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Lutte anticorruption : Une multitude d'instances et zéro résultat
18/02/2016 | 19:58
5 min
Lutte anticorruption : Une multitude d'instances et zéro résultat

 

En matière de lutte anticorruption la Tunisie dispose d’une multitude d’instances, de directions, de commissions et même de ministère dédié pour en arriver à bout. Sauf qu’en Tunisie peu ou prou a été fait après la révolution pour combattre un fléau, qui on le sait tous, a gangréné tous les niveaux des institutions de l’Etat. La corruption en Tunisie est systémique, cela personne ne peut le nier.

La corruption a pris de l’ampleur au cours des 5 dernières années en Tunisie, et ce sont des instances internationales en ne peut plus sérieuses qui le confirment. Comment en est-on arrivé là, alors que nous sommes plus qu’outillés à lutter contre la corruption ? Et quelles sont les impacts de la prolifération, voire de la recrudescence de ce phénomène, sur les relations de coopération économique ?

 

La prolifération des pratiques de la corruption durant les premières années de la révolution est imputable à l’affaiblissement notoire de l’autorité de l’Etat et la désintégration du pouvoir qui était auparavant entre les mains d’une poignée de personnes. Toutefois, ce qu’on pourrait qualifier d’alarmant, c’est la persistance du phénomène même après le parachèvement du processus de transition et la mise en place des institutions de l’Etat. La Tunisie s’est vue dotée d’une deuxième République qui peine jusque-là à mettre en place une stratégie claire pour lutter contre la corruption. D’aucuns supposent qu’il n’y aurait aucune réelle volonté pour s’attaquer de front au dossier…

 

Actuellement en Tunisie plusieurs structures s’intéressent pourtant à la lutte contre la corruption. Les plus récentes d’entre toutes sont : l’Instance de lutte contre la corruption, présidée par l’ancien bâtonnier, Chawki Tabib et le ministère de la Fonction publique, de la Gouvernance et de lutte contre la corruption, à sa tête Kamel Ayadi. Un ministère qui a vu le jour avec l’avènement du gouvernement Essid 2 début janvier 2016.

Il y a également la Cour des comptes qui est chargée de juger la régularité des comptes établis par les comptables publics dans les différents services de l’Etat. La Cour contrôle également le bon emploi et la bonne gestion des fonds publics, y compris dans les organismes non dotés de comptables publics. Ainsi, chaque année, la Cour procède à des investigations. A l’issue de ces investigations, l’institution établit un rapport destiné au ministre concerné. Un rapport qui relève les défaillances ou les gaspillages constatés. Par ailleurs, la Cour des comptes est chargée de certifier la régularité des comptes de l’Etat et des organismes nationaux, outre le contrôle du financement des partis politiques. De larges prérogatives lui sont décernées et dans le cas où des dysfonctionnements dans l’utilisation de l’argent public sont constatés, cela doit en principe donner lieu à de poursuites.

Autres mécanismes dont dispose la Tunisie : La Commission de confiscation relevant du ministère des Domaines de l’Etat, la direction de lutte contre l’évasion fiscale relevant du ministère des Finances, ou encore la Haute instance de contrôle administratif et financier, relevant de la présidence de la République…

Toutes ces instances ont publié, rapports sur rapports, des études et des statistiques, ou ont tiré la sonnette d’alarmes quant aux pratiques de corruption dans les médias de la place, sans qu’on constate qu’il y ait eu suite.

 

La Cour des comptes avait publié son rapport consécutif aux élections de 2014 où l’on apprenait que l’un des candidats avait reçu des financements de parties étrangères. Des révélations de taille de la plus haute gravité, alors qu’on attend jusqu’à aujourd’hui qu’une instruction soit ouverte et qu’on nous révèle l’identité du candidat.

En 2013, le président de la Haute instance de contrôle administratif et financier avait affirmé que de multiples défaillances et disfonctionnements ont été relevés, dont le gaspillage des deniers publics au niveau des marchés publics. Nous sommes en 2016, trois années sont passées et les mêmes propos et assertions, les mêmes propositions pour mettre en place une stratégie complète de lutte contre la corruption, sont tenus par l’une ou l’autre instance, sans qu’il n’y ait aucun résultat.

 

Il ne s’agit pas là de recenser les cas de corruption notoires, mais de pointer du doigt l’incapacité des différentes structures à y faire face. On s’embourbe dans une bureaucratie sans fin qui ne fait que bloquer un processus nécessaire à l’avancement de la Tunisie vers le développement et permettant d’instaurer dans le pays la transparence et la confiance nécessaires à sa relance. Une situation qui renvoie de la Tunisie une image floue.

 

Il faudra rappeler que le président Allemand, Joachim Gauck, avait déclaré en marge de la visite d’Etat qu’il a effectué en Tunisie que la bureaucratie administrative et la corruption peuvent nuire et constituer des obstacles pour les investissements allemands en Tunisie. M. Gauck a souligné que celles-ci  impacteront d’une façon plus générale l’essor de l’économie tunisienne.

 

Le président du Parlement européen a tenu les mêmes propos lors de sa visite en Tunisie, insistant sur le fait que les réformes tardent à venir, notamment en matière de lutte contre la corruption. « Il faut avoir une combinaison entre ces différentes réformes – justice, administration publique, lutte contre la corruption. Les experts me disent tous que le pays est trop bureaucratique. Je vous prie de m'excuser, je sais qu'un président d'une institution européenne parlant des autres en disant que c'est trop bureaucratique, ça sonne bizarre. Mais c'est la réalité », avait-il déclaré.

Martin Schulz a relevé qu’une lutte contre la corruption dans un pays qui a de la corruption a besoin d'infrastructures adéquates…

 

Il est donc urgent de combattre une corruption qui ronge tout le corps social en Tunisie et bien entendu tous les secteurs d’activités et les institutions publiques et privées. Partout on dénonce ce phénomène, mais en réalité ces pratiques sont bien ancrées dans le mode de vie des Tunisiens. Eradiquer la corruption, en adoptant une approche claire et bien concrète est une nécessité, alors que pour l’instant on patauge à vue d’œil. Aux autorités d’envoyer des signes forts aux investisseurs, sans quoi rien ne les encouragera à prendre des risques et miser sur la Tunisie.

 

Ikhlas Latif

18/02/2016 | 19:58
5 min
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Commentaires (15)

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Abdou
| 20-02-2016 22:52
je pense quenul ne croire que le gouvernement lutte sérieusement contrela corruption s'il ne fait pas preuve d'un réel et concret engagement politique rapidement par l'exigence de l'application par tous les concernés de la DECLARATION DU PATRIMOINE et la mise en oeuvre de l'IDENTIFIANT UNIQUE (C.I.N) pour le suivi des transactions financières

ABDOU
| 20-02-2016 21:28
Preuves principales de l'engagement politique contre le corruption: 1/Exigence de la DECLARATION DU PATRIMOINE ET mise en application de l'IDENTIFIANT UNIQUE

hakim
| 20-02-2016 16:07
Comme il a été revélé enfin par les instances internationales que la cause principale du sous developpement n'est pas le manque de ressources mais plutôt le manque de démocratie et de transparence, il fallait bien projeter tout simplement ce corollaire au niveau des instit. Publiques semi publiques et à toute participation publique.Dites moi comment? Voilà tout simplement en ouvrant au moins deux postes dans les conseils d'admin aux cadres des institutions et entreprises par voie de vote de leurs collegues sur la base d'un programme incluant principalement les principes de bonne gouvernance, d'amelioration de la qualité de service et de création de valeur. 
Actuellement ceux qui gouvernent gerent plutôt leurs carrières et font ensemble en interne et en externe écran et lobbying pour préserver leurs intérêts ou les intérêts d'acteurs du privé selon un esprit de clientélisme caractérisé.

Correction
| 20-02-2016 11:25
L'auteur de cet article a tendance à utiliser en eu lieu de on : "en dénonce, en patauge"

IBN KHALDOUN
| 19-02-2016 19:03
Ah! la corruption est une culture qui ne trouve son terrain de prédilection que dans les pays dits en voie de développement. Certes ce phénomène et interplanétaire mais en générale dans les pays démocratiques la corruption est encadrée par des lois et des règles votées par un parlement. En Tunisie l A.R.P est composer de députés nahdhaouies que je qualifie de gaudi os. Au nom d'une parité folklorique qui n'a sans aucun sens, cette assemblée n'est pas à la hauteur pour éradiquer la corruption en Tunisie. EXP. le chèque des chinois, les assassinats politiques, l'ambassade des U.S.A, la mosquée el Fath, les chevrotines, etc.

CHDOULA
| 19-02-2016 17:32
Le MAE suit de près le dossier des terroristes mais il suit de loin le dossier de chourabi et ktari !

3ABROUD
| 19-02-2016 15:04
Dans le domaine de la marine, les Tunisiens dsent : "s'il y a beaucoup de raîs, le bateau coule". Ce proverbe s'applique à la multitude des instances de lutte contre la corruption, pour ne pas avoir de résultat. En effet, cette pluralité est de nature à dissiper les efforts, dans la mesure où les limites entre les différentes instances sont floues. Au bout du compte, chaque instance devient laxiste et laisse l'"eau couler". Ainsi, le Gouvernement n'aura aucun rapport. D'autre part, les documents se trouvent éparpillés entre les intervenants dont chacun détient les siens. In fine, la multiplicité des instances engendre un grand nombre d'agents, ce qui permet la formation d'un "réseau" ! Le rapport de feu Abdelfattah Amor et celui de Bouderbala n'ont pas été suffisamment exploité. De plus le livre noir de MMM a été escamoté. Il aurait fallu bien traiter ces pièces à conviction, tou d'abord. De plus, un dialogue international sur la corruption, prévu en Tunisie, a été évité de justesse, sans en donner des rasons valables. De plus, la Cour des Comptes propose et le Gouvernement dispose ! De plus, la corrélation entre la corruption et le terrorisme est toujours esquivée. De plus, ni l'ANC, ni l'ARP n'ont voulu abordé cette question, des membres de Ennahdha, prépondérante dans les deux, s'y opposent.

MDO
| 19-02-2016 14:55
D'abord il y a le code d'éthique des fonctionnaires publié récemment il faut que chaque direction rassemble son personnel pour lire et comprendre ce code et jurer de le respecter et en afficher le contenu dans les bureaux. Aussi on doit doter les administrations des caméras de télésurveillances liés aux bureaux de contrôleurs neutres, promouvoir les services publiques électroniques pour minimiser les contacts avec les citoyens, encourager les victimes de la corruption à les dénoncer. Concernant la cour des comptes et les autres corps de contrôle il faut respecter les normes internationales d'audit concernant leurs membres en leur assurant l'indépendance nécessaire en rendant la nomination des chefs de ces institutions non liées aux caprices du pouvoir exécutif ou la pression des lobbies.

khaled Ghéni
| 19-02-2016 14:45
la corruption a touché tous les domaines confondus.Pour y parvenir, il fallait une volonté sourde et non-voyante, qui ne regarde pas derrière soit au niveau de l'instance et à la tête M. Chawki Tbib ou même le ministère de tutelle avec à la tête M.Kamel Ayadi. Diagnostiquer n'est pas suffisant de faire fondre une bactérie qui avait du temps et a eu de l'espace ce qui rend la tâche plus complexe et demande beaucoup d'audace de la part de tous les intervenants.Sinon, on risque de nous voir les pieds dans le pétrin dans le prochain temps.Aller de l'avant et ne tolérer rien qui mérite le jugement le plus crucial et le plus douloureux.

Nephentes
| 19-02-2016 13:09
Benali a laminé le souci de l'intérêt général et le dévouement au bien public.

Peu de choses à voir avec les années 70, où ce pays pouvait s'enorgueillir de compétences patriotes et intègres.

C'est vrai : la majorité des citoyens de ce pays sont à la fois corrompus et corrupteurs.

Malversations sont synonymes de "Tunisian way of Life"

Mais il ya aura des conséquences, peut être dévastatrices.

Pour le petit peuple enchaîné à sa misère et à ses stratégies de survie au jour le jour.

Les grands requins, les véritables corrompus -et ils sont quand même étonnamment nombreux pour un si petit pays- bénéficient de la double nationalité.Et n'ont aucun sens de la Patrie, hauts fonctionnaires et responsables politiques en premier lieu.

Et ont, depuis longtemps, préparé leur "retraite" à l'étranger