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Chroniques
De Elissa à Hannibal
13/09/2010 | 1
min
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Par Nizar BAHLOUL

C’est une chaîne de télévision que je considère médiocre, populeuse et polluante des esprits.
L’avis est subjectif et n’engage, naturellement, que celui qui le formule. Chacun est libre de ses opinions. Sauf qu’en dépit de cet avis, je ne peux que tirer un chapeau bas à cette chaîne et son coup d’éclat d’avoir contribué à rendre un bébé kidnappé de six semaines à ses parents, un mois après son enlèvement. Une telle chaîne, aussi médiocre soit-elle, mérite d’exister dans notre paysage médiatique. D’autant plus qu’elle n’est pas à son premier coup d’éclat. Il y a un an, elle a participé à l’arrestation d’un assassin !
La puissance d’un média, une chaîne de télévision grand public de surcroît, aussi médiocre soit-il, est prouvée de par le monde. Bien orienté, le contenu de ce média ne peut que servir la communauté et le cas de Sarra, le bébé kidnappé, en est la preuve.
Il ne faut cependant pas exagérer le rôle de Hannibal qui, en fait, n'a été que le chaînon manquant dans la résolution de ce type d’affaires. Sans cette dame qui a dénoncé sa voisine, après avoir remarqué l'existence d'un bébé, alors que la "maman" n'était pas enceinte, et fait le lien avec l'alerte kidnapping de la télé, l'affaire n'aurait pas été résolue. Sans la police qui a réagi rapidement, on n’aurait pas pu retrouver Sarra. Il fallait donc la conjonction des trois chaînons pour parvenir à ce résultat.

Ailleurs, on s’en est rendu compte depuis des décennies. Le dispositif « alertes enlèvement » a bien fait ses preuves lorsque les radios et télé suspendent leur programme pour diffuser l’alerte et la photo de l’enfant kidnappé.
Se rendra-t-on compte en Tunisie un jour de la puissance des médias à rendre service à la communauté ? Décrétera-t-on une loi obligeant les chaînes de télévision, stations de radios et journaux à diffuser les « alertes enlèvement » quand il s’agit d’enfants ? C’est à la police de le faire, mais la police tunisienne ne l’a jamais fait, en dépit des résultats tangibles et prouvés, en Tunisie et à l’étranger, de ce dispositif. Elle n'a jamais alerté les médias et sollicité leur contribution "civique et citoyenne" dans ce type d'affaires.
On a peur de la psychose ? Et alors ? Que vaut la psychose publique face à l’enlèvement d’un enfant à ses parents ? Vite, une loi pour que l’alerte enlèvement soit diffusée automatiquement et à grande échelle afin que toute la population participe à faire retrouver des enfants à leurs parents !
Il y a un peu plus d’un siècle, quand un enfant disparaissait, les habitants d’une ville ou d’un village sortaient tous ensemble, avec leurs torches et leurs lampes à huile, à sa recherche dans les ruelles et dans les forêts. Tout le monde était alerté et tout le monde se sentait concerné.
Aujourd’hui, le monde a évolué et, pourtant, on ne veut pas exploiter la technologie pour résoudre ce type de drames préférant déléguer cela à la police.
Or ce n’est pas l’affaire de la police, seulement, qui n’a ni les moyens humains ni matériels pour réussir systématiquement ce type de missions.
C’est notre affaire à tous, cela n’arrive pas qu’aux autres. Hannibal nous l’a rappelé. Pourvu que nos autorités retiennent cette leçon.

De Hannibal, notre légendaire ancêtre, je saute à Elissa, une autre légendaire ancêtre à nous autres Tunisiens.
Un parent a choisi, pour son nouveau-né, le joli prénom de notre mythique reine-fondatrice de Carthage.
A la mairie, on lui opposa un niet. Le papa ne peut prénommer sa fille Elissa. Et pourquoi ? Parce qu’il ne figure pas dans le livret officiel des prénoms, lui a-t-on rétorqué.
Aviez-vous connaissance de l’existence d’un tel livret ? Pourquoi la municipalité s’arroge-t-elle le droit de choisir pour nous les prénoms de nos enfants ? Je n’irai pas jusqu’à verser et débattre dans la logique absurde des concepteurs de ce livret, mais quelle est la signification de censurer le prénom de la reine fondatrice de Carthage et de renier l’histoire d’un pays trois fois millénaire ? Quelle est cette logique d’imposer aux Tunisiens des noms arabo-musulmans, alors que l’histoire de la Tunisie remonte à bien loin et sa culture va bien plus large ? Et pourquoi autorise-t-on le prénom Hannibal et qu’on refuse Elissa (bien qu’il soit vrai qu’on ait toujours accordé des choses aux descendants de Hannibal, alors qu’on les refusait aux héritières de Elissa) ?
S’il est tout à fait indiqué de refuser un prénom pouvant gêner l’enfant (et l’adulte) plus tard, il n’est aucunement permis d’élargir cette règle qu’on a voulu protectrice pour imposer une vision rétrograde et limiter les libertés fondamentales des citoyens, celles de prénommer leur progéniture comme ils l’entendent.

Le monde s’ouvre, le monde s’élargit, mais certains préfèrent garder leurs sempiternels réflexes d’imposer leurs idées à la communauté et de faire rentrer, de gré ou de force, les citoyens dans un même moule.
Les Tunisiens sont bien plus ouverts et, en nommant leur enfant Elissa, ils démontrent clairement leur reconnaissance et leur fidélité à ce pays trois fois millénaire.
Ils ne sont pas les seuls, une des plus grandes entreprises du pays, Tunisie Telecom en l’occurrence, a choisi ce nom pour sa marque téléphonique destinée aux jeunes. C’est dire que ce « vieux » prénom sonne encore et toujours jeune ! Mais il se trouve que ce n’est pas l’avis de nos vieilles mairies !
Vite, une loi pour anéantir cette absurdité !
13/09/2010 | 1
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