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Logements sociaux : cadeau pour les électeurs ou aide pour les démunis?
07/05/2012 | 1
min
Logements sociaux : cadeau pour les électeurs ou aide pour les démunis?
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La loi de finances complémentaire comprend, parmi ses articles, un programme pour la construction de logements sociaux. Officiellement, et comme leur nom le suggère, ces logements sont destinés au plus démunis. A voir de près, il y a lieu de s’interroger sur la possibilité d’utiliser ces logements à des fins électoralistes.
Le projet a été longuement débattu lundi 7 mai 2012 à l’Assemblée constituante et les élus ont relevé ce risque et la nécessité de cadrer ce programme afin que les logements aillent vraiment à ceux qui le méritent et, surtout, sans une contrepartie en nature.


Le programme des logements sociaux, contenu dans la Loi de finances complémentaire, n’est pas passé inaperçu à l’Assemblée constituante. Plusieurs élus ont relevé le manque de transparence et de précision dans les textes proposés et plusieurs, également, ont relevé que l’on a laissé à l’appréciation du ministre de publier, ultérieurement, les décrets-lois qu’il juge nécessaires pour fixer les détails relatifs aux bénéficiaires de ces logements sociaux et aux conditions d’attribution.
Le premier point intrigant dans ce programme de logements sociaux est leur nombre. Slim Besbès, secrétaire d'Etat auprès du ministre des Finances, a indiqué que le programme prévoit quelque 30.000 logements à construire sur trois ans, dont 8.000 pour la seule année 2012.
Or, le 13 février dernier, Riadh Bettaieb, ministre de l'Investissement et de la Coopération internationale, a présenté ce programme de logements sociaux au directeur général du Fonds d'Abu-Dhabi pour le développement économique (FADD), Seif Al Suwaidi, et il était alors question de 150.000 logements sociaux sur trois ans et non de 30.000 logements.

Une différence qui suscite, de prime abord, l’étonnement et fait soulever des points d’interrogation, mais elle n’est pas la seule. Certaines interventions de députés traduisent, carrément, des craintes et des suspicions
Telle cette élue qui voudrait que l’on fournisse des logements aux couples vivant encore sous le toit de leurs parents. Ou encore cet élu qui trouve aberrant que des fonctionnaires continuent encore à louer leur logement et qu’il serait plus décent, pour eux, de vivre dans leur propriété. Et l’élu de conclure que l’Etat devrait aider ces gens-là à accéder à la propriété ! Cela ressemblait, ou du moins donnait l’impression, que l’on faisait de la propagande électorale depuis l’ANC avec des propositions populistes et farfelues.
Au point que le président de l’Assemblée a dû rappeler que l’on est en train de discuter des textes de loi et qu’il ne s’agissait pas de débat. En tout cas, le sujet est suffisamment important pour qu’il justifie la présence du député-conseiller du président de la République, Samir Ben Amor, que l’on ne voit pas souvent à l’ANC.

Le danger que ces textes soient adoptés tels quels sans les avoir cadrés a été signalé par un bon nombre d’élus de l’opposition dont Noômane Fehri, Iyad Dahmani ou Fadhel Moussa.
C’est qu’on ignore comment les bénéficiaires vont profiter de ces logements sociaux, sur quels critères allait-on se baser, qui aura la priorité parmi les bénéficiaires et comment, qui va décider de l’octroi, etc.
Les souvenirs de l’ère Ben Ali étant encore frais, les élus ont relevé qu’il y a un risque pour que les listes des bénéficiaires, établies par le «omda» ou le délégué, se fassent sur la base de la loyauté à un parti.
Un député est même allé jusqu’à dire qu’il n’a nullement confiance en ces délégués et gouverneurs nommés par le gouvernement actuel.
Autrement dit, le risque est réel pour que l’on promette un logement à certains citoyens et gagner, en retour, leur loyauté et leur engagement sur terrain à un parti.
L’enjeu est de taille, puisqu’il s’agit de 30.000 logements où l’Etat participera avec 100 millions de dinars.
Autre point relevé, les promoteurs privés qui vont construire ces logements. On n’a pas indiqué les modalités pour sélectionner ces promoteurs dans le projet et le soupçon de voir des « promoteurs-amis » remporter des marchés n’est pas loin.
Les députés ont donc demandé à ce que l’Assemblée constituante puisse veiller à cadrer ces projets de telle sorte que l’on ne laisse pas le ministre publier les décrets d’application selon sa propre appréciation et à garantir la transparence requise.

En réponse à ces interrogations, Slim Besbès a indiqué que son département a suffisamment de mécanismes administratifs, juridiques et politiques (via l’ANC) pour vérifier, par la suite (donc après coup), la bonne application de ces projets et certifier qu’il n’y a pas eu de népotisme.
Il rappelle, préalablement, que les prérogatives attribuées à l’ANC ne lui permettent pas d’entrer dans ce type de détails lié à l’exécutif.
Quant aux bénéficiaires, M. Besbès a indiqué qu’ils seront plafonnés à ceux ayant des revenus inférieurs à 3 fois le SMIG. Autrement dit, ceux qui ont un salaire tournant autour de 750 dinars peuvent accéder à ces logements sociaux. Notons que ce revenu ne correspond pas à celui de citoyens nécessiteux, mais bel et bien à la classe moyenne tunisienne et à des cadres aussi bien dans le public que le privé.
Pour ce qui est des promoteurs privés, le secrétaire d’Etat a déclaré qu’il ne voit pas d’inconvénient à ce que l’administration publie des appels d’offres. La proposition a été incluse dans le texte de loi après avoir été adoptée à une écrasante majorité.

S’il est évident que la proposition du gouvernement de construire des logements sociaux est louable dans le fond, il est impératif que l’attribution de ces logements se fasse en toute transparence pour que seuls les plus précaires puissent en bénéficier, et ce sur la base de leurs conditions sociales et matérielles et non sur la base de leur appartenance partisane ou leur loyauté et les « services rendus » au délégué de la région.
07/05/2012 | 1
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