Par Khemais Khayati

En attendant la TNT (télévision numérique terrestre) avec ses 12 canaux, notre PAT (paysage audiovisuel tunisien), si on lui enlevait ses émissions sportives et ses feuilletons à l’eau de rose, est un paysage bien morose. Il ne se suffit pas de faire du surplace, il en rajoute la méthode Coué, celle qui lui fait regarder son profil dans la glace et lui fait trouver plus Prince tu meurs, oubliant que dans certains contes, la grenouille restera grenouille, quoiqu'advienne de la Princesse !
Dans ce PAT morose, Hannibal TV fait certes des efforts, nul ne peut le nier… Seulement, on ne citerait pas ce proverbe sur le borgne et les aveugles, ce serait une insulte pour les aveugles, car cette chaîne paraît être une illustration de l’absurdité de Sisyphe… Elle construit avec minutie relative et par une politique du suicide incompréhensible, met tout à plat… La démission (forcée) de la directrice des programmes, la mise sur la touche momentanée de Lotfi Laamari ou celle totale de Rim Guidouz sont une illustration patente de cette navigation selon les humeurs du principal promoteur (Bâ3ith al-Qanat), en l’absence d’une instance de régulation nationale …
Si une émission comme « al-Mousamah Karim » caracole en tête de l’audience nationale grâce à l’excès lacrymal et un surplus de misérabilisme de mauvais aloi qui alimentent le voyeurisme plus que le caritatif, une autre émission telle « Bila Mujamala » a les ingrédients pour devenir une belle émission attractive et instructive. Seulement, nous la voyons progresser en dents de scie comme s’il y avait absence de pilote à bord ou pire encore, la réalité réelle de nos journalistes culturels…

Un peu d’imagination !

Dans sa dernière édition, le micro trottoir assuré par la productrice est un exemple de ces tares… Les questions posées sont quelquefois d’une stupidité que le montage –puisque l’émission est enregistrée- aurait dû nettoyer à la hache. La pauvreté du plateau, loin de titiller le regard du téléspectateur, impose une mise en scène paresseuse… Une preuve ? Seul le présentateur Maître Walid Ezzara (puisqu’il est avocat) a une caméra de face. Le reste (quatre intervenants) ont deux caméras de profil… Ce qui, d’entrée de jeu fausse le jeu et met le téléspectateur hors jeu…
Ensuite nous avons la même rengaine de commentateurs qui d’une émission à l’autre ne cessent d’être « la voix de son maître » comme le dit cette ancienne pub pour le gramophone… Une fois, ça passe, mais plus, ça casse car c’est la parfaite illustration d’une langue de bois dont le Tunisien connaît les sens dessus et dessous… Et si on ajoutait à ceci des âneries comme « la mort de chanteur humoriste Salah Khmissy en 1912 », on en reste baba… la seule voix discordance dans un concert de casseroles est bel et bien celle de Lotfi Laamari qui ne caresse pas dans le sens du poil, quitte à gêner dans les entournures…
Seulement, cette image d’agitateur culturel, Hannibal TV la fige par une politique promotionnelle qui prend les téléspectateurs pour des moutons de Panurge… Plus d’une fois, la chaîne propose les témoignages de téléspectateurs anonymes faisant l’éloge de la chaîne comme réponse aux chiffres des instituts de sondage. On convient qu’il n’existe rien de plus précis qu’un chiffre. Mais, quand on entend et voit des citoyens lamda dire sans avoir froid aux yeux que « Hannibal TV est vu par 100% de Tunisiens », qu’on égrène de Kasserine à Sfax des pourcentages qui n’ont rien de scientifique, la direction de la chaîne penserait-elle qu’elle allait convaincre les entreprises d’annoncer sur son écran ? Agir ainsi, c’est prendre les patrons pour des canards sauvages… A moins qu’Hannibal TV confonde entre vessie et lanterne… Dans ce cas, un peu d’humilité peut lui faire du bien dans un PAT qui attend une instance de régulation qui ne laisserait pas fleurir les promotions mensongères… Pourquoi une chaîne, qui est seule dans la course, se fabrique-t-elle une mauvaise image ? Va savoir !

Khémais khayati est un journaliste indépendant. Il a longtemps collaboré à Tunisie 7 et plusieurs journaux tunisiens et étrangers.