On battra le terrorisme avec de la poésie !
Un an, presque, s’est écoulé depuis l’attaque sanglante du Bardo. Oui un an. On a du mal à le croire en effet, mais le 18 mars dernier, la Tunisie avait basculé dans l’horreur. Lors de ce « mercredi noir », deux hommes armés, entrent dans le plus grand musée du pays, tuent de sang froid 22 personnes et en blessent 45 autres. Tous des touristes, à l’exception de l’agent de la brigade antiterroriste, Aymen Morjane.
Le musée se trouvait à seulement quelques mètres du Parlement et l’attaque avait eu lieu en plein jour, pendant les vacances scolaires. Mais les deux terroristes entrèrent comme dans du beurre au sein d’un établissement public des plus fréquentés, transportant des kalashnikovs dans leurs sacs. Encore une fois, les forces de l’ordre arrivèrent quelques minutes trop tard.
Une cérémonie commémorative se tiendra ce samedi au musée du Bardo pour rendre hommage aux 22 victimes de cette attaque meurtrière. L’hymne national retentira dans le hall qui, il y a un an, était jonché de corps et de blessés. On célèbrera les morts avec de la musique et quelques vers de poésie et on répétera, encore une fois, que la Tunisie se relèvera de ses blessures et que le terrorisme ne vaincra pas.
Cette attaque, la première à viser directement des civils, a donné le ton à un feuilleton sanglant qui a touché la Tunisie en 2015. D’abord le Bardo, ensuite Sousse. Et le bilan a doublé. 3 mois plus tard, on déplore 39 morts et tout autant de blessés dans un hôtel de la station balnéaire d’El Kantaoui. Là encore, en pleine journée, pendant la saison estivale, dans un hôtel bondé de monde, et alors que le pays était en pleine guerre antiterroriste, un homme entre comme dans du beurre dans un hôtel et tire à bout portant sur ses occupants. Là encore, les forces de l’ordre arrivèrent trop tard. Encore une fois…
Le 26 juin 2016, une cérémonie commémorative se tiendra en l’honneur des 39 personnes tuées lors de l’attentat de Sousse. L’hymne national retentira et on célèbrera les morts avec de la musique et des vers de poésie. On répétera, encore une fois, que la Tunisie se relèvera de ses blessures et que le terrorisme ne vaincra pas.
Le 7 mars 2017, le même scénario se répètera. On célèbrera Ben Guerdène. On se rappellera de cette date pour pleurer les morts et on répètera, encore une fois, que le terrorisme n’a pas sa place dans notre pays et que la Tunisie se relèvera de ses blessures.
Après chaque attaque, les discours sur l’union nationale fusent sur la scène politique. On multiplie les déclarations, on pleure les morts dans des communiqués de circonstance, on écrit des posts Facebook émouvants et on appelle à une marche nationale contre le terrorisme. Nos politiques marchant, main dans la main, pour éradiquer le terrorisme, tout cela est bien mignon. Fort inutile mais bien mignon. Mais tout cela ne dure jamais bien longtemps. Ces accès de lyrisme et cette complicité feinte finissent rapidement par fondre comme neige au soleil.
Cette brève histoire de la Tunisie post-attentats nous montre que le terrorisme est bien là. Ce n’est ni une théorie « complotiste » comme l’ont déclaré Samia Abbou, Samir Dilou et bien d’autres encore de ceux qui nous ont gouverné à un moment, ni un épouvantail qu’on brandit pour nous faire peur. Le terrorisme est tellement là qu’on commence doucement à s’y habituer.
Il est bien là pour ceux qui, s’ils n’ont pas perdu un proche, l’ont vécu de près. Lors des dernières attaques de Ben Guerdène, les citoyens ont été aux premières loges pour assister aux affrontements. Les opérations antiterroristes avaient un public. Un public qui filmait, qui applaudissait et qui s’extasiait mais qui participait aussi. La dernière attaque de Ben Guerdène n’avait ciblé que l’armée, mais certains citoyens l’ont payée de leurs propres vies. Ils ont fait barrage aux terroristes armés, à mains nues. Ils les ont pourchassés en leur jetant des pierres et en leur courant après. Une fillette de 12 ans est morte parmi 6 autres civils lors de ces affrontements.
Aujourd’hui, un an après Bardo, 6 mois après Sousse et seulement quelques jours après Ben Guerdène, les foules restent sans berger. Si les Tunisiens sont prêts à donner de leurs vies pour chasser les assaillants, ceux qui nous gouvernent semblent penser qu’on peut combattre le terrorisme par l’empathie. Qu’on peut le combattre en lui tournant le dos et en minimisant son impact. Qu’on peut le combattre simplement en créant un fonds pour les victimes. Qu’en multipliant les communiqués qui se suivent…et se ressemblent, on peut apaiser la colère et le ressentiment de ceux qui ont perdu un proche. Ceux qui le payent et le paieront encore de leurs vies et de celles de leurs enfants.