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Chroniques
Sempiternel débat ramadanesque
Par Synda Tajine
12/03/2024 | 16:59
4 min
Sempiternel débat ramadanesque

 

Le très attendu mois de ramadan entame sa deuxième journée aujourd’hui. Bon ramadan à vous tous chers lecteurs. Que vous attendiez ce mois avec ferveur, impatience ou total inconfort, que vous soyez jeûneurs ou non, musulmans ou pas, croyants ou pas…ou toute autre chose.

 

Mois de la sérénité et du recueillement, ramadan débute avec de longues files d’attente devant les supermarchés et d’interminables embouteillages dans les rues tunisiennes. En seulement 48h, nous avons tous été témoins de hordes de citoyens excédés et affamés faisant la queue à la caisse du supermarché ou devant l’épicier du quartier dans l’espoir d’être l’heureux gagnant d’une brique de lait, d’un paquet de sucre, de farine, de beurre ou de crème fraiche.

Mois du jeûne et de la patience, ramadan débute avec son lot de pénuries et de coupures. Des produits qui manquent dans les rayons et de l’eau qui coule à peine du robinet.

Avec ce ramadan, plus tendu que d’habitude, compte tenu du contexte actuel, revient le sempiternel débat du déjeuneur du ramadan. Le Tunisien a-t-il ou non le droit de ne pas observer le jeûne ? Et surtout, a-t-il le droit de le revendiquer et de le faire au vu et au su de tous ? L’Islam, déclaré religion de la majorité, laisse-t-il, dans les esprits de ceux qui le pratiquent, la place à la différence, à la tolérance ou même au débat ?

 

Cette question, posée dans notre pays depuis plusieurs années, déchaîne encore les passions. Sur les réseaux, le très populaire groupe Fater reprend ses services pour rassembler ce qui semble être devenu une communauté. Une communauté qui est née autour de la nécessité de retrouver des lieux de restauration ouverts pendant ramadan pour les non-jeûneurs mais qui, au fil des années, rassemble des internautes autour du même débat : exercer ou non son droit de ne pas observer le jeûne durant ramadan.

Oui, car chaque année, la foi éphémère de ceux qui attendent le coucher du soleil pour s’empiffrer devient soudainement exacerbée par la vue de ceux qui oseraient, à leur grand dam, afficher ouvertement leur non-jeûne. Les « fattaras » sont acculés au silence et à la discrétion.

 

Si aucune loi n’oblige les Tunisiens à observer le jeûne, les règles sociales, bien plus violentes, en ont décidé autrement. Un flou juridique et législatif fait que les cafés, restaurants et autres établissements autorisés à servir nourriture et boissons en pleine journée deviennent rares en ce mois de ramadan et sont parfois obligés de fermer leurs portes et de mettre les clients dehors.

Ce droit, d’apparence simple et élémentaire – celui de boire et de manger - gratte une blessure qui ne semble pas vouloir cicatriser : celle de l’Autre. Est-il permis d’assumer sa différence et de la revendiquer ? Quels droits consentons-nous à cet Autre ?

 

Comme le dit si bien l’excellent Zied Krichen qui aborde la question de l’intolérance ramadanesque sur Mosaïque Fm aujourd’hui : « l’intolérance implique, soit de renier à l’Autre le droit d’exister, soit de lui renier le droit d’afficher sa différence. L’Autre peut avoir le droit d’être différent mais non de l’afficher ».

Ce débat que nous posons ici n’est pas réellement une question dont on discute dans la rue tunisienne. Pour de très nombreuses personnes, la question semble avoir été tranchée d’avance. Comment opposer des arguments à ceux qui estiment détenir la vérité absolue et parlent au nom de Dieu ? Aux yeux de ces « intolérants », tous ceux qui ne détiennent pas cette vérité absolue sont soit inexistants, soit doivent être rejetés et dénigrés.

 

En ce mois saint, face au foisonnement des moralisateurs et des gardiens de – leur vision de –la religion, il est, par ailleurs, presque drôle d’observer l’effervescence des paradoxes. C’est, en effet, au cours du mois de ramadan que l’hypocrisie des Tunisiens atteint son paroxysme.

Le mois de la privation est celui du gaspillage, le mois de la sérénité est celui de la violence, le mois du recueillement est celui de la surconsommation. Boire en public est plus choquant que de proférer des insanités au volant, se revendiquer non-jeûneur est plus outrageux que de se dire malhonnête ou incivique. Les exemples sont nombreux, vous les connaissez tous.  

 

A ramadan, dans cette Tunisie, en partie, faussement religieuse, le traditionalisme s’érige en loi et s’impose à la majorité. Ce n’est pas tant une affaire de religion, mais plutôt de traditions et de coutumes qu’il n’est pas permis de briser. En effet, lorsque les rites religieux se transforment en comportements de société, la tolérance s’efface afin de ne pas « pervertir le modèle de société communément admis ».

« Si je pense représenter la majorité et que je tolère ton existence, ceci ne te confère pas le droit de revendiquer ta différence, mais uniquement de vivre en te faisant le plus petit possible », semblent-ils vouloir dire. Ceci est basé sur le principe que l’Autre n’a pas de droit, il n’est pas traité comme un citoyen à part entière, mais comme un mi-citoyen auquel on « fait l’effort » d’accorder un ersatz de droits…tant que ces droits ne dérangent pas l’auto-proclamée majorité et son modèle de société.

 

Niveau tolérance, libertés et ouverture d’esprit, le chemin reste très long face aux Tunisiens. Avons-nous progressé ou régressé en la matière ces dernières années ? Ceci est un autre débat. Pas très difficile à trancher cependant, par les temps qui courent…

 

Par Synda Tajine
12/03/2024 | 16:59
4 min
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Commentaires
riri
drole
a posté le 15-03-2024 à 16:21
pourquoi parler de débat ramadanesque quand vous avez retirer presque tout les commentaires sous cet article?
beau débat en effet
********
Triste très très triste
a posté le 13-03-2024 à 16:51
Mois de la sérénité et du recueillement,
Vous en êtes sûr ?

Mon dieu, mon dieu quelle tristesse, du jamais., c'est horrible
C'est un miracle si les gens tenaient debout.

Est-ce-que vous voys rendez compte de la vie quotidienne des gens. Un mois de sérénité !!!! Laquelle ? Pour qui ?

Wallahi, je suis affolée, j'ai trop mal

Ce n'est pas possible !!!!

Wallahi dawakhtouni depuis plusieurs années.

Bon ramadan rabi maa mesquin
Letranger
Ramadan
a posté le 13-03-2024 à 08:03
Bonjour,
Pour moi, vu de l'extérieur, Ramadan se résume à un mois de vacances supplémentaires car il ne saurait être question de travailler sans manger ni boire le jour, et ne pas dormir la nuit, et un décalage des horaires de repas diurnes transformés en ripailles nocturnes.
Gg
Bon ramadan...
a posté le 12-03-2024 à 17:57
Bon ramadan à vous également, à toute l"equipe de BN et leurs proches.
Merci, madame