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Chroniques
Légitimité, sacré mot de l’année 2013
Par Synda Tajine
28/12/2013 | 15:25
4 min
Légitimité, sacré mot de l’année 2013



Par Synda TAJINE

Légitimité. Ce mot a été, et est encore, sur toutes les bouches, brandi à toutes les occasions et mélangé à toutes les sauces en 2013. Qu’on invoque la légitimité révolutionnaire, la légitimité électorale, mais aussi la légitimité religieuse, nul n’échappe à cette loi du plus fort. La légitimité dans la Tunisie postrévolutionnaire implique que tout est permis, parce que tout est légitime.

Cette légitimité électorale a fait que les gouvernants actuels, élus pour un mandat d’un an seulement, se sont éternisés dans un hémicycle transformé en véritable cirque. En effet, deux ans plus tard, ils sont encore là. Discours enflammés, religiosité exacerbée et diatribes à tout bout de champ distribués entre les différents élus, voilà le pain quotidien de notre assemblée nationale. Une majorité vacillante, une popularité en décrépitude, une économie plombée, et des menaces de nouveaux assassinats politiques, nos gouvernants actuels s’accrochent pourtant à des sièges qui ne sont plus les leurs.

En Egypte, les Frères musulmans ont été répertoriés par le pouvoir de l’Armée comme étant une « organisation terroriste ». Le parti islamiste au pouvoir dans notre pays s’est empressé de condamner, appelant au retour de la légitimité. Alors que le signe de quatre de Rabâa al Adawiya est devenu le nouvel emblème d’islamistes en manque de reconnaissance et craignant plus que jamais que le peuple leur ôte ce pouvoir fragile conquis il y a plus de deux ans, il est devenu aujourd’hui plus que jamais contesté.

Mais de quelle légitimité parle-t-on dans les faits ?
Est-ce cette même légitimité qui confère aux élus, dont Sadok Chourou, le droit d’appeler, en pleine séance à l’Assemblée nationale, à ce que les mains et les pieds de ceux qui ont des velléités contestataires soient coupés ? Est-ce cette même légitimité qui confère au député Sahbi Atig, le droit de sortir crier en pleine rue de Tunis, qu’il est légitime de piétiner tous ceux qui s’opposent, justement, à cette sacro-sainte légitimité ? Est-ce cette même légitimité révolutionnaire qui confrère aujourd’hui aux Ligues de protection de la révolution le droit d’agir en toute impunité ? Des ligues qui pensent être aujourd’hui investies de tous les pouvoirs et profitent dans leurs agissements illégaux d’un soutien, et non des moindres, des partis politiques au pouvoir d’Ennahdha et du CPR (et dissidents).

Piocher dans les caisses de l’Etat, voter des lois qui ne profitent qu’à eux afin de s’enrichir davantage, nommer des proches et des amis aux postes clés de l’administration publique qui auraient pu profiter à d’autres plus compétents et prononcer des discours haineux, hargneux et diviseurs afin d’affirmer haut et fort qu’on ne démissionnera pas, on ne démissionnera pas, on ne démissionnera pas. Voici, dans les faits, les manifestations de cette légitimité.

L’ironie du sort fait que, leur légitimité électorale en berne, nos dirigeants n’hésitent pas à recourir à des moyens très peu légitimes pour défendre bec et ongles leur pouvoir révolutionnaire. Ce pouvoir du peuple qui leur a été attribué tel un chèque en blanc leur accordant des pouvoirs incommensurables et des privilèges auxquels nul ne peut aspirer.

Légitimité révolutionnaire a supplanté une légitimité électorale qui n’est plus. Elle ouvre la porte aux coups d’Etat, aux renversements et aux mouvements populaires. C’est d’ailleurs l’argument brandi par une opposition en manque de repères et de nouveaux tours dans son sac : les mouvements de rue. Se révolter contre un régime démocratique, non, mais appeler à la chute d’un pouvoir révolutionnaire qui surpasse ses prérogatives électorales, désormais caduques, oh que oui disent-ils.
De l’autre côté, c’est le « J’y suis, j’y reste ! » qui prévaut. L’opposition n’a ni le pouvoir de s’opposer ni de critiquer. Au nom de cette légitimité révolutionnaire, les 0,00 n’ont pas leur mot à dire. Le peuple ne leur a pas signé un chèque en blanc, à eux.
Cette légitimité révolutionnaire, qui a supplanté l’Etat de droit, s’est imposée lors d’une période de flou artistique où il était impératif de s’adapter avec les réalités actuelles. Aujourd’hui, même si le gouvernement ne leur appartient plus, c’est à l’Assemblée nationale que nos adeptes de la légitimité à toutes les sauces comptent faire, et refaire, leurs preuves. « Nous sommes encore au pouvoir, nous ne l’avons pas quitté », crient à l’unisson les dirigeants d’Ennahdha alors que leur départ du gouvernement est imminent. Et pourtant, ils s’y attachent encore, brandissent un Coran au sein d’un hémicycle qu’ils prétendent détenir et décident pour un peuple dont ils se disent les tuteurs.

Aujourd’hui, l’année 2013 approche de sa fin et la légitimité électorale, mais aussi révolutionnaire est plus que jamais en crise. Force est d’admettre qu’aussi bien pouvoir qu’opposition sont à côté de la plaque. Il est temps qu’ils le reconnaissent. Si l’opposition n’a pas toujours respecté les revendications citoyennes et a été très peu à la hauteur, le pouvoir, quant à lui, n’a pas répondu aux aspirations du peuple et a trahi ses engagements électoraux. Légitimité électorale et révolutionnaire sont toutes les deux caduques aujourd’hui et aucune d’elles ne veut désormais dire grand-chose…

Par Synda Tajine
28/12/2013 | 15:25
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