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Chroniques
Khobza
Par Nizar Bahloul
11/03/2024 | 15:59
5 min
Khobza

 

Joyeux ramadan à tous mes lecteurs musulmans, spécialement ceux qui sont pieux toute l’année. Mois de la goinfrerie et du gaspillage par excellence, ramadan est aussi le mois de la fête, des réunions familiales à la rupture du jeûne et des sorties nocturnes entre amis.

Malgré son caractère bienveillant, ramadan a comme un goût amer cette année à cause de ce qui se passe dans le pays, entre pénuries, inflation et injustices. On ne peut pas être totalement heureux quand son pays va mal et quand on sait qu’il y a des compatriotes injustement incarcérés depuis plus d’un an.

Il s’appelle Khelifa Guesmi, il est jeune journaliste, il a été condamné à cinq ans de prison pour avoir refusé de révéler la source d’une information vérifiée et jeté en prison le 3 septembre 2023. Le 6 mars 2024, la cour de cassation décide d’annuler le verdict et de le libérer. Justice a vaincu ? Certes, mais qui va dédommager Khelifa des cinq mois et trois jours passés derrière les barreaux ? Idem pour son informateur, un brave officier de la lutte contre le terrorisme dont le seul tort est d’avoir voulu partager sa joie de réussir une opération antiterroriste.

Le cas de Khelifa et de l’officier devrait interpeller l’ensemble de la société tunisienne, car il met en exergue une défaillance judiciaire monstrueuse et fatale qui peut nuire à tout un chacun. Ça n’arrive pas qu’aux autres, détrompez-vous.

 

Dans les pays civilisés et qui se respectent, qu’ils soient démocratiques ou pas, la justice est un pouvoir à part entière. Elle est la base de tout l’édifice et elle met à égalité gouvernants et gouvernés. Tout citoyen, quel que soit son statut, a droit à une justice aveugle et indépendante. Dans ces pays, le parquet et la défense sont sur le même piédestal et il est inimaginable qu’un magistrat favorise une partie sur l’autre. Dans ces pays, on considère comme scandale quand un juge prononce un verdict en première instance et qu’un verdict contraire est prononcé en appel. Les deux magistrats sont appelés à rendre des comptes et à se justifier car, forcément, l’un des deux a tort.

L’innocence de Khelifa Guesmi est éclatante et il n’y a pas un média privé qui n’a pas relevé l’injustice qui l’a frappé. Mais c’est dans les tribunaux et non dans les médias qu’on décide qui est innocent et qui est coupable. Que conclure alors lorsque, dans ces mêmes tribunaux, on a un magistrat qui condamne à une lourde peine de prison et qu’un autre décide le non-lieu ? Il y a incontestablement quelque chose qui ne tourne pas rond dans ces tribunaux.

 

La réponse n’est un secret pour personne, nos magistrats sont aux ordres du pouvoir exécutif et n’ont aucune considération pour leur noble profession (la plus noble de toutes à mes yeux). Ils préfèrent jeter en prison un innocent plutôt que de subir les affres de leur ministre. Ils n’ont cure d’être désavoués par leurs pairs, en appel ou en cassation, et ne se rendent même pas compte que leur honneur de juge a été frappé. Que leur profession soit considérée comme une simple fonction par le pouvoir exécutif ne les dérange guère, tant qu’ils tirent leur épingle du jeu.

Pour justifier leur soumission au pouvoir exécutif, ils ont un mot qui résume tout et ils l’ont dit, en off, aux avocats et aux dizaines d’innocents qu’ils ont jetés en prison : « khobza ».

La « khobza » veut littéralement dire pain en dialectal tunisien. Contextualisé, le mot renvoie au fait que l’on est obligés de subir, en rechignant ou pas, les contraintes de son travail.

En évoquant le mot « khobza », les magistrats soumis veulent convaincre leurs interlocuteurs qu’ils sont obligés d’exécuter les ordres du pouvoir exécutif, s’ils ne veulent pas risquer des sanctions à leur tour. Et c’est là où le bât blesse.

 

C’est une vérité, et on ne peut pas la nier, le régime est tyrannique et a sanctionné des dizaines de magistrats indépendants qui ont pris des décisions déplaisantes aux yeux du président de la République et de sa ministre. En mai 2022, 57 magistrats ont été révoqués dont 47 seraient innocents. À ce jour, en mars 2024, on opère des mouvements de magistrats en dehors de la période classique des mouvements à la rentrée judiciaire. Certains magistrats, en plein milieu d’année scolaires, ont été mutés à des centaines de kilomètres de leur domicile, juste parce qu’ils ont refusé d’exécuter des ordres.

Tout cela est vrai et connu de tous les magistrats, mais est-ce que ça justifie, pour autant, de se cacher derrière la « Khobza » pour trahir la noblesse de sa profession et jeter des innocents en prison ?

Ce qui est valable pour certains magistrats est également valable pour certains journalistes (supposés être représentants du 4e pouvoir), notamment ceux du secteur public. Nos confrères, aussi, se cachent derrière la « Khobza » pour justifier leur contenu propagandiste du régime et leur silence face aux injustices subies par des centaines de nos compatriotes.

 

Certaines professions ont des particularités et c’est ce qui fait qu’elles sont différentes des autres. Quand on choisit d’y faire carrière, on doit à l’avance connaitre les risques et les contraintes du métier.

Un homme qui a choisi d’être boulanger n’a pas le droit de se plaindre de se réveiller à quatre heures du matin pour préparer le pain. Un homme qui a choisi d’être médecin ne peut pas se plaindre qu’une urgence survient alors qu’il est en plein dîner amoureux. Un homme qui a choisi d’être dans l’armée ne peut pas se plaindre qu’il risque la mort quand il va sur la ligne de front.

Tout comme ces bonnes gens, un homme qui a choisi d’être magistrat n’a pas le droit de craindre les affres du régime despotique. Idem pour les journalistes et les politiciens.

Si tu n’es pas matinal, ne deviens pas boulanger. Si tu crains la mort, ne deviens pas militaire. Si tu n’aimes pas qu’on te dérange dans tes réunions familiales, ne deviens pas médecin. Si tu crains la prison, ne deviens pas journaliste ou politicien. Si tu crains la mutation ou la révocation, ne deviens pas magistrat. Je le répète, certaines professions ont des particularités. Rejoindre ces professions signifie automatiquement et obligatoirement l’acceptation de leurs risques et de leurs contraintes. Tu ne peux pas, décemment, tirer les bénéfices de ta profession et refuser en même temps de subir ses conséquences. C’est affligeant et honteux. Si tu tiens vraiment à ta « Khobza », change de métier et ne salis pas une noble profession !

Par Nizar Bahloul
11/03/2024 | 15:59
5 min
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Commentaires
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Tous
a posté le 13-03-2024 à 12:41
Vous n'avez pas honte, vous délirez depuis plus de 13 ans, sans aucune scrupule, un peuple bafoué, meurtrit,
Il se meurt à petit feu jour après jour.
Devant vos yeux, vôtres solidarité où est elle votre solidarité ?
Au lieu de vous dechirer pour le pouvoir, mettez main dans la main et sauvez les gens de cette enfer qui est la cherté de la vie.

Hasbona allah wa niama alwakil
Houda
Bravo Mr bahloul
a posté le 13-03-2024 à 10:27
Vous êtes un exemples à suivre vous avez donné une bonne leçons à ces magistrats ( pas tous) lèches bottes et aux journalistes et chroniqueurs lèches bottes et comme rien ne peut durer éternellement et comme on sait la fin de chaque dictateurs et sa suite j ai une question à poser est ce que un juge ou un journalistes qui faillent à leurs devoir ne sont pas considéré comme un soldat déserteur du front et doivent subir les mêmes peines la première des choses serait les privé de la pension de retraite parceque le beur et l argent de peur c est un peut trop et nous tunisiens libres devons demandé cela pas de pension de retraite pour ceux qui ont failli à leur devoir en plus bien sur de passer devant des juges honnête et bien élevé depuis leur naissance et qui sont des ascendants d honorables familles
*******
Monsieur Bahloul
a posté le 12-03-2024 à 12:40
Merci beaucoup, beaucoup de bonheur pour tout monde aussi et spécialement à vous et votre équipe.

Bisaha, kalbek jouaa,
C'est très très dur de voir la difficulté des gens. J'en suis malade.

C'est inimaginable, j'avais vu la mendicité au Maroc les années 80, 90...
Aujourd'hui, je le vois dans mon pays wallahi c'est très dur à vivre et a supporter. Je me sens mal

Rabi maa mesquin bisataha
Hannibal
Bravo
a posté le 12-03-2024 à 12:17
Très bon article criant de vérités n'en déplaisent aux hypocrites et ce n'est pas se qui manquent dans se pays..
Léon
c'était prévisible mon cher Nizar
a posté le 12-03-2024 à 07:40
Ce qui ont compris dès le départ ce qu'est le jasmin de 2011, ne s'étonnent pas du tout de ce qui arrive aujourd'hui. Il va de soi, que les tunisiens de bonne foi, qui avaient cru que le fait d'écarter l'ancien régime donnerait un meilleur résultats en termes de Libertés, de Justice sociale et de Dignité, se sont fait avoir comme des pigeons par plus intelligents qu'eux.
C'est pardonnable puisque cela émane d'un bon sentiment, mais surtout parce qu'il n'y a qu'une poignée d'hommes politiques chevronnés dans le monde qui sont à même de comprendre les conséquences des moindres variations de la géopolitique mondiale, sur leur propre pays. Cela ne s'apprend pas, dommage pour les excellents élèves, ces premiers de la classe, ces hyper-perroquets à l'intelligence bien artificielle.
Vous avez la chance d'avoir eu au sein de ce valeureux journal, mu de principes nobles et démocratiques, un JW et un Léon qui allaient à contre-courant de ces bernés de bonne foi, mais aussi des haineux de mauvaise foi pour lesquels la révolution n'était qu'un moyen s'assouvir leur "chméta"; et y a-t-il de meilleur mot que celui en arabe pour décrire ce sale sentiment qui fait de nos contrées des zones où la Justice ne pourra jamais s'exercer sans bandeau. La chméta est le pire ennemi de la Justice.
Il va falloir que l'on explique un jour aux tunisiens ce qui se cache derrière leur fameuse révolution, afin que tous comprennent. Car détrompez-vous, il n'est même pas dit que les présidents qui se sont succédés ont compris. Peut-être un peu Béji Caied Essebsi. Alors que dire des autres, des acteurs politiques, utilisés comme des imbéciles, des sécuritaires qui ne savent pas à quel bord se rallier, etc. Le jour où tout cela deviendra clair, les choses se calmeront.
Quant à la Khoza, ya si Nizar, ne t'en fais pas, ils la payeront très cher. Pour une fois, Moncef El Marzougui a fait un acte utile: Il a dressé une liste d'une cinquantaine de magistrats qui verront leurs noms déférés devant un tribunal international. C'est un bon début. Comment ces derniers de la classes, métamorphosés en juges par le miracle de l'école bourguibienne, ont-ils pu croire que leurs actes demeureraient impunis.
En 2010, une douzaine d'avocassiers, ont fini par avoir raison de Ben Ali alors que la Tunisie rayonnait comme jamais, et ce, pour des affaires qui concernaient les procès d'islamistes les années 90; années où ces derniers faisaient pas moins de 100.000 morts dans une guerre civile voisine.
Dans la ruine actuelle, imaginez un peu comment seront jugées les injustices et les faux-procès dans quelques temps.
Messieurs les magistrats, rectifiez le tir et dénoncez votre compromission par la reprise de vos sentences, et vous serez pardonnés. Mieux vaut tard que jamais. Votre courage, même tardif, vous épargnera d'être mis à l'index et jugés de la même manière que vous êtes en train de le faire aujourd'hui pour des avocats, des journalistes, des hommes politiques, et j'en passe et des meilleurs!
La décision vous appartient,

Léon, min joundi Tounis al awfiya;
Résistant,

VERSET 112 de la SOURATE des ABEILLES.
A4
A vous de juger ...
a posté le 11-03-2024 à 23:25
LE CHIEN
Ecrit par A4 - Tunis, le 01 Mars 2023

C'est un chien errant sans domicile fixe
Un répugnant chien bâtard né sous X
Il tend la patte, il se fait très docile
Prêt à suivre n'importe quel débile
Prêt à se montrer gentil et fidèle
A celui qui lui remplit sa gamelle

On ne l'a jamais vu montrer ses crocs
A celui qui lui jetait quelques os
Il obéissait à ses patronnesses
Et à ses patrons le tenant en laisse
Pour attaquer enfant ou garnement
Sur ordre de son maître du moment

Cependant, il peut être très changeant
Vu qu'il a la traîtrise dans le sang
Certains vous diront qu'ils l'ont déjà vu
Se montrer lâche, commettre des bévues
Mordre avec une haine meurtrière
Visage et mains de son maître d'hier

Il n'aboie pas, baisse souvent la tête
Tout prêt à ramper et faire des courbettes ...
N'est-ce pas pour ce comportement vilain
Que petits et grands de tout le patelin
Que les badauds et même les sans refuge
Ont finit par l'appeler "petit juge" ?
A.
Ce ramadan est spécial à cause de la souffrance des palestiniens et la mort de faims de nos frères et s'?urs palestiniens
a posté le 11-03-2024 à 23:23
Pas un mot sur la Palestine M. Bahloul. Par contre vous écrivez un long article sur khobza . N'avez vous pas honte ?

C'est triste ce qui arrive mais c'est rien devant la souffrance des palestiniens alors tout ceux et celles qui se plaignent de ce pouvoir vous pouvez faire une pause un peu et devenir tous solidaire .

C'est incroyable! Les sud africains ne croient pas leurs yeux. Ils se disent ces pays arabes doivent être rasés de la carte et remplacer leur dirigeants par des dirigeants plus dignes (opposition et régimes, pas de différence , tous pareils ils ne valent rien et je ne pense pas que la majorité de la planète se souciera si Israël décide d attaquer les régimes arabes. Les pays vont se dire bof qu elle fasse ce qu elle veut Israël de ces régimes à conditions qu elle ne touche pas les peuples.

Un article khobza alors que les palestiniens se font tuer par les bombes et les aides qui tombent du ciel . N avez vous pas honte d écrire cela: Malgré son caractère bienveillant, ramadan a comme un goût amer cette année à cause de ce qui se passe dans le pays, entre pénuries, inflation et injustices


Et pour répondre à une question que vous avez posez implicitement: oui M. Bahloul aucun arabe et aucune arabe ne doit plus se plaindre ou ouvrir sa bouche. Et si une personne se plain qu'il regarde les vrais de vrais hommes et femmes de Palestine. C est eux les vrais hommes et femmes . Ils vivent les bombes la famine la destruction et ils se tiennent debout pour leur pays.
Citoyen_H
@A. 11-03-2024 à 23:23 BIEN DIT
a posté le à 15:40
Il n'y a rien d'étonnant.
Nous sommes dans la continuité de la bougnoulisation de la NATION.
Les bouseux et les cuterreux, figés, persistent et signent en continuant à regarder le doigt, inébranlables adeptes de la fainéantise, du tout cuit et du "après moi, le déluge".
Il n'y a rien à en tirer.

oscar
à A
a posté le à 10:47
Cessez votre hypocrisie en plein jeun , en attaquant les israëliens le Hamas savait bien qu'elle serait la riposte des israëliens.
Tous les pays arabo musulmans n'ont pas réagis militairement ,non sans raison .
Oeil
C une question de conscience et de sensibilité et de formation
a posté le 11-03-2024 à 23:22
Les juges qui sont à la solde de l'exécutif, qui jettent en prison des innocents, qui convoque l'alibi de la khobza dorment-ils bien la nuit? Se regardent-ils dans le miroir avec bonheur ? A mon avis oui. Car pour avoir
mauvaise conscience il faut en avoir une, il faut s interroger qui suis-je? Quel est Mon statut social? La valeur de mon métier? Or les juges semblent a mille lieux de ce doute existentiel et la khobza veut dire qu on ne voit plus loin que son ventre
DHEJ
Khobza, oui...
a posté le 11-03-2024 à 19:33
D'où Ittounsi Khobziste!

Et par miracle, il faut faire la queue pour la Khobza.
Houda
Wahidon ahad
a posté le 11-03-2024 à 18:23
Kol kaissone a7ad kaisson samad le yochrikou fi hokmihi ahad wa kol moa3redh essejnou lel abad
Abir
Un grand bravo BN
a posté le 11-03-2024 à 17:25
Tout est dit . Ramadan mabrouk à vous BN et à toute l'équipe
Chelbi
Mille Bravo
a posté le 11-03-2024 à 16:56
Romdan mabrouk tout d'abord pour ceux qui jeûnent et ceux qui ne jeûnent pas aussi. C'est un mois de spiritualité et miséricorde non pas de chicanes futiles entre « pieux » et « moins pieux ».

Concernant le sujet abordé, personnellement si j'étais un juge faisant face à des menaces si je ne suit pas les ordres, je démissionne tout de suite. Pas de question que je causerai un préjudice moral ou physique à un être humain juste parce qu'il dérange un «  Dieu Autoproclamé ». Quand à cette fameuse « 5obza », on peut la gagner de plusieurs autres façons mais pas sur le dos d'innocents. C'est lâche, bas, et surtout criminel. On ne mourra pas de faim, mais on peut mourir du manque d'honneur.

La justice est la colonne vertébrale de chaque société. Si la colonne vertébrale va bien, la société reste debout. Si la colonne vertébrale va mal, la société est en état d'effondrement. Dommage que l'argent du contribuable a forme des magistrats qui pensent à leurs ventres plutôt que la justice! J'exclue les quelques honnêtes courageux bien sûr.