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Tunisie – Elus de l'ANC : belles indemnités et mauvaise image
07/08/2012 | 1
min
Tunisie – Elus de l'ANC : belles indemnités et mauvaise image
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Après avoir formulé une demande d’augmentation de leurs salaires, il y a quelques mois, les élus de l’Assemblée nationale constituante, toutes tendances confondues, ne semblent pas aujourd’hui vivre la crise financière. Un salaire confortable, en plus des nombreux avantages aux frais du contribuable, font du mandat de représentant du peuple tunisien un revenu en or… en ces temps de crise que traverse le pays, à tel point que les salaires des députés de l’ANC font même pâmer d’envie leurs homologues algériens qui se plaignent d’être « mal payés » comparés aux élus tunisiens. Mais combien gagnent, réellement, nos députés ? Ont-ils un job « en or » ou souffrent-ils d’une mauvaise presse qui tenterait de dénigrer leur « dur labeur » ?

En mai dernier, l’augmentation des salaires des élus avait déjà enflammé l’opinion publique et suscité de nombreuses interrogations sur ses réels justificatifs. Lazhar Akremi, ancien ministre chargé de la réforme au ministère de l’Intérieur, avait déclaré que le salaire mensuel brut des membres de constituante passerait de 2700 à 5900 dinars qui se répartissaient en indemnité spécifique, prime de logement et prime de transport, et ce en vertu d’un arrêté signé par le président de l’Assemblée nationale constituante, Mustapha Ben Jaâfar. L’article 4 de ce texte prévoit sa non-publication au journal officiel. Cette augmentation s’était donc faite en catimini, et si ce n’était les fonctionnaires du ministère des Finances, elle serait passée inaperçue. On avait alors considéré cette publication comme « une perturbation supplémentaire du travail des députés et une atteinte à la transparence ».

La polémique des revenus perçus par les députés, notamment ceux issus de circonscriptions étrangères, remonte aujourd’hui à la surface et provoque un tollé général avec leur récente publication au JORT, du 3 août 2012, compte tenu d’un arrêté du président de la Constituante en date du 21 juillet 2012. Selon ce texte, la rétroactivité de cette augmentation prendra effet à compter du 15 novembre 2011 et permettra donc aux élus de bénéficier de la différence qu’ils « n’ont pas perçue » jusqu’à aujourd’hui.
Simplement, cet effet rétroactif semble occulter le fait que les députés de l’Assemblée nationale non résidents à Tunis profiteront doublement d’une prime de logement qui a déjà été supportée par l’Assemblée. En effet, les députés ayant résidé à l’hôtel n’ont pas déboursé le montant de cet hébergement de leurs proches mais percevront également une « indemnité » leur remboursant leurs « frais d’hébergement ». Des frais d’hébergement qui seront également distribués aux élus résidents sur place et n’ayant, en l’occurrence, pas besoin de cette compensation.
Les députés des circonscriptions étrangères percevront également leurs salaires en devises. Une revendication qui a été soulevée en début d’année par la députée d’Ettakatol Karima Souid, abordant la « situation particulière incluant frais et dépenses exceptionnelles des élus tunisiens à l’étranger » et faisant part de leur demande d’augmentation de salaire. Des salaires qui devront également être convertibles en euros.

Selon elle, les élus appartenant à des circonscriptions étrangères auraient des dépenses supplémentaires dus aux frais qu’ils doivent encore assumer dans leurs foyers à l’étranger ainsi que leurs déplacements entre la Tunisie et leur pays de résidence, notamment pour rencontrer leurs élus.
Si nous n’avons, à l’heure actuelle, aucune information sur le revenu que perçoit le président de l’Assemblée nationale, Mustapha Ben Jaâfar, selon qui « les salaires des députés sont insignifiants comparés aux efforts considérables qu’ils fournissent » et qui a « omis » de publier ses revenus dans le JORT contrairement au reste des élus, c’est le salaire de Meherzia Laâbidi, députée d’Ennahdha et vice-présidente de l’Assemblée nationale, qui créera la plus vive polémique. Elle percevrait chaque mois, un montant brut de plus de 10.000 dinars, entre indemnité salariale, compensations, en plus de la voiture de fonction et les bons d’essence. Le tout convertible en devises étrangères.
Au moment où l’histoire des augmentations salariales avait retenti, on avait reproché à Mme Laâbidi de percevoir la somme (faramineuse certes) de 15.000 dinars mensuels. Un montant qu’elle a rapidement démenti promettant, par souci d’honnêteté et de transparence, de publier son bulletin de paie afin que « tous les citoyens puissent se rendre compte de cette grande supercherie ».
« Chose promise, chose due », publie-t-elle sur sa page Facebook officielle, quelques jours plus tard, accompagnant son bulletin de paie du mois d’avril et promettant d’en faire de même pour celui de mai. Un bulletin sur lequel on pourra lire la modique somme de 2700 DT…tous frais compris.
Mais un détail fait mouche. Le bulletin de paie publié par Mme Laâbidi ne prend pas en compte les augmentations salariales, discutées au sein de l’Assemblée en mai dernier, et passées, depuis, sous silence, auprès de l’opinion publique.
« Il faut faire preuve de réalisme », martèle-t-elle, argumentant que les élus avaient besoin de faire face à de nombreuses charges. Motif invoqué : « En un mois et demi, nous avons effectué la charge de travail qu’un parlement ordinaire aurait effectué en une année ».

Certains élus ont même fait valoir l’ « impressionnante » charge de travail à laquelle ils devaient faire face et que, contrairement aux idées reçues et alimentées par des « exagérations » d’absentéisme parlementaire et de lenteurs dans les travaux, ces indemnités étaient bien méritées.
Les députés résidents en Tunisie ne sont pas en reste et réclament eux aussi les indemnités « auxquelles ils ont droit », se plaignant de ne pas avoir les moyens de mener à bien leur travail.
Tarek Laâbidi, élu CPR pour la circonscription du Kef, a justifié, pour sa part, les augmentations salariales des députés par les sacrifices que ces derniers ont consentis, spécialement ceux qui exercent des professions libérales : « Je gagnais bien plus d’argent avant, mais je ne peux pas me permettre de fermer mon cabinet d’avocat pour que mes salariés ne se retrouvent pas au chômage. L’augmentation salariale me servira à payer les charges fixes engendrées par le fonctionnement de mon cabinet, à savoir le local, les salaires, etc. C’est sûr que c’est plus facile pour ceux qui étaient salariés, leur salaire s’en trouve augmenté et ils n’ont pas de frais », déclare M. Laâbidi à Business News. Ce dernier travaille en tant qu’avocat dans son cabinet, une semaine par mois, au moment de la semaine prévue pour les rencontres entre les citoyens et leurs élus !

Dans cette période de crise post-révolutionnaire, même si ces arguments demeurent, certes, valables pour certains, les symboles, eux, prennent tout leur sens.

Alors que Hamadi Jebali avait refusé de donner raison aux élus du peuple et avait déclaré qu’il ne signerait jamais de « décision stipulant l’augmentation des salaires des membres de l’ANC », car, « quels que soient les arguments des députés, le peuple ne comprendra, ni n’acceptera jamais cette requête et qu’il serait plus logique, dans ce cas, d’augmenter les salaires des travailleurs et fonctionnaires de l’Etat, que celui des députés », seuls les élus du peuple bénéficieront, à l’heure actuelle, de cette augmentation. Les salariés de la fonction publique attendront eux car les augmenter équivaudrait à « aggraver davantage la situation économique, déjà alarmante, de la Tunisie », toujours selon Hamadi Jebali.

Le budget annuel de l’Assemblée constituante s’élevant à 22 millions de dinars, environ, les indemnités salariales des élus dépasse 60% de ce budget. Ajouté à cela les salaires et indemnités des autres employés de la Constituante, il ne reste au final que 2 à 3 millions pour le fonctionnement de l’institution, lequel montant a d’ores et déjà été dépensé, ce qui tend à accroitre le déficit budgétaire.
07/08/2012 | 1
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