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Faible taux d'inscription aux élections : phobie électorale vs mauvaise organisation
06/07/2014 | 1
min
Faible taux d'inscription aux élections : phobie électorale vs mauvaise organisation
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70.000 Tunisiens se sont inscrits sur les listes d’électeurs, jusqu’au 4 juillet 2014. Sans prendre en compte les quelque 4 millions de Tunisiens déjà inscrits en 2011 pour les élections du 23 octobre et non concernés par cette nouvelle campagne, ce chiffre est jugé « très faible », selon les dires de Chafik Sarsar, président de l’instance électorale. Mais au-delà d’un certain froid des Tunisiens face à la chose politique, de réelles lacunes techniques et d’organisation de l’instance électorale sont aujourd’hui pointées du doigt et risquent de refroidir ceux qui feront l'effort de se déplacer pour accomplir leur devoir national.

« Je n’ai ni le temps ni la tête à aller voter. J’ai des enfants en bas âge dont je dois m’occuper. De plus je ne l’ai pas fait auparavant pourquoi je le ferai maintenant ? », nous confie Fatma, femme au foyer et mère de 3 enfants qui n’a jamais exercé son droit électoral. Autre témoignage, celui de Lotfi, un ingénieur de 27 ans qui a déjà voté le 23 octobre 2011. Le jeune homme n’est pas concerné par l’actuelle compagne de l’ISIE puisqu’il s’est inscrit, volontairement, lors des élections précédentes. « Mon malheur est que j’ai porté au pouvoir, par mon vote, un parti qui a conduit le pays droit au mur. Je croyais avoir élu des personnes intègres et compétentes, mais, décidément, j’ai voté pour une bande d’incapables » a-t-il dit sur un ton déplorant. Et d’enchainer : « Je continue à porter ce mauvais choix lourdement sur la conscience… Je pense être atteint de phobie électorale !».

Force est de reconnaitre que la grande ferveur qui a entouré les élections du 23 octobre a fondu comme neige au soleil pour les législatives de 2014. Le désintérêt des citoyens envers la politique et le sentiment de déception général sont sans aucun doute expliqués par la prestation décevante de la classe politique.

Certains le voient, en revanche, d’un autre œil. Rached Ghannouchi, leader d’Ennahdha, parti gagnant du dernier scrutin, affirme que la réticence des Tunisiens à s’inscrire pour participer aux élections est due à un lavage de cerveau dont ils sont victimes. Une campagne orchestrée, selon ses dires, par  certains médias qui pervertissent l’image de la politique et des politiciens, ce qui a pour but d'éloigner les Tunisiens de tout intérêt à la politique et aux affaires du pays.

Mais au-delà du scepticisme électoral des Tunisiens, d’autres considérations empêchent les électeurs de s’inscrire dans les listes de l’ISIE. En effet, plusieurs dysfonctionnements ont été relevés depuis le démarrage de la période des inscriptions.
Les Tunisiens résidents à l’étranger s’en trouvent les plus lésés. Le site internet de l’instance, par exemple, consacre une rubrique « inscription en ligne pour les résidents à l’étranger » mais renvoie plusieurs messages d’erreur lorsque l’on tente d’introduire, comme demandé, numéro de passeport et de carte d’identité nationale. Mais ceci ne s’arrête pas là. L’avocat tunisien résident en Allemagne, Hatem Ferjani, a déploré, au micro de Mosaïque Fm, samedi 5 juillet, un problème bien plus grave encore. « Il y a un manque de rigueur et de neutralité flagrant des membres de l’instance installée en Allemagne. Cette instance est infiltrée par des nahdhaouis. Elle n’est pas digne de porter le nom d’ « indépendante » » a-t-il précisé tout en annonçant que les acteurs de la société civile tunisienne en Allemagne organiseront un sit-in de protestation, le 12 juillet, afin de dénoncer ces manquements de l’instance électorale.

Mais les Tunisiens résidents  à l’étranger ne sont pas les seuls insatisfaits des services de l’ISIE qui  reçoit de nombreuses critiques de la part de citoyens vivant sur le territoire national. Négligence, manque de professionnalisme et absence d’un minimum d’organisation, à peine les procédures d’inscription sur les listes électorales ont débuté, de nombreuses critiques ont été émises à son égard. Les citoyens regrettent de ne pas pouvoir joindre l’instance par mail, de ne pas avoir de conseillers au bout du fil et d’être, au final, rebutés renonçant même à la volonté de s’inscrire.
Par ailleurs, l’Observatoire Chahed pour le contrôle des élections déclare que des problèmes techniques subsistent dans certains bureaux régionaux où on déplore l’absence d’ordinateurs et de véhicules pour assurer l’accès à des zones plutôt reculées.


Du côté de l’instance, une autre explication est avancée face au faible taux d’inscription qui serait du à « un manque de préparation à la campagne de sensibilisation à l’inscription ». Selon Nabil Baffoun, membre de l’ISIE, les Tunisiens, persistent dans leur désintéressement et l’ISIE tâchera de trouver d’autres solutions alternatives pour maximiser les taux d’inscription. autre membre de l'instance, Mme Fennich, considère que la responsabilité est commune à toutes les parties prenantes au processus électoral « On a tendance à jeter le tort sur l’ISIE alors que d’autres partagent avec nous cette responsabilité. Et là j’indique que quelques grandes surfaces ont refusé de nous réserver un coin où installer un petit stand pour les inscriptions » a-t-elle argumenté dans une déclaration rapportée par l'agence TAP.

En théorie, l'instance avoue avoir mis en place tous les moyens nécessaires pour que les électeurs puissent s’inscrire sans même avoir à se déplacer. Un  service de téléphonie mobile pour les électeurs en Tunisie ou en ligne pour les Tunisiens à l'étranger a, en effet, été mis en place, ainsi qu'un centre d'appel pour répondre aux nombreuses interrogations, mais dans les faits, la tâche se révèle parfois hasardeuse de l’avis de plusieurs citoyens qui se sont essayés à l’exercice.


C’est au prix de souffrance et de sang que les Tunisiens sont parvenus à mettre fin aux tristes comédies électorales du temps de Ben Ali et arrivés à imposer des élections répondant à leurs aspirations. Le chemin conduisant aux urnes libres était parsemé de morts et de blessés dont certains continuent à porter leurs plaies inguérissables. Pourquoi après tant de sacrifices certains citoyens sont découragés d’aller voter ou rechignent à s’inscrire aux listes électorales de l’ISIE ? Pour l’heure, en plus du scepticisme ambiant, lorsque voter constitue un effort dissuasif, certains Tunisiens blasés ne jugent pas utile de se déplacer aux urnes et la tâche ne s’avère pas gagnée d’avance....

Elyes Zammit
06/07/2014 | 1
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