Sport et politique : Une promiscuité malsaine
Le chef du gouvernement, Youssef Chahed a inauguré, ce dimanche 24 mars 2019, la salle de sport pluridisciplinaire de Cité Attayaran à la délégation d’Ezzouhour , fermée depuis 7ans. Il a aussi annoncé qu’un don de cent cinquante mille dinars sera octroyé à l’équipe locale, le COT. Bonne nouvelle pour les jeunes des cités défavorisées qui trouveront d’autres occupations autrement plus saines pour les corps et les esprits que la drogue, les cafés enfumés ou lézarder à plein temps.
Sauf que cet intérêt pour le sport avant quelques mois seulement des élections législatives et la présidentielle sent fort la campagne électorale et suscite les interrogations. De toute façon, quand les politiques s’intéressent au sport, c’est toujours dans l’intérêt des politiques, rarement dans celui du sport.
Un nouveau scandale a éclaboussé le football tunisien et le service de la poste cette semaine. Une réserve sportive envoyée par lettre recommandée par le club de Zarzis contre le club de Soliman n’est jamais arrivée à la Fédération de football. Il semble qu’un fonctionnaire de la poste s’est arrangé pour détruire cette lettre. Une enquête est en cours et l’agence de la poste à El Manar a été fermée jusqu’à la fin de l’enquête. Le président du club de Soliman à qui profite ce geste immonde qui déshonore le service public et le sport n’est autre que Walid Jellad, député du bloc parlementaire de l’alliance nationale et dirigeant du parti Tahia Tounes proche du chef du gouvernement.
On se souvient qu’un autre député de la constituante, Mahmoud Baroudi, s’était illustré, il y a quelques mois au cours d’une assemblée générale de la fédération de football, en défendant au nom de son équipe, la Grombalia sport, d’une manière très musclée, Slim Riahi, président du Club africain à l’époque, en délicatesse avec le président de la fédération wadii El Jeri. Seul le hasard fait qu’on retrouve Mahmoud Baroudi aujourd’hui parmi les cadres les plus actifs du parti Tahia Tounes proche du chef du gouvernement.
Le même chef du gouvernement qui a reçu il y a quelques jours dans ses bureaux à la Kasbah des dirigeants du Club africain. On croit savoir que la réunion s’est penchée sur les difficultés actuelles du club causées par une gestion catastrophique de l’ancien président. On croit même savoir que le chef de gouvernement serait intervenu auprès d’une banque de la place pour accorder un crédit au club lui permettant d’éviter les sanctions de la FIFA. Cela fera surement plaisir au « peuple CA » suffisamment nombreux pour faciliter son ascension au pouvoir, comme ce fût le cas avec Slim Riahi.
Ce dernier avait pleinement profité de son passage à la tête du club qui subit aujourd’hui les conséquences de sa gestion désastreuse. Aux dernières nouvelles, Slim Riahi après avoir annoncé sa démission du Nidaa, semble avoir repris goût à politique puisqu’il a annoncé sa candidature, en tant qu’indépendant cette fois, à la prochaine élection présidentielle.
Seulement, par souci d’honnêteté, il faudrait souligner que cette relation malsaine entre le sport et la politique ne concerne pas uniquement le club africain, le chef du gouvernement, son parti politique et ses dirigeants. A la fin de la saison dernière, deux députés d’obédiences contradictoires, Sofiene Toubel du Nidaa et Ammar Amroussia de la Jebha se sont alliés pour investir le terrain et influencer l’arbitre en faveur de leur équipe. Malheureusement pour eux, leur intervention n’a servi à rien puisque l’équipe de Gafsa a été rétrogradée en deuxième division.
Toujours par souci d’honnêteté, il faut souligner aussi que ce caractère infect du rapport entre le sport et la politique est très ancien. Les présidents des clubs étaient désignés par les autorités régionales quand il s’agissait des petits clubs et par le président de la République lui-même quand il s’agissait des grands clubs. Cela permettait au pouvoir de contrôler le secteur de la jeunesse et des sports sans pour autant éliminer les frictions sérieuses qui peuvent exister entre certains clubs et leurs dirigeants comme ce fût le cas entre l’Espérance sportive de Tunis et Slim Chiboub d’un côté et Othmane Jenayeh et l’Etoile sportive du Sahel de l’autre. A plusieurs niveaux, le football tunisien continue toujours de payer les séquelles de cette querelle trentenaire.