Samedi dernier, 10 décembre 2016, la Chambre syndicale nationale de l’industrie des boissons non alcoolisées s’est fendue d’un communiqué de presse, proprement ahurissant. Communiqué à travers lequel la structure syndicale patronale de l’UTICA s’insurgeait contre la décision du gouvernement d’augmenter de plus de 36% du prix du sucre utilisé par les industriels. La représentation des industriels des boissons non alcoolisées y annonçait d’ores et déjà que « le prix du sucre étant un élément du prix de revient, cette augmentation va donc être répercutée sur le consommateur, aggravée par les taxes (18% de TVA et 25% de droit de consommation) et les marges de distribution », ajoutant qu’ « il est par conséquent erroné de prétendre que ce sont les industriels qui bénéficiaient indûment de la subvention de la Caisse de compensation puisqu’au final, c’est le consommateur qui ne va plus en bénéficier ».
Manifestement, nos industriels des boissons non alcoolisées font preuve d’une ingénuité et d’une probité sans pareille. De tout temps, ils ont répercuté systématiquement le volume de la subvention sur le sucre sur leur prix de revient et par conséquent sur le prix du produit final. Allons, soyons sérieux. Rien ne peut corroborer une telle affirmation compte tenu des variations qu’enregistrent les cours mondiaux du sucre. Sinon on assisterait à des incessants mouvements de yo-yo sur le prix des boissons sucrées. Ce qui n’est nullement le cas à la lecture des statistiques de l’INS sur l’évolution de l’indice des prix des boissons non alcoolisées.
Il faut bien avouer que cette augmentation constitue un coup dur pour les industriels du secteur. Le prix du sucre contribue fortement aux coûts de production. Pour demeurer compétitif, il ne leur reste plus qu’à rogner sur les marges bénéficiaires, à défaut de pouvoir dégager, du moins dans l’immédiat, des gains de productivité conséquents. Il faut avouer aussi que l’Etat n’a plus la possibilité de fermer les yeux ce qui s’apparente réellement à un paradoxe : subventionner un produit, à travers l’un de ses principaux intrants, et considérer par ailleurs ce même produit comme un bien de luxe devant, en conséquence, être fortement taxé (18% de TVA et 25% de Droit de consommation).
De ce point de vue, la décision des pouvoirs publics est logique dans la mesure où elle élimine une distorsion de marché. Cependant, elle n’exonère pas l’Etat de son obligation d’accompagnement des industriels à faire face, le cas échéant, à un recul de leurs activités en raison de l’effet d’élasticité de la demande par rapport au prix. Une partie des 75 MD d’économie de dépenses de subvention générée par cette mesure, pourrait être allouée à un programme de soutien à ces entreprises.
En tout cas, le fait repose, une fois de plus, la problématique de la subvention et de son ciblage.
Il y a quelques temps, cela a concerné la subvention des produits énergétiques et particulièrement de l’électricité. On avait estimé alors qu’il n’y avait pas de raisons pour que les industries, surtout les plus énergivores, en bénéficient. Qu’il fallait qu’elles se soumettent à la logique de la vérité des prix d’autant plus que le solde de la balance énergétique du pays n’est plus excédentaire mais qu’elle enregistre un déficit de plus en plus lourd à supporter. Cela avait soulevé une vague de protestation des entreprises consommatrices de moyenne ou haute tension, sans susciter chez elles la volonté de trouver des solutions alternatives, comme la cogénération, l’utilisation de l’énergie photovoltaïque comme énergie d’appoint, plus généralement d’investir dans les sources d’énergies renouvelables pour lesquelles l’Etat a mis en place un cadre incitatif, certes pas parfait, mais toujours perfectible. Le concept de responsabilité sociétale de l’entreprise se mesure aussi à cette aune.
Aujourd’hui, le débat concerne la subvention aux produits alimentaires. Avait-t-on besoin, en 2011, sous le gouvernement de Béji Caïd Essebsi, de décider de subventionner le sucre, le lait demi-écrémé et le concentré de tomate ? Et quand bien même cela le serait. Cette subvention a donné naissance à des phénomènes proprement inquiétants tels l’exportation incontrôlée de ces produits faisant bénéficier la subvention plus seulement aux consommateurs tunisiens, mais aussi aux consommateurs extérieurs. Autrement dit, la subvention s’est transformée en prime à l’exportation, construisant le lit au développement d’un commerce extérieur parallèle, informelle.
N’est-il pas temps, aujourd’hui, de revenir à l’esprit qui a guidé la création de la Caisse générale de compensation, celle de soutenir le consommateur tunisien et surtout le consommateur tunisien le plus démuni ?



Commentaires (5)
CommenterNécessité de réserver la compensation aux plus démunis exclusivement
la fin justifie les moyens
-l'impact destructeur de la consommation excessive du sucre
-l'incidence de la fin de la subvention de ce produit sur la VA des industriels concernés
-l'affectation des gains en subvention pour l'encouragement de la culture de la betterave et par suite des transformateurs(sucre,mélasse pour alcool,levure...)
-et à terme l'incidence de la consommation de sucre(y compris les limonades confitures et gâteaux) sur la santé.et j'en oublie.
subvention poir les riches
Hlowa ... Un produit de luxe subventionné par les pauvres!
Ignorance, nonchalence ou incompétence?

