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La justice face aux tyrans d'hier et les opportunistes d'aujourd'hui
25/04/2011 |
min
La justice face aux tyrans d'hier et les opportunistes d'aujourd'hui
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Par Nizar BAHLOUL


Ils plaident non coupables. Ils commencent à être nombreux à le crier haut et fort. Ils, ce sont les Abdelwaheb Abdallah, Abdallah Kallel, Abderrahim Zouari ou Ali Seriati.
Leurs enfants et leurs proches essaient d’expliquer, à qui voudrait les entendre, que leurs papas n’ont pas torturé, n’ont pas volé, n’ont rien fait d’illégal.
Le dernier des derniers à clamer son innocence s’appelle Imed Trabelsi. Le bonhomme devient pieux, respectueux, poli, bienfaisant et philanthrope. Ceux qui l’ont connu sont tombés de leur chaise en lisant sa lettre à ce dernier des derniers. Ceux qui en ont entendu parler ont manqué s’étouffer de rire. Et puis quoi encore ? Imed Trabelsi innocent ! Il y a de quoi s’arracher les cheveux. Le mensonge est trop gros pour que ceux qui ont l’connu de près ou de loin puissent l’avaler. Ils sont des centaines, en effet, à pouvoir témoigner des turpitudes de l’ancien maire de la Goulette.
Mais aussi gros soit-il ce mensonge, la justice se doit de trancher en toute sérénité. Elle se doit d’instruire à charge et à décharge. Elle se doit de condamner les coupables et de disculper les innocents. Quels que soient leurs noms.

Or il ne nous semble pas que nous sommes en train d’offrir à la justice cette sérénité dont elle a besoin. A voir nos avocats se transformer en procureurs, à les voir crier, accuser, monter sur les tables, intimider tout le monde, il y a lieu de s’inquiéter sur la sérénité de la justice.
La salle d’audience est sacrée, les juges veulent être sereins, mais certains défenseurs de la veuve et de l’orphelin ont tout désacralisé. Face à un dossier vide de toute preuve tangible, dans ce climat, un juge peut-il innocenter une quelconque personne désignée coupable par la foule ?
Les proches de ces ministres crient sur tous les toits que leurs parents sont innocents. Ils sont coupables, crient en masse les Tunisiens et à leur tête quelques avocats. Et si l’un d’eux était réellement innocent ? Et si ce que tout le monde penserait incroyable se vérifierait ?
Il n’y aurait qu’une chance sur 100.000 pour qu’il le soit, il faudrait laisser la justice suivre, en toute sérénité cette chance. C’est aux magistrats de juger et non à la population.
Sous Ben Ali, des milliers de personnes ont été emprisonnées injustement. Maintenant que Ben Ali est parti, que la Tunisie nouvelle se construit, il est impératif qu’aucun innocent ne mette son pied un jour en prison. Qu’on condamne les ministres de Ben Ali aux pires sentences, mais qu’on les condamne justement.

Que la justice fasse également ce qu’elle a à faire en accélérant (sans bâcler) les procédures.
Que les juges d’instruction organisent des conférences de presse pour montrer au public, impatient, l’état d’avancement des enquêtes.
Qu’ils expliquent les raisons qui les ont motivés pour laisser untel en liberté et untel en état d’arrestation.
Qu’ils expliquent pourquoi le procès de Imed Trabelsi a commencé avec des charges aussi légères.
Ce mutisme des juges n’est compris ni par le Tunisien lambda (à la culture judiciaire médiocre), ni par les avocats.
S’il est impératif que les juges travaillent en toute sérénité, il est également impératif de rendre des comptes aux citoyens impatients de voir leurs tyrans jugés lourdement.

En attendant, et face à ce mutisme et cette lenteur judiciaires, certains se sont métamorphosés en juges en s’adonnant à ce nouveau sport de désigner des personnes, de les accuser puis de les condamner. En total opposé de leur mission initiale.
Les avocats sont censés défendre les personnes. Aujourd’hui, on les voit accuser à tort et à travers sans même prendre le soin de réunir des preuves.
Les syndicalistes sont censés défendre les intérêts des salariés. Aujourd’hui, on les voit appeler au licenciement de leurs collègues et PDG.
Les Islamistes sont censés défendre les valeurs de tolérance de l’Islam. Aujourd’hui, on les voit accuser d’islamophobie et de complot toute personne qui s’oppose à l’islamisme et à la politisation de la religion. Même s’il s’agit d’une personne respectant religieusement les cinq piliers de l’islam.
D’aucuns diront que ces dérives sont prévisibles en l’état actuel de la situation. Et c’est là le danger.

La révolution tunisienne ne s’est pas achevée. Elle est encore fragile et peut basculer à tout moment vers le pire.
Elle est menacée par l’insécurité qui nous attend au tournant et qui n’a pas totalement disparu, contrairement aux apparences.
Elle est menacée par la situation en Libye et les terroristes encore en liberté d’Algérie.
Elle est menacée par le chômage dans le pays qui risque fort d’exploser au vu de la situation de nos entreprises.
Elle est menacée par les calculs politico-électoralistes des syndicats et de certains partis.
Pour que la révolution ne bascule pas vers le pire, il lui faut une justice équitable et sereine.
Elle seule sera capable d’arrêter les dérives de ceux qui profitent de la révolution pour gagner un siège ou un strapontin, dans une assemblée ou dans un syndicat.
Car si la justice s’avère incapable d’arrêter ces dérives, qui se multiplient, il y a toujours le plan B avant de basculer vers le chaos. Et le plan B, c’est l’Armée.
25/04/2011 |
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