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Tribunes
Lettre ouverte au président de la République
06/10/2021 | 20:59
5 min
Lettre ouverte au président de la République

 


Par Monia Mouakhar Kallel



Monsieur le président, je vous écris une lettre au contenu alarmant que vous lirez probablement. 

 

Monsieur le président, des dix années que j'ai passées à la faculté des sciences juridiques et politiques de Tunis (1990-2000), je garde de vous le souvenir, miraculeusement intact, d'un homme juste et droit, à la parole rare et percutante et aux gestes précis, vaste cartable en cuir, position debout, place (presque) toujours la même, jamais loin de la fenêtre... 

 

Aujourd'hui, vous êtes le puissant locataire de Carthage, le septième président de la République tunisienne jouissant de tous les pouvoirs qu'autorise l'article 80. Et moi je poursuis mon petit chemin, portant toujours le même cartable, et perpétuant le même dévouement pour le métier. "Malgrétout", avec une majuscule et en un seul mot, comme disait George Sand alors qu'elle assistait au délitement de l'Etat et au naufrage graduel de la deuxième République. 

 

Et soudain, le 25 juillet !!! Nous avons tous applaudi votre courageuse initiative. En entendant votre discours, ce soir-là, j'ai cru retrouver le professeur KS que j'ai eu l'honneur de connaître il y a vingt ans de ça, allure ferme et voix sonnante. 

 

L'air de liberté qui s'est emparé spontanément des foules m'a inspiré un petit texte-témoignage que j'ai intitulé "Que notre joie demeure". Etait-ce prémonitoire ? A peine dix jours après, ma joie à moi s'en est allée, envolée... 

 

Monsieur le président, permettez-moi de vous rapporter ce qui s'est passé le 6 août 2021, (43ème jour du décès de notre regrettée mère). Sans motif, ni plainte connue, ni affaire en cours, ni même un document officiel, le docteur Riadh Mouakhar, reçoit, en fin de matinée, un appel téléphonique d'un numéro inconnu pour l'informer, 24 heures environ après la circulation de l'information sur les réseaux sociaux et dans les médias, qu'il est placé en "résidence surveillée". Ce fut comme un couperet tranchant. "L'instant qui décide d'une vie" comme a dit Saint-Augustin. 

 

Les mots me manquent, monsieur le président, pour vous décrire mon étonnement et mon désarroi d’apprendre que Riadh Mouakhar, médecin-réanimateur de son état, pour qui l'expérience politique et le travail dans l'administration n’ont été qu’une courte parenthèse (refermée depuis plus de deux ans), ne pourra plus disposer de sa vie ni de son corps. L'ex-ministre se trouve traité au mieux comme un chapardeur, au pire comme un truand ou un dangereux criminel, et quant au citoyen, il se retrouve empêché de gagner son pain à la sueur de son front (et quelle sueur en plein été et plein Covid !!!).

 

Monsieur le président,  

 

Connaissant votre sens aigu de la justice, j'ai essayé d'apprendre mes leçons et de faire mes classes. On m'a expliqué les lois et l'esprit des lois, les décrets et les arrêtés, le fonctionnement de la "justice" en situation d'urgence et sous l'article 80...

 

Mais "mon cerveau s'arrête", comme on dit chez nous, monsieur le président, en constatant qu'au 21e siècle, on continue à appliquer avec autant de rapidité un décret datant de 1978 et que, par ailleurs, la justice prend tout son temps pour délibérer. Il a fallu cinquante jours (au lieu des trente autorisés) pour que le tribunal administratif rende son verdict – qui n'en est pas un. S'abritant derrière la grande nébuleuse appelée "situation  exceptionnelle", il renonce, en effet, à son pouvoir d'arrêter le pouvoir, et nous explique que l'assigné n'est pas dans "un état auquel il est difficile de remédier" et qu'il peut "vaquer à ses besoins essentiels".

 

Plus d'une fois, je vous ai entendu, monsieur le président, annoncer solennellement, sur la page officielle de la présidence et à la TV nationale, que les assignés peuvent se déplacer dans un rayon de soixante kilomètres, ce qui leur laisse la possibilité de subvenir à leurs besoins et d'honorer leurs engagements professionnels. Mais vos "exécutants", eux, affirment qu'ils ignorent tout de cette consigne, qu'aucun ordre ne leur a été transmis dans ce sens, et que la loi n’évoque pas cette aire de liberté. 

 

Monsieur le président, permettez-moi de vous dire que Riadh Mouakhar, ce brillant médecin, s'est lancé dans la vie politique malgré le manque à gagner et s'en est retiré de son plein gré au bout de 4 ans par pure conviction et attrait personnel ; sans doute l’éducation de son père, instituteur de son état, et la fibre militante de ses ancêtres les Destouriens qui ont donné leurs vies à la lutte contre la colonisation ont-t-elles vibré en lui au lendemain de la révolution de 2011. Comme eux, il s'est investi pleinement dans ses nouvelles fonctions et a travaillé sans compter, en son âme et conscience. "Le grand homme est celui qui fait ce qu'il peut", affirme K. Marx ; Riadh Mouakhar a fait ce qu'il a pu, dans la loyauté et la transparence en dépit des possibles erreurs, insuffisances, ou maladresses inhérents à l’humain...

 

Monsieur le président, vanter les qualités du frère que je chéris de tout mon cœur est, je le sais, subjectif et sans doute irrecevable. Mais il vous serait tellement facile de vérifier mes propos, et d'enquêter sur son parcours, ses comptes, ses acquisitions tous dûment déclarés avant et après son expérience politique. Autant notre confiance dans la justice est grande, autant l'application hâtive de vieux "décrets", remontant à 1978, 1992 et que sais-je encore...et pesant sur nous TOUS comme l'épée de Damoclès, me semble indigne d'un Etat de droit.


Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le Président, le professeur de droit que j'ai côtoyé n’aurait pas toléré ce genre d'incohérences et ces jugements iniques, et surtout très dommageables pour la dignité humaine et l’image de soi, tant pour les jugés que pour leurs juges. 

 

Monsieur le président, vous qui avez vu souffrir des mères et détruire des familles entières, épargnez- nous l'horreur de telles situations. Je vous laisse imaginer la situation d'un individu qui a été bercé par "Le travail c'est la santé", et qui s'en trouve  brutalement arraché...

Sortez et sortez-nous, je vous prie, mon honorable président et valeureux collègue, de ces cercles vicieux, et entrez dans l'Histoire par la grande porte. Elle est, en ce moment, largement ouverte devant vous et nos espoirs vous guident…

06/10/2021 | 20:59
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Commentaires
Abel Chater
J'ai pensé qu'elle allait nous régaler par sa lettre ouverte de critiques et de bon sens à l'adresse du président Kaïs Saïed, mais elle s'est avérée de ceux qui finissent leurs demandes d'emploi par "votre dévoué"!!!
a posté le 07-10-2021 à 20:38
Vous vous rappelez Monsieur le président, de la rose rosée dans la petite bouteille de coca cola vide, que le gérant de la cafétéria a posée sur la table, près de la fenêtre où gazouillaient les oiseaux et ronronnaient les chats!!!
Les belles lèvres rouge foncées avec un contour noirâtre. C'était moi, votre coco chanel, Monia Mouakhar Kallel.
Oh, comme les temps changent mon honorable président et valeureux collègue!!!
Vous, vous êtes maintenant au palais de Carthage comme un Pacha et moi, je porte toujours mon petit cartable et plus de fond de teint sur mes rides.
Je vous laisse imaginer la situation, avec tout le respect que je vous dois.
Votre dévouée Monia, pour vous Monika.
J.trad
Même la fuite des compétences scientifiques ,sont fructueuses pour l'humanité dans sa globalité il n'y a de
a posté le 07-10-2021 à 15:34
De condamnable que l'orientation des dons vers les projets corruptions ( ifsad alkhal9)comme le saint Coran en parle pour l'interdire
J.trad
Les persécussion sont contraignantes. ,même
a posté le 07-10-2021 à 15:28
Celles qu'on qualifié mafiosies ,( sauf l'usure ) l'usure est prohibée par Dieu , il qualifie (arribaa rijson min 3amali achaytan ,mais les investissements ,et le commerce même avec fraude fiscale ,tant que c'est pour aider les capitaux à créer des projets utile pour le peuple ,ce moyen de ient légal , et a mon avis ,ce qui a favorisé le vol ,c'est le fisc et Les impôts excessifs qui gonflent les caisses de l'Etat qui n'est pas actifs en projets ,alors l'argent passe vers des chemins bons productifs ,alors que certaines personnes supposées mafiousie ,savent fructifier l'argent et réaliser de grands projets productifs
J.trad
Dharr arramed fil 3ouyoun l'expression fasidin
a posté le 07-10-2021 à 15:08
L'expression Fasidin est très mal placée , moi j'étais contre la course derrière l'enrichissement ,maintenant je regarde d'un autre oeuil ,car j'ai constaté que pour installer une industrie il faut des (fonds) des capitaux bien puissants ,ça ce n'est pas n'importe qui qui peut l'atteindre ,les moyens sont très limités ,les personnes douées se comptent sur les doigts
Yassine Manai
EXCELLENCE, LA TUNISIE VOUS AIME
a posté le 07-10-2021 à 14:43
A l'attention de Monsieur le président K S, bientôt le démarrage d'une Nouvelle Génération de Femmes et Hommes d'Affaires pour vous soutenir. Nous voulons également assurer votre excellence de notre présence assidue à vos cotés dans les lourdes taches que vous assumez et la noble missions dont vous a chargé la Jeunesse Tunisienne.

Yassine Manai
Le soldat Ryan
Avoir confiance
a posté le 07-10-2021 à 12:08
Chère Madame
Il faut avoir confiance dans la justice.
Il y a des enrichissements qui doivent être expliqués et justifiés.
Samira
mamina4777@gmail.com
a posté le 07-10-2021 à 12:06
Lettre éloquente monsieur le président
A vous de voir pour ne pas laisser une famille en détresse à cause d un problème qui peut être résolu en un temps relativement correct .le public a besoin des services de notre humble médecin
DHEJ
autant l'application hâtive de vieux "décrets", remontant à 1978,
a posté le 07-10-2021 à 11:46
Ya madame, tout le code pénal est vieux datant de 1913...
adel
Justice exceptionnelle
a posté le 07-10-2021 à 11:36
La raison d'être d'une justice exceptionnelle c'est de corriger une justice existant défaillante;
Donc elle doit être juste et meilleure.
Sinon on n'en veut pas.
Zend
Merci Mais
a posté le 07-10-2021 à 08:54
Madame. Je ne sais pas Si KS a le temps de lire votre lettre. ( j'espere que non) .. Moi je l'ai lu.
Je vous crois sincère dans la descripion de KS quand il enseignait et je vous crois sincère dans la description des faits relatés.
A lire votre lettre, le lecteur pense que votre histoire est un fait divers, unique et isolé.
Que pensez vous maintenant de votre professeur de droit ?
Que pensez vous de cette matière qu'on enseigne à nos futurs présidents " Droit Constituionnel" . Peut ete que KS viendra un jour en Fac enseigner cette matière avec une nouvelle approche..
Madame, je crains pour ce médecin le pire. La société Tunisienne a fait naître et fait grandir un King Kong . Bientôt on verra ce dieu escalader des tours et des bâtiments pour les détruire.
Yes!
Tout à fait, Zend !
a posté le à 12:00
Il reviendra à la fac et il te prendra comme commis d'office pour enseigner "el koura éssyéssya" ! hahaha...
Tu peux rêver, mon islamiste préféré !
Youpi ! Youpi !
bechir
nous libérer de l'exception vers l'exceptionnel
a posté le 07-10-2021 à 08:51
Dans mon dernier commentaire, j'ai défendu les décisions du 25 Juillet 2021 comme étant absolument nécessaires. Toutefois, j'ai indiqué que les libertés et les droits de l'homme sont un défi. Les Tunisiens, aux traditions militantes, continueront à relever ce défi.

L'article et le témoignage de Mme Mouakher Kallel sont éloquents et mettent le point sur les i en ce qui concerne les assignations à résidence. La loi peut ouvrir la porte à l'injustice et l'application de la loi ( exceptionnelle ou non ) n'est pas garantie sous nos cieux .

L'idée qu'on est coupable jusqu'à preuve du contraire est contre les principes légaux universels.

Il faut une solution juste à la situation. Le Président a le pouvoir par des décrets de le faire.

La justice exceptionnelle ne peut pas être la règle pendant infiniment de temps. Aussi, elle ne devrait pas constituer une raison pour priver les citoyens de leurs droits. Sinon que veut dire " vaquer à ses besoins essentiels" si l'on ne peut pas aller au travail.

Si la liberté et dignité d'un seul citoyen est bafouée, celles de nous tous est à risque.

Pour avancer, il serait nécessaire de fédérer assez vite ,les jeunes, les citoyens, les compétences et toutes les forces vives du pays pour contre carrer les forces qui nous tirent vers le bas. En deux mots REUNIR POUR REUSSIR.

Le peuple, est capable de sortir le pays de l'exception vers un développement exceptionnel ( dixit Abou Kacem Chebbi). Il a besoin d'inspiration, d'une nouvelle vision réaliste et d'objectifs.

Autrement, on continuera dans l'incapacité de la division et dans les discours de division, de manque de respect, et même de haine qui conduiront vers plus d'acharnement des uns contre les autres et vers plus d'anarchie des paroles qui ne fera que noyer la raison et tout espoir de développement.




Ben Abdallah
Les sanctions !
a posté le 07-10-2021 à 08:29
Vérifier l'innocence ou non d'un individu quelconque avant de vérifier éventuellement la gravité de crime est un acte obligatoire et nécessaire dans un état de droit, et ce avant toute sanction ( administrative, pénale,...)
Les lois devraient être appliquées strictement avec égalité et légalité !
Kchouk
Lettre ouverte au Président d la République
a posté le 07-10-2021 à 05:52
Très belle lettre qui je l espère, pour vous Madame, pour votre frère et pour nous tous, puisse être lue par le Président.
Abidi
Qualités
a posté le 07-10-2021 à 05:43
Bonjour vôtre écrit et totalement logique c'est votre frère et vous ne voyez que le côté positif en lui et bien sûr c'est un humain et comme tout humain il peut faire des fautes donc laissez la justice tranchée.lui il a la chance de vous avoir comme s'?ur pour écrire et faire ce que vous faites et que feront ceux qui n'ont pas cette chance
Zba
Mme : votre frère n'est clean
a posté le 06-10-2021 à 23:09
Laisser la justice faire son boulot.
Votre frère fait parti de l'école des opportunistes
Monia kallel
Reponse
a posté le à 09:56
Puisque vous l'avez jugé, a pourquoi la justice?
les "opportunistes" en residence surveillée? pourquoi pas?
JJ
Pourquoi passer par Business NEWS TN
a posté le 06-10-2021 à 22:01
je me demande, pourquoi Madame Monia Mouakhar Kallel n'écrit pas directement au président de la République sans passer par Business News.


BOUSS KHOUK
SUIVEZ TRACES !!
a posté le à 10:15
Il y a pénurie de timbres postaux .
BOUSS KHOUK
TOUS PAREIL DEVANT LA LOI
a posté le 06-10-2021 à 21:34
vraie justice , tu n'as rien ! tu rentres chez toi ------- t'as merdé ! tu payes chez TATA MORNAGUIA ELLIKA EDJIB .


Forza
Quelle naïveté
a posté le 06-10-2021 à 20:56
.