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Tribunes
LâEUR(TM)Indépendance aujourdâEUR(TM)hui
24/03/2008 | 1
min
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Par Taïeb Zahar

Le 20 mars 1956 constitue, avec le 25 juillet 1957 et le 7 novembre 1987, l’une des dates marquantes de l’histoire de la Tunisie moderne. C’est que ce jour-là marquait la consécration de la lutte de tout un peuple pour recouvrer sa dignité. La Tunisie était devenue maîtresse de son destin et pouvait l’assumer selon la volonté de son peuple. La deuxième date marque la rupture avec le régime monarchique et l’avènement de la République et de ses valeurs de démocratie, de respect du Droit et des Institutions représentatives de la volonté populaire. La jeune République s’engageait dans la réalisation d’un grand projet de développement économique, humain, culturel et social.
De grandes réformes ont été entreprises, notamment la promulgation du Code du Statut Personnel, précurseur dans le Monde arabe, qui a réhabilité la Femme dans ses droits. Cinquante-deux ans après, les résultats sont là. Il n’y a pas de métiers auquels la Femme n’a pas accès. Des professions ont été conquises par la gent féminine : avocates, médecins, pharmaciennes, juges, enseignantes… Leur nombre égale ou dépasse celui des hommes. La généralisation de l’enseignement a été également un choix courageux malgré les moyens limités. La Tunisie a choisi d’investir dans l’enseignement et non dans l’achat des armes. Le développement économique a été satisfaisant. Après la dérive de la politique de collectivisation, le pays s’est redressé grâce à la mise en place d’une politique libérale initiée par feu Hédi Nouira. Elle a permis l’émergence d’une classe de chefs d’entreprises tunisiens, pour la plupart issus de l’administration grâce aux encouragement de l’Etat. Les résultats, dont on mesure encore les effets, ont été positifs malgré les dérives, les déviations, le déficit en matière de démocratie et de respect des libertés individuelles et publiques, et c’est dans la mesure où il a sauvé le pays, la République et ses institutions, que le Changement du 7 Novembre constitue le troisième jalon essentiel de l’histoire de notre pays. Il a en effet redonné un sens à l’Indépendance, en réconciliant le citoyen avec lui-même et avec la République et ses institutions.
Aujourd’hui que la Tunisie a réalisé la plupart des objectifs qui ont fondé le combat pour l’Indépendance et sa légitimité, il faudrait cependant souligner deux données qui nous semblent dignes d’intérêt.
La première est relative à la conception même que l’on se fait de la notion d’indépendance. Un pays indépendant est un pays qui exerce sa souveraineté en toute liberté, n’a d’allégeance pour aucun autre pays et ne se détermine qu’en fonction de ses intérêts et de sa volonté. Telle est, en gros, la définition de l’Indépendance. Il faudrait, cependant, l’élargir à d’autres considérations, car avec le temps et la transformation en profondeur de réalités politiques, tant sur le plan intérieur qu’au niveau des relations internationales, bien des choses ont changé. Le contenu de l’Indépendance s’est enrichi pour intégrer et assumer d’autres dimensions. Les peuples aspirent à un certain nombre d’espoirs qui s’inscrivent dans cette perspective nouvelle. On ne peut pas, en effet, concevoir un pays indépendant qui ne respecterait pas le droit de ses citoyens à la démocratie et à l’exercice plein et entier de leur liberté et de leur droit à la différence. Tout comme leur droit à une presse libre et crédible, capable d’assumer son rôle de contre-pouvoir. De même un pays ne peut pas prétendre avoir réalisé son indépendance s’il ne conduit pas une politique économique et sociale de développement global, équilibré et qui profite à tous ceux qui y ont contribué. L’Indépendance n’aurait aucun sens si les affaires du pays étaient gérées dans l’opacité et sans aucun souci de transparence. C’est ainsi conçue, et seulement ainsi, que l’Indépendance se trouve en conformité avec les principes et les valeurs qui ont été à la base de la lutte pour la libération nationale. Force est de constater que ce fut loin d’être le cas lors des dernières années du règne du Président Habib Bourguiba. Je vous recommande de lire l’excellent ouvrage de Hélé Béji «Nous, décolonisés” (éditions Arlea) et que Réalités présentera dans sa prochaine édition.
La deuxième donnée qu’il convient de souligner est que l’Indépendance n’est jamais un acquis définitif. Elle doit toujours être consolidée et enrichie, notamment par le renforcement du rapport du citoyen à son pays dans le cadre et l’esprit d’un projet de société auquel adhèrent librement les citoyens autour de valeurs communes et de principes partagés, tant il est vrai que l’on ne s’attache à un pays que si l’on sent qu’il appartient à tous et qu’il offre la sécurité, le droit au travail, à la santé, à l’éducation et à la démocratie.
Enfin on ne peut pas évoquer toutes ces données en rapport avec la notion d’indépendance sans aborder, même de façon schématique, les rapports entre l’Indépendance et la mondialisation, entre la souveraineté et l’intégration dans des espaces régionaux. Il est évident que certains attributs de l’Indépendance comme la monnaie, les frontières, la justice… deviennent communs pour les pays qui ont choisi de sceller des unions dans le cadre d’ensemble régionaux. On assiste ainsi à l’émergence d’idées qui ont tendance à l’hégémonie, qui affirment que l’indépendance des pays n’a plus aucun sens à l’époque de la mondialisation. Pour les tenants de cette thèse, les nouvelles réalités mondiales imposent aux pays de se démettre de leur capacité de décision, donc de leur indépendance, au profit de forces qui les dépassent et les transcendent, et que l’on appelle soit mondialisation, soit globalisation du marché. L’Indépendance serait aussi une valeur du passé et ceux qui la défendent livreraient un combat d’arrière-garde. En fait, les choses ne sont pas aussi simples ni aussi tranchées. Il est évident que la mondialisation, phénomène incontournable de notre époque, a profondément et radicalement changé l’ordre politique et économique mondial. Je ne prends pour preuve que la dernière crise bancaire du crédit aux Etats Unis (subprimes), mais il serait, pour le moins hasardeux d’en conclure à la mort des Etats indépendants, même si la nouvelle logique qui s’est imposée aux pays leur à ôté une partie significative de leur capacité à décider librement. Le débat est ouvert.
Un pays indépendant est un pays qui exerce sa souveraineté en toute liberté, n’a d’allégeance pour aucun autre pays et ne se détermine qu’en fonction de ses intérêts et de sa volonté. Telle est, en gros, la définition de l’Indépendance.
Il faudrait, cependant, l’élargir à d’autres considérations, car avec le temps et la transformation en profondeur de réalités politiques, tant sur le plan intérieur qu’au niveau des relations internationales, bien des choses ont changé.
L’Indépendance n’est jamais un acquis définitif. Elle doit toujours être consolidée et enrichie notamment par le renforcement du rapport du citoyen à son pays dans le cadre et l’esprit d’un projet de société auquel adhèrent librement les citoyens autour de valeurs communes et de principes partagés, tant il est vrai que l’on ne s’attache à un pays que si l’on sent qu’il appartient à tous et qu’il offre la sécurité, le droit au travail, à la santé, à l’éducation et à la démocratie.


Taïeb Zahar est directeur des magazines Réalités et Haqaïq
24/03/2008 | 1
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