’ont besoin d’allumer un autre brasier étant chacun empêtré dans d’autres problèmes.

 

Le reste des partis politiques caresse encore le doux rêve d’être à la tête de la « famille démocrate et modérée » pour, évidemment, contrer Ennahdha et son projet. Une vieille rhétorique qui n’a plus ni de sens ni d’impact dans la population. Il s’agit d’un discours rodé que l’on aime bien ressasser dans les salons feutrés ou sur les murs Facebook de certaines personnes. Toutefois, c’est un discours qui n’a aucune portée et qui ne sert qu’à rationnaliser l’échec cuisant de cette fameuse famille.

Cette dernière, dans le sens plus large, est trop occupée à s’étriper entre pro nidaa, pro Chahed et puis les habituels donneurs de leçons, pour se concentrer sur Ennahdha. Tous, à des degrés divers, font déjà la victoire d’Ennahdha. Tous sont les meilleurs arguments de campagne des islamistes. Même si ce genre de constat se répète depuis 2011, les maitres à penser de la famille démocrate, qui savent tout mieux que tout le monde, vont continuer à s’échanger des noms d’oiseaux sur les réseaux sociaux et à essayer de pondre le statut qui fera le plus de likes et de commentaires. Ils vont continuer à se prendre pour le nombril du monde et à faire les « sympatoches » virtuels.

Entre temps, c’est Ennahdha qui organise une conférence avec les dirigeants municipaux du parti pour leur offrir assistance et formation dans leur travail, et bien sûr pour leur apprendre à être les relais de sa politique au niveau local. C’est Ennahdha qui exploite l’image de la première femme maire de Tunis. C’est Ennahdha qui maitrise les rouages de l’Etat et qui fait chaque jour en sorte d’être indispensable à chaque échelon.

Le plus ironique dans tout cela c’est que « la famille » en 2019, ne comprendra même pas pourquoi elle a perdu.

Par Marouen Achouri
19/12/2018 | 15:59
5 min
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Commentaires (4)

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lariosss
| 22-12-2018 14:51
Qui gouverne actuellement notre chére TUNISIE? c'est ennahdha, le parlement ne peut rien faire devant l'hégénomie d'ennahdha, bajbouj, notre président est apparu plus royaliste que son compagnon le roi gannouchi, une transition démocratique qui piétine, puisque le parti d'ennahdha a tout dévoré et englouti, les postes, les emplois, les crédits, les préts, ect ... tout est à sa disposition, le parti de nida qui est sensé de gouverner s'est trouvé disloqué, et dépassé par les événements, une opposition de soit disant gauche n'a pas su se métamorphoser et étre à la hauteur de faire face à ce que le monde est en train de le subir de transformations et d'évolutions . Les élections législatives et présidentielles de 2019 sont à nos portes, c'est le moment ou jamais pour les partis de l'opposition d'arréter leurs préoccupations des agissements et de contretemps des partis décideurs et qui ont gouverné ces dernieres années et de s'intéresser à s'occuper de leurs lourdes missions, de préparer leurs programmes, de multiplier les contacts sur le terrain et de se rapprocher du peuple là où il se trouve , d'entendre les doléances des citoyens et leurs difficultés et de se préparer pour leur trouver des réponses prometteuses bien étudiées et bien réelles et de connaitre de prés leurs priorités , d'organiser des colloques et des recherches relatives à tous les domaines et les secteurs, aussi c'est le moment de former , d'encadrer , d'encourager des militants connus par leur intégrité ,leur compétence et leur rayonnement dans toutes les régions et de changer ceux qui stagnent et n'ont fourni aucune initiative et aucun intérét à leur entourage, d'évaluer le bilan de chacun et de savoir les conditions de travail de chaque bureau local et régional et revoir le perspectives d'un avenir plus positif , plus productif et plus radieux

Tounès hobbi
| 20-12-2018 06:14
Cet article a bien commencé. Bien sûr , les bêtises et la pagaille des uns aident le gain en pub des autres. Il y a beaucouo de gens fascinés par l'ordre que dégage nahdha, devant la gabegie ( supposee ou reelle ?) de nida et le "bloc" et les partis zombies et cie.
Mais une précision : ceux qui communiquent et analyse-t-il sur fcbk sont des gens neutres, indépendants, au maximum ils font partie de la société civile. Ne les impliquez pas tous dans les magouilles politico politiciennes, qui sont comme les vagues d'une mer déchaînées et qui peuvent demain vous-même vous surprendre par des choses que vous n'avez jamais imaginé sur le plan effet théâtral .. Et croyez-moi Nahdha n'a besoin de personne pour faire sa publicité, elle est conseillée par le ou les meilleures boîtes de com étrangères et connaît bien Machiavel . Par contre nous, nous sommes des amateurs jetés d'un seul coup dans une tourmente inattendue ; on n'a que notre amour pour la patrie, nos connaissances acquises, notre sincérité, pour essayer de résister à l'envahisseur qui a certaines racines parmi la population et utilise l'arme hypnotique fatale, la religion, avec bâton et carotte en alternance. Merci

kameleon78
| 20-12-2018 01:24
Comme avec le Front National en France rebaptisé récemment Rassemblement National, le parti islamiste Nahda n'a pas besoin de faire campagne, ses adversaires politiques vont la faire pour lui. Si on doit parler de principal adversaire de Nahda, c'est de Nidaa Tounès dont il s'agit, tout avait bien commencé mais le problème des nidaïstes ce n'est pas un problème d'idéologie mais de personnes, c'est à dire une guerre des égos, et celui qui aura la plus grosse.

Le Gourou exploite les ambitions des uns et des autres et montre "patte blanche" à celui qui serait le plus "utile" à son parti islamiste, tantôt ce sera le "petit Sebsi" un client idéal pour Ghannouchi, ambitieux, peu intelligent et manipulable à souhait. Puis ce sera le tour du père, le "vieux" Sebsi que le Gourou a bien exploité le côté "Tawafeq" du vieux président. Le Gourou rusé comme un vieux singe (il vient de souffler ses 77 printemps), flatte le "fils" puis le "père", voici qu'il a trouvé le "client idéal", un jeune Chef de Gouvernement ambitieux qui serait plus utile à l'avenir pour Ghannouchi que le "vieux" Sebsi dont le mandat s'achèvera dans 10 mois. Donc quoi de plus tentant de diviser la famille moderniste celle de Nidaa Tounès seule capable de "menacer" électoralement le parti Nahda. Ghannouchi inculte mais il a lu la traduction en arabe du chef d'oeuvre de Machiavel, le Prince où il nous sort cette citation géniale : "diviser pour mieux régner". Le Gourou suit à la lettre les recommandations du penseur italien du 16ème siècle, à savoir soutenir le Chef du Gouvernement contre le Président de la République puis dans 10 mois il lâchera Youssef Chahed, un travail de professionnel, il ne restera plus qu'à récolter les "fruits" électoraux en 2019.

Comme il l'avait fait avec Nidaa Tounès, Ghannouchi proposera à Youssef Chahed une alliance pour un gouvernement de coalition, rebelote, Tawéfeq, consensus, et le Bloc National (en attendant son nouveau nom) finira comme Ettakatol, CPR puis Nidaa Tounès tous phagocytés par le "sorcier" Ghannouchi. Tous ces partis resteront divisés car ils ne fonctionnent que par les ambitions démesurés de leurs chefs respectifs, ils partagent tous le même "idéologie" laïque et moderniste mais ils resteront "divisés" par la forme. Quant au Gourou il continuera son bonhomme de chemin si Dieu lui prête vie et il cherchera encore un nouveau "pigeon" dans la famille moderniste pour proposer un Tawéfeq et un consensus. Ainsi va la la vie au Royaume de Montplaisir.

Les islamistes n'auront pas de problème d'égo tant que leur chef sera à la tête du mouvement, leur idéologie Khwanjiste est un ciment qui les unira pour de nombreuses années et en attendant on souhaite un bon anniversaire à leur chef Ghannouchi qui à l'aube de ses 80 printemps garde les idées claires pour manipuler tout ce beau monde.

Mohamed 1
| 19-12-2018 18:00
Toute la campagne de nahdha se résume à faire éclater nida en mille morceaux. Ce n'est pas sorcier. L'essentiel pour elle est d'arriver première au législatives, nommer le chef du gouvernement et arracher les ministères régaliens.
La seule condition pour y arriver est de pulvériser nida.
Elle y est arrivée facilement grâce au manque de "lucidité" de BCE et des autres dirigeants.
Nahdha ne lâchera Chahed qu'au tout dernier moment, pour être sûre que le clou est bien enfoncé entre les anciens collègues.
L'essentiel qui reste maintenant est d'offrir un seul bulletin de vote au modernistes, faute d'unifier les partis eux-mêmes.
Sinon on ne parle plus de manque de lucidité mais de manque de patriotisme.