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Chroniques
Comment est financé le terrorisme islamique ?
20/02/2014 | 1
min
Comment est financé le terrorisme islamique ?
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Par Mourad El Hattab

La Tunisie vit, une tragédie nationale : assassinats, attaques contre les forces de sécurité, embuscades, etc. Nos compatriotes sont exaspérés de voir ces scènes macabres, mais tout laisse présager qu’une guerre terroriste et planifiée sera longue et coûteuse. Deux questions se posent quant au financement du terrorisme islamique et aux solutions asséchant ses ressources.

Le phénomène n’est pas nouveau en Tunisie, les premières actions datent d’août 1987 où quatre attentats, ont été perpétrés par le mouvement de la tendance islamique et qui a tout simplement changé de nom par la suite pour devenir Ennahdha.

Au Maghreb arabe et en Tunisie, le fondamentalisme n’a pas eu de leader, les frères se sont rattachés à l’Egyptien Sayed Qotb, considéré comme l’homme-clé ayant prôné l’intégrisme en orientant le mouvement vers la violence pour établir l’Etat islamique. Il voit que le jihad en terre d’Islam est une obligation.

Ses pensées ont été approuvées par toutes les mouvances fondamentalistes pour donner une légitimité au terrorisme, généreusement financé par différentes parties prenantes, se déclarant dans le cadre d’une guerre sainte et dont les effets sont dévastateurs depuis plusieurs décennies.

Qui finance l’intégrisme islamiste ?
Il n’est pas simple de cerner les contours des modes du financement du terrorisme islamiste, notamment en Tunisie. Certains experts essaient d’étudier ce fléau en s’inspirant des expériences vécues et des analyses empiriques et il s’avère que les transactions à travers les comptes bancaires jouent un rôle important.

La gestion des comptes en banque des jihadistes montre qu’il s’agit de comptes ouverts en faibles apports, les coordonnées changent souvent, les comptes sont domiciliés auprès d’agences de banques réputées et fréquemment dans le même établissement.

Les virements sont de petits montants et destinés vers des pays musulmans et de l’Europe. Par ailleurs, les retraits se font en espèces par les cartes de débit souvent en dépassement des quotas et via les réseaux de transfert de masse d'argent. Les opérations n’indiquent pas des règlements de frais habituels de consommation.

Quant aux sources du financement, les injections viennent, sous la couverture, de fondations à vocation caritative apparente et de ramifications mondiales qui sont impliquées, selon plusieurs investigations, dans des affaires de malversations et de détournement de fonds destinés aux moujahidines.
Le phénomène de la prolifération de ce genre de fondations est de plus en plus rencontré dans notre pays durant les deux dernières années.

Observation importante, les terroristes disposent de moyens structurés par l’utilisation des communautés charitables. Le recours à des entreprises d’import-export commercialisant des biens et des articles de consommation courante provenant du continent asiatique vers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient constitue un autre détour du financement jihadiste.
Depuis un certain temps, ce type de sociétés nouvellement créées prolifère à un rythme très accéléré dans notre pays.

Selon le Centre français de recherche sur le renseignement, le financement du jihad a pris une nouvelle dimension. La criminalisation des nébuleuses islamistes s’illustre davantage par les kidnappings, l’extorsion de fonds, le trafic de stupéfiants et d’armes et le blanchiment d’argent issu de ce trafic.

La collecte de cotisations, la vente des livres religieux, l’organisation des causeries, les quêtes et les dons sur revenus personnels constituent également un moyen pour financer les efforts jihadistes de manière presque directe.

D’après des experts, les revenus annuels des moujahidines atteignent quelque 1050,6 milliards de dollars U.S et se partagent entre la zakat, les profits industriels et commerciaux, le trafic des métaux précieux et la commercialisation des armes et des stupéfiants.

Le marché noir où s’échangent bijoux et joyaux est, étonnamment, très florissant depuis une bonne période dans notre pays, au vu et au su de tout le monde, malgré les mises en garde de certains pays voisins inquiets d’être envahis par ce désastre et ne voyant pas d’un bon œil l’efficacité du contrôle des autorités tunisiennes tout en craignant la corruption qui pourrait aggraver la situation.

Lutte contre le financement du terrorisme jihadiste
En raison de la montée du terrorisme jihadiste, les Nations-Unies ont adopté des mesures qui visent la prévention et la répression de tous les actes de son financement.

Les Etats-Unis ont, pour leur part, promulgué une loi afin de renforcer les outils décelant et contrant le terrorisme en autorisant la publication des listes des personnes ou organisations terroristes internationales.

Le Parlement européen a adopté des directives fondées sur les travaux du Groupe d’Action Financière sur le blanchiment de capitaux et estime que la stabilité financière peut être compromise par les activités des criminels pour canaliser l’argent d’origine illicite à des fins terroristes.

En Tunisie et malgré l’obligation de suivre les mesures susmentionnées, on est loin de les appliquer. Les causes de cette non-conformité nonobstant notre disposition de systèmes de contrôles des paiements en local et à l’international efficaces et nos obligations de ratifier tous les accords internationaux en la matière restent à élucider.

Pour entamer la longue marche vers le contrôle des moyens de financement du terrorisme islamiste en Tunisie et l’assèchement de ses ressources, la ratification et la mise en œuvre des directives des Nations-Unies et à l’échelle mondiale est indispensable et ce, à côté de la déclaration des transactions suspectes, la consolidation de la coopération internationale et la vérification minutieuse des virements.

La Tunisie doit entamer une revue de la concordance de sa réglementation relative aux structures qui peuvent être utilisées pour financer le terrorisme. Les organismes à but non lucratif étant spécialement l’un des maillons les plus faibles. Notre pays doit mettre en œuvre aussi des mesures permettant de repérer les transports physiques transfrontaliers d’espèces et un système de déclaration ou toute autre obligation de communication.

Une vigilance particulière doit être apportée à la gestion des comptes bancaires, aux dépôts et aux retraits, aux virements, au suivi des profils des clients et aux opérations reliées à des lieux suspects.

Pour ce qui est du système financier tunisien, la création d’une entité de renseignements et d’action doit être une priorité pour lutter contre le blanchiment de capitaux, les activités des crimes organisés et le terrorisme et ce, par la collecte d’informations, le développement d’expertise et de services opérationnels.

Le rôle des institutions financières dans la lutte contre le financement du terrorisme est loin de représenter une plus-value déterminante. Les autorités policières, judiciaires et gouvernementales doivent, de ce fait, redoubler d’effort pour combattre le financement du terrorisme.


*Spécialiste en gestion des risques financiers
20/02/2014 | 1
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