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Visites-surprise : la méthode Essid critiquée
06/06/2005 | 19:59
5 min
Visites-surprise : la méthode Essid critiquée

Depuis leur entrée en fonction, le chef du gouvernement et ses ministres multiplient, sans modération, les visites de terrain. Ainsi, au programme de leur journée, des déplacements dans les régions, des visites d’inspection et des rencontres avec les citoyens. Ils parcourent des kilomètres et font des heures de trajet pour visiter un village ou un marché ou encore pour présenter des condoléances.

 

Il y a deux semaines, Habib Essid et Ammar Younbaï, ministre des Affaires sociales, se sont rendus, chez la famille de l’enfant acteur Mohamed Dachraoui, alias Hamma Hamma, décédé, quelques jours avant, d’une maladie chronique. Une visite jugée inopportune, car coïncidant avec le déclenchement de vives émeutes à Dhehiba et la mort d’un manifestant dans les affrontements avec les forces de l’ordre. « Un déplacement à Dhehiba aurait été plus de circonstances » ont critiqué de nombreux observateurs. La manière dont le dossier des revendications des habitants de Dhehiba a été traité par le gouvernement fraîchement nommé et la répression policière musclé ont, de leur côté, envenimé la situation.

Outre le faible intérêt de certaines visites, d’autres ont été empreintes de discours et de promesses populistes. Ainsi, au cours de sa visite hier à Fernana, le chef du gouvernement avait eu un échange avec une agente de nettoyage. La dame, qui s’est plainte à M. Essid de son travail usant et de l’absence de couverture sociale, n’a récolté que peu d’intérêt pour ses «  six ans de cotisation retraite après 23 ans de service ». Une situation dont pâtissent également ses collègues, ainsi que nombre de Tunisiens.  Habib Essid s’est cependant montré plus sensible au souhait de la dame de faire son pèlerinage à la Mecque « Tu peux me confier ça. Je m’en occuperai. Cette année tu iras à la Mecque » lui a-t-il rassuré.
Cette visite se voulant inopinée du chef du gouvernement à Fernana a suscité de vives critiques, notamment de la part des élus de la région. Fayçal Tebbini, député du parti « la Voix des Agriculteurs », a, ainsi, déclaré que les cadres régionaux étaient au courant à l’avance de la venue de Habib Essid.
Dans le même contexte, l’élu a dénoncé la manière trompeuse avec laquelle le gouverneur avait agi. Celui-ci aurait pris soin d’occulter certaines défaillances. « Les draps et les couvertures ont été distribués hier dans l’hôpital, de même pour les légumes au marché » a-t-il révélé.
M. Essid n’est pas le seul adepte de cette tradition au sein du nouveau gouvernement. Ridha Lahouel, ministre du Commerce et de l'Artisanat, en est, en effet, l’initiateur. A son premier jour de travail, samedi 7 février, le ministre s’est rendu au marché de gros de Bir El Kassâa pour contrôler, selon ses dires, les prix et suivre de près les opérations de ravitaillement. Le lendemain, il rend, inopinément, visite au même marché, avant d’entamer une série d’inspections surprise dans d’autres villes.

Le ministre de la Santé, Saïd Aïdi, n’échappe pas, pour sa part, à cette tendance. Il effectue, en effet, une visite inopinée, le 10 février, à l’hôpital d’enfants de Bab Saâdoun où il constate que « les conditions de travail ne sont pas dignes de la Tunisie du 21e siècle » et remarque, par la même, le manque d’organisation et le débordement aux urgences. Deux jours plus tard, il se rend au centre de protection de la mère et de l’enfant à Mallassine avant d’effectuer, le 23 du mois en cours, une troisième visite à Kasserine suite à laquelle il a ordonné une série de mesures d’urgence, demandé d’accélérer l’achèvement des projets de santé bloqués dans la région et s’est enquis de l’avancement de certains travaux liés au secteur de la santé.

S’il est un point commun entre Habib Essid, Ridha Lahouel et Saïd Aïdi c’est qu’ils avaient tous eu l’occasion d’occuper des postes de haute responsabilité au sein de l’Etat et connaissent les rouages de l’administration sur le bout des doigts.
Rappelons, à cet effet, que Habib Essid était nommé ministre de l’Intérieur sous Béji Caïd Essebsi. M. Lahouel était, lui aussi, à la tête de la société tunisienne des marchés de gros (2012-2013). De même pour Saïd Aïdi qui occupait, en 2011, le poste de ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, au gouvernement de BCE. Ceci laisse à se demander pourquoi des responsables non novices en matière de gestion des affaires de l’Etat font-il autant de visites, si ce n’est que pour des raisons de propagande purement électoralistes ?

Le gouvernement de Habob Essid a vu le jour après de une longue attente et des tractations interminables.  Né au cœur d’une situation économique et sociale inquiétantes, les Tunisiens fondent en cette nouvelle équipe de grands espoirs. Pour l’instant, l’équipe gouvernementale formule beaucoup de promesses et multiplie les visites de terrain.  Ces visites sont devenues l’image de marque du nouveau gouvernement. Une tradition que Habib Essid tient à inculquer même aux gouverneurs. « Ne restez pas dans vos bureaux le matin. N’attendez pas que les citoyens viennent vers vous. Prenez l’initiative et allez vers les gens » leur a-t-il lancé. Et d’étayer « Si le Tunisien vient vous voir [pour un problème] il peut être furieux. Par contre quand c’est vous qui allez vers lui, il vous reçoit avec sourire ».
Dans la période délicate où il a été constitué, le gouvernement Essid s’est retrouvé investi des larges de pouvoir de redonner du souffle à une économie asphyxiée et de faire face à un climat social délétère. Pour l’heure, encore trop timides pour décider de réelles réformes, nos gouvernants sillonnent le pays de ville en ville et d’un établissement à l’autre pour prendre la température.

Elyes ZAMMIT
06/06/2005 | 19:59
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