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Le chômage à la sauce tunisienne
24/09/2019 | 19:59
5 min
Le chômage à la sauce tunisienne

 

La Tunisie est le pays des dichotomies. Alors que le taux de chômage national dépasse les 15% depuis plusieurs années, certaines entreprises ont du mal à recruter. Plus de 47.000 postes d’emploi sont à pourvoir. Pire, 72% des entreprises ne comptent pas recruter durant les 12 prochains mois. Le problème d’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché de l’emploi persiste. Mais, y aurait-il aussi un problème d’attractivité ?

 

L'Institut arabe des chefs d'entreprises (IACE) vient de publier le quatrième compte rendu du Rapport national de l’emploi, présentant un état des lieux du marché du travail en Tunisie à partir de l’analyse de la demande du côté des entreprises et l’offre du côté des diplômés. Une conférence de presse a été organisée à cet effet.

Outre l'Institut national de la statistique (INS) en tant que source officielle, l’IACE a eu recours à deux enquêtes sur terrain : une première auprès de plus de 10.000 diplômés de l’enseignement supérieur et une deuxième enquête auprès de plus de 1.200 entreprises privées tunisiennes de plus de 20 employés.

 

L’inadéquation entre cursus universitaires et besoins du marché sont plus que jamais à l’ordre du jour, dans un contexte socioéconomique en ébullition ayant débouché sur un résultat du 1er tour à la présidentielle stupéfiant et par lequel le peuple a sanctionné l’ensemble de la classe politique. Ainsi, l'IACE explique le choix du timing de ce rapport par l’importance de remettre l’emploi au centre des débats, la Tunisie ayant besoin d’emploi, de travail et de croissance.

L’IACE va débattre, lors de la deuxième édition du Forum de l’Emploi, de l’exclusion sociale, une barrière à l’entrée au marché du travail. Ainsi, les inégalités face à l’accès au marché du travail touchent de plein fouet les classes sociales modestes et moyennes. Cela s’explique par la détérioration de la qualité de l’éducation.

 

La plupart des postes occupés sont concentrés dans le Grand Tunis 43,5% suivi du Nord-est (18%), le Nord-ouest (6%), le centre-est (28%). Les pourcentages les plus faibles sont occupés par le Centre-ouest (1,3%), le Sud-ouest (1%) et le Sud Est (2,2%). Presque 80% des employés travaillent dans les secteurs de l’industrie et des services.

Première donné importante, les sociétés dans les stratégies de recrutement s’adressent en premier lieu au bureau d’emploi. Les critères les plus demandés sont les compétences (46,8%) et l’expérience (44%). 77,5% des compétences demandées par les entreprises sont techniques et numériques/informatiques.

Autre révélation : les disparités entre les régions en termes de compétences requises. Pour un score compris entre 0 et 1, la moyenne nationale est de 0,43. 10 gouvernorats n’ont pas la moyenne nationale, dont certains insoupçonnés : Gabès, Kairouan, Siliana, Nabeul, Tozeur, Kébili, Tataouine Gafsa, Bizerte et le Kef. Les scores de Bizerte et du Kef sont respectivement de 0,01 et de zéro, soulignant l’inadéquation entre offre et demande sur le marché de l’emploi.

 

Autre chose à savoir, 47.026 postes sont à pourvoir, concentrés essentiellement dans le secteur de l’industrie (31.885 emplois) et dans une moindre mesure les services (5.860 emplois), le commerce (3.029), la construction (2.372 emplois) et hébergement et restauration (2.184 emplois).

Interrogés sur les difficultés de recrutement, les chefs d’entreprises estiment que les postes les plus difficiles à pourvoir sont les professions intellectuelles et scientifiques ainsi que les directeurs, cadres de direction et gérants.

Concernant les postes susceptibles de disparaitre, le rapport a révélé que le nombre total de ces postes s’élève à 7.819 dont 6.630 dans l’industrie. Un chiffre qui reste tolérable en comparaison aux postes vacants.

 

Selon cette étude, plus de 80% des diplômés interrogés confirment que la saturation du marché dans leurs domaines de compétences est la raison principale du chômage. S’agissant des moyens utilisés pour décrocher le premier poste d’emploi, plus que 1/3 des personnes interrogées déclarent que cela se passe via des parents et amis (36,40%). Le reste cite des candidatures spontanées (28,10%), bureau d’emploi (20,20%), cabinet de recrutement (11,20%) et institution de formation (4%).

Plus de 65% des diplômés interrogés confirment que les conditions de travail et la qualité d’emploi offerte par les entreprises est le critère le plus important lors du choix du travail. Plusieurs répondants déclarent avoir refusé une ou plusieurs offre(s) d’emploi, représentant ainsi 40,64%. Ce refus peut être expliqué par plusieurs raisons. Mais la rémunération reste toujours la raison principale (44,7%).

Nouveauté de cette année, l’IACE s’est intéressé à l’attractivité de l’emploi. L’institut s’est basé dans son enquête sur plusieurs dimensions. 25,30% des chefs d’entreprise déclarent qu’il y a un écart de rémunération entre les deux genres. S’agissant des avantages liés à l'emploi, 33,6% n’accordent pas de congés payés, 83,5% n’accordent pas d’accès bonifié aux produits de l’entreprise, 94,2% ne sont pas couverts par les conventions collectives, 82,4% n’ont pas droit aux tickets restaurant, 98,6% pas de garderie pour leurs enfants, 92,6% ne font pas de voyage à l’étranger, 76,5% n’offrent pas le transport à ses employés et 96,8% ne proposent pas d’activités culturelles ou sportives. 50% n’ont pas de couverture d’assurance médicale et 83% n’ont pas de couverture d’assurance pension.

 

S’agissant des perspectives de l’emploi dans les douze prochains mois, 4% des chefs d’entreprises interrogés pensent que l’emploi va baisser, 24,3% que l’emploi s’améliora alors que 71,7% prévoient la stagnation de l’emploi.

 

Prenant part à la conférence de presse, le directeur général de l'Agence nationale pour l'emploi et le travail indépendant (Aneti) Youssef Fennira a souligné l’importance de collaborer ensemble et de coordonner les efforts notamment public et privé dans le cadre de partenariat public-privé (PPP). Il a annoncé que, d’ici un mois, l’Aneti va publier sa vision 2030 : une stratégie nationale de l’emploi.

Pour Walid Belhaj Amor, il est primordial de changer de modèle économique et de passer d’un modèle lowcost à un modèle à valeur ajoutée permettant de meilleurs salaires et une meilleure croissance.

 

La problématique du chômage ainsi que celle de la pauvreté n’ont pas cessé de se poser depuis la révolution, alors qu’elles sont intimement liées. Il en est de même pour l’employabilité, l’éducation, la formation, les niveaux de salaires et la productivité. Tout est lié, on ne peut améliorer l’un sans améliorer l’autre. On ne peut créer de la valeur et améliorer les salaires sans travail et sans productivité. On ne peut créer de l’emploi et éradiquer chômage et pauvreté sans création de valeur. D’où l’importance de placer le sujet du chômage au centre des préoccupations et au cœur des débats pour les prochaines élections et interroger les partis politiques sur leur programme et les stratégies qu’ils comptent mettre en place. A bon entendeur.

 

Imen NOUIRA

24/09/2019 | 19:59
5 min
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Commentaires (6)

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cesarios
| 25-09-2019 14:13
Le chomage et la précarité du marché de travail sont les fléaux les plus dangereux pour la stabilité et la sécurité de notre chére TUNISIE. Les hommes d'affaires, les investisseurs nationaux et étrangers dans le privé, e les directeurs au secteur public ont la plus large responsabilité de cette douleureuse réalité pour la simple raison qu'ils n'ont qu'un seul objectif à savoir :- amortissement de leurs investissements et réaliser des profits dans les plus brefs délais sur le dos de leur personnel et les menacer ou les intimider et les effrayer par la délocalisation ou l'arrét pur et simple des activités ou réduire au maximum le nombre des travailleurs dans différents services....- Le refus volontaire du recrutement et l'obstination aveugle d'exploitation malgré la néccessité absolue du renforcement de ce qu'exigent les conditions du travail , de la production et de son amélioration . .. :.- de ne pas exhorter et encourager ceux ou celles qui se distinguent de leur bon apport et de leur excellente application

URMAX
| 25-09-2019 13:32
1) 0/10 de ponctualité : "Le travail commence à huit heures" ...
- Le Tunisien arrive à 08h15 - 08h30 ; ressort illico pour aller boire son café au coin de la rue, retourne au travail à 08h45 - 09h00 ; bavarde avec ses collègues du match de foot, de la politique et du feuilleton de la veille, se met au travail 15 mn et retourne boire son café de 10h00 ... pendant 30 mn !
'? 11h30 il ressort "chercher ses gosses à l'école ou alors va carrément au marché municipal faire ses emplettes !
...
Si l'employé se fait gronder par son employeur, le syndicat va "biaiser" ce dernier !
...
Et vous vous étonnez qu'il n'y a pas de recrutements ?
Si, ... il y en a ... et même de plus en plus ... de main d'oeuvre étrangère des émigrés nationalisés ; GRANDS TRAVAILLEURS ET MOTIVES nous arrivant d'au delà du Sahara.
Langage impeccable, tenue très correcte, disciplinés, ... q⁰⁰ue demander de plus à un chef d'entreprise ?
...
Ah ... le Tunisien ... pas trop vite le matin ; doucement le soir ... arrive en retard et quitte parfois avant l'heure sans même avoir "bien travaillé" ? ...
Yebta choueyya pour le succès professionnel... bien malheureusement ...

Fehri
| 25-09-2019 11:11
J'si Commence... à l'age De 10 ans

Fehri
| 25-09-2019 00:12
La première fois que j'ai préparé mon CV c'est une semaine avant ma retraite anticipée. Le 29 novembre j'ai quitté le gouvernement et le 2 décembre j'ai eu une offre d'une grande compagnie d'assurance. Je n'ai aucune idée comment chercher du travail. Toujours des offres à prendre ou à laisser. Mais j'ai commencé le travail à l'age De 20 dans la poterie pour subvenir à mes besoins, cinéma, habits, livres et des cadeaux à mes parents.

Fehri
| 24-09-2019 23:31
Tout à fait d'accord. L'université de Waterloo a créé le Coop. On passe un semestre a l'université et un semestre chez une entreprise. 100% des étudiants sont engagés par ces entreprises qui participent au Coop. Dans les années 90 le gouvernement de l'ontario a Instauré 40 heures de volontariat pour les élèves au bac. L'élève doit faire 40 heures sinon pas de bac même s'il est le meilleur de la classe. Durant ces 40 heures il apprends la responsabilité, service de la clientèle, le respect envers l'argent. Certains fond leur 40 heures dans les hôpitaux: nettoyage, aider les patients etc....

Dr. Jamel Tazarki
| 24-09-2019 20:46
Nos Responsables et nos entrepreneurs nous disent souvent que les universités sont le réservoir de compétences (je dis bien compétences) dont a besoin le marché de l'emploi. Alors que ce n'est pas vraiment vrai. Non, les universités forment des novices, et normalement ce sont les entreprises qui fournissent les compétences professionnelles aux diplômés novices des universités. Ce sont les entreprises qui devraient transformer les novices en des professionnels.

Et malheureusement, nos entrepreneurs refusent de faire travailler nos novices afin de faire d'eux des professionnels. Contrairement aux entreprises allemandes.


De nos jours, c'est sur le web et sur Youtube que l'on peut acquérir des compétences professionnelles et ceci même sans études universitaires. Il faut seulement savoir lire, écrire et maîtriser deux langues étrangères: de préférence l'anglais et le chinois.

Exemple:
-Je suis mathématicien, j'ai enseigné à l'école allemande et puis à l'université allemande les maths. J'ai travaillé dans le domaine des Statistical forecasting methods pour de grandes firmes internationales (entre-autre pour Bosch), jusqu'au jour où j'ai découvert le monde des télécommunications sur le web et sur Youtube.
-Oui, c'est sur Youtube et sur le Web que j'ai appris à installer et à configurer la plateforme de téléphonie Asterisk. Je rappelle qu'Asterisk est un logiciel OpenSource et libre qui transforme un serveur physique ou virtuel en un commutateur téléphonique privé (ex PaBX). C'est la plateforme OpenSource de référence utilisée pour les solutions logicielles IP-PBX. Basée sur des standards internationaux (SIP) , Asterisk permet de transformer un serveur informatique en IPBX (Standard téléphonique privé d'entreprise).
-oui, c'est sur le web et sur Youtube que j'ai appris à jongler avec le Voice over IP, STUN/TURN, NAT, ICE, Reverse-Proxy, WebRTC, LiveChat, Polymer, nodeJs, , téléphonie dans le Cloud, etc., etc., etc.

La majorité de mes collègues allemands du domaine des télécommunications n'était pas à l'université et n'a jamais fréquenté une école de télécommunication. Ils se sont auto-forgés sur le web et sur youtube. Et Si un jour ils se bloquent, ils savent où trouver une solution ou un workaround ==>oui, sur Youtube et sur le web...

Aujourd'hui, je pourrais connecter toute la Tunisie en utilisant Asterisk et le VOIP dans le Cloud. Et j'avoue que tout ce que j'ai appris, je l'ai appris sur le web et sur Youtube...

Je me répète: de nos jours, c'est sur le web et sur Youtube que l'on peut acquérir des compétences professionnelles et ceci même sans études universitaires. Il faut seulement savoir lire, écrire et maîtriser deux langues étrangères: de préférence l'anglais et le chinois.


Il faut arrêter cette histoire à la con que "certaines [de nos] entreprises ont du mal à recruter. Plus de 47.000 postes d'emploi sont à pourvoir. Pire, 72% des entreprises ne comptent pas recruter durant les 12 prochains mois. Le problème d'inadéquation entre l'offre et la demande sur le marché de l'emploi persiste."

Le jour où j'ai programmé les robots dans le domaine de la Microchip Technology chez Siemens, je n'étais qu'un novice en ce domaine mais on m'a donné une chance afin de faire de moi un professionnel. Oui, les universités forment des novices et c'est le rôle des entreprises de transformer les novices en des professionnels'?'

Fazit: Ce qui manque à nos enfants est la maîtrise de l'anglais et de l'orientation: Comment utiliser Youtube et le Web afin de réaliser ses projets... Puis, il faut arrêter ces histoires à la con "d'inadéquation entre l'offre et la demande sur le marché de l'emploi"'?'


Jamel Tazarki

Le Metropolitan Opera ou le "Met" est une salle d'opéra située dans le centre culturel du Lincoln Center, dans l'arrondissement de Manhattan à New York, aux états-Unis.

Le Metropolitan Opera fait des diffusions de spectacles culturels en direct (live) par satellite en salles de cinéma dans plusieurs pays du monde et par Internet. Récemment, j'ai regardé au cinéma live du Met l'opéra Carmen de Georges Bizet. Elle a été diffusée simultanément dans 54 pays, avec un record de 165000 spectateurs dans le monde.

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Oui, c'est extraordinaire! Le web a changé le monde et ouvre de nouvelles possibilités pour l'avenir de l'humanité...

Jamel Tazarki

PS: Le Palais de Carthage est pour les nuls :))