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La loi sur la responsabilité médicale mènera-t-elle la bataille contre les assurances ?
22/01/2024 | 08:00
5 min
La loi sur la responsabilité médicale mènera-t-elle la bataille contre les assurances ?


Destiné à garantir les droits des malades et à protéger les médecins, le projet de loi organique N°41/2019 relatif aux droits des patients et à la responsabilité médicale a commencé son périple à l’ARP en 2019. Élaboré au sein d’une commission, en concertation avec toutes les parties prenantes, il vise à créer un cadre légal clair pour ce qui est de la responsabilité médicale. Aujourd’hui, le projet de loi revient sur la table pour être amendé avant d’être, de nouveau, soumis au vote. Il fait, cette fois, face à une contrainte de taille, celle des conditions des assureurs.

 

Le projet de loi sur la responsabilité médicale a été pris en charge par l’ancienne commission de la santé depuis le 30 mai 2019, il a été initialement examiné en plénière le 31 juillet 2019. En janvier 2020, il a été réexaminé en plénière avant d'être renvoyé devant la nouvelle commission de la santé au sein de la nouvelle ARP.

La commission parlementaire de la Santé a tenu, mercredi 10 janvier 2024, une réunion pour auditionner le ministre de la Santé, Ali Mrabet, sur le sujet.

La majorité des intervenants ont convenu de l'existence d’un vide législatif concernant la responsabilité médicale, nécessitant une accélération de l'approbation de la proposition soumise, mais après un examen approfondi et sans précipitation compte tenu de l'importance et de la sensibilité de la question.

Ils ont également souligné la nécessité d'écouter les différentes parties prenantes du secteur de la santé, qu'il s'agisse de ministères ou d'organisations professionnelles, afin que la loi soit participative et applicable, facilitant ainsi sa mise en œuvre sur le plan pratique. Le but est de clarifier les notions juridiques, unifier le système juridique pour les patients du secteur public et privé, faciliter les procédures, réduire les délais d'obtention d'une indemnisation et pénaliser le médecin en cas de faute lourde.

Le débat a néanmoins buté sur un point, celui de déterminer la partie qui devra indemniser les dommages.

 

Aïda Caïd Essebsi, spécialiste en Droit de la santé, a souligné, dans un post partagé sur les réseaux, que les compagnies d'assurance ont refusé de garantir le droit du patient à une indemnisation complète en cas d'erreur médicale et ont voulu se contenter de petits montants fixés par des barèmes et des tableaux.

« Les compagnies d’assurance ont catégoriquement refusé d'assurer les accidents médicaux, lorsque des dommages graves surviennent sans faute, comme dans le cas d'une infection bactérienne par exemple » a-t-elle précisé, ajoutant que c’est dans ce contexte qu’on a dû, dans le texte de la loi, remplacer ces compagnies par un fonds auquel cotisent tous les professionnels de santé et qui indemnise les dommages.

« Remplacer les compagnies d'assurance par ce fonds avait pour but de protéger le patient et le médecin. Ces compagnies ont donc lancé une guerre acharnée contre le projet de loi et l'ont diabolisé parmi les médecins » a affirmé Mme Caïed Essebsi.

« Aujourd'hui, le projet revient déformé, et la commission de la Santé de la nouvelle ARP le reprennent sans en connaître les détails et avec des modifications qui en changent l'esprit et la philosophie. Le plus dangereux est que cette proposition redonne du pouvoir aux compagnies d'assurance. Des entreprises commerciales ayant pour objectif la rentabilité et qui finiront par augmenter significativement le montant des cotisations avec ce que cela aura comme impact sur les médecins et sur le portefeuille des citoyens. Les compagnies d'assurance feront tout pour limiter le montant des indemnités afin que le citoyen concerné n'en reçoive qu'une petite partie. Le projet de loi, tel que proposé aujourd’hui, nuit aux intérêts du patient et des professionnels de la santé. Ce sont les compagnies d'assurance qui en sont les seules bénéficiaires » a-t-elle poursuivi.

 

Ce point épineux est d’autant plus problématique. Si les professionnels de la santé ont des syndicats et une profession qui les défendent et si les compagnies d'assurance ont des groupes de pression actifs qui défendent leurs intérêts, les malades et les victimes d’accidents ou d’erreurs médicales n’ont, pour leur part, aucun soutien hormis des procédures légales qui peuvent s’éterniser.

Le projet de loi sur la responsabilité médicale devait, en effet, éviter aux patients ces procédures longues et éreintantes qui, parfois n’aboutissent à rien. En mettant noir sur blanc les devoirs et les responsabilités de chacun, il a aussi pour objectif de protéger les médecins qui ont aussi fait l’objet d’abus et ont été maintes fois accusés à tort.

Cette stigmatisation qu’ont longtemps dénoncée les médecins a engendré le recours à une forme de médecine « défensive ». Par crainte de se voir trainés dans la boue, beaucoup de médecins ont désormais tendance à prescrire des examens complémentaires, parfois pas forcément nécessaires, ou encore à prolonger la durée du séjour de leurs patients sans que cela ne soit justifié. Le recours aux nouvelles techniques thérapeutiques est aussi parfois évité afin de limiter les risques d’une quelconque poursuite en cas de préjudice non fautif.

 

La méfiance, d’un côté comme de l’autre, l’altération de la confiance, l’absence d’un cadre réglementaire clair et rassurant, qui garantit les droits de l’un et de l’autre a fini par léser la progression de la médecine et par priver les malades d’une procédure simplifiée en cas de confrontation.

Cette loi a aussi l’avantage indéniable de donner aux patients le droit à l’information, au dossier médical, l’obligation d'obtenir le consentement du malade avant les soins, de l’associer à la prise de décision et de lui octroyer droit à l'indemnisation sans passer par le tribunal en cas de dommage subi ainsi que l’avantage non négligeable d’une procédure à l'amiable en cas de litige sans passer par le tribunal, comme le souligne Aïda Borgi, professeure agrégée au service de Réanimation pédiatrique à l'hôpital d'enfants de Bab Saâdoun.

 

Il est aujourd’hui aussi question d’une tierce, et non négligeable, partie prenante : les assurances. C’est désormais face à ce mastodonte que devra s’imposer une loi d’une importance primordiale et qu’elle devra s’efforcer de garder sa substance et son objectif premier, celui de mettre malades et médecins à l’abri des abus…

 

Myriam Ben Zineb 

 

22/01/2024 | 08:00
5 min
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Commentaires
mounir
plafonner les indemnisations
a posté le 22-01-2024 à 12:34
il y a 20 ans un medecin ayant une activité chirurgicale payait environ 250 d par an de prime d'assurance responsabilité civile avec un plafond d'indemnisation allant jusqu'à 500000 dinars
En 2017 et suite à de nombreuses affaires ou la justice a prononcé des verdicts avec des indemnisations astronomiques frolant le million de dinars, les compagnies d'assurance ont doublé les primes et réduit pour certaines le plafond d'indemnisation à 200000 dinars
La solution qui pourrait satisfaire tout le monde serait de plafonner à une somme raisonnable, le montant des indemnisations prononcées par la justice
Tunisino
Rien n'est possible
a posté le 22-01-2024 à 11:49
Rien n'est possible sans développement durable car tout est relié, de l'éducation, à la sante, au transport, à l'infrastructure, à l'environnement, aux droits et devoirs, aux libertés, aux métiers, à l'emploi, aux salaires, aux prix, au chômage, au rayonnement, à créer de l'argent, c'est finalement une histoire de qualité de vie et de qualité de pays. La Tunisie ne peut pas avancer avec des responsables médiocres, peu intelligents, peu formés, et peu expérimentés, incapables de rêver sainement, de gérer correctement, et de calculer brillamment, tout comme en football où un sélectionneur médiocre, sévèrement limité, incapable de programmer les joueurs à mettre le ballon dans le filet durant des années, à été recruté et maintenu, et payé par l'argent des sinistrés tunisiens, sans parler du travail à moyen et long termes, pour créer de futurs responsables connaisseurs et brillants.
Bab Ezzira
L'intérêt de patients passe avant celui des lobbys
a posté le 22-01-2024 à 10:37
Polémiques et controverse entre médecins et assureurs autour de la responsabilité et dédommagement du patient en cas de défaillance. Chacun fort de son lobby corporatiste renvoie le Ballon vers l'autre camp, sans se soucier des intérêts des patients qui n'ont d'autres appui que la main divine et le soutien de nos honorables saints. Mais malheureusement ce passe-passe de ballon entre médecin, assureurs et ARP finira certainement en touche sous les regards ahuris des patients téléspectateurs. Ces derniers finiront comme dit l'adage bien de chez nous « Ki El kou3a mé bin edhkou3a » Comme un ballon entre les pieds des garçons.
J'invite ce beau monde et ces corporatistes presque à la limite du mafieux à arrêter ces polémiques stériles et d'adopter au hasard n'importe quel texte législatif même du tiers monde car ils nous ont tous dépassé de loin.
Alex
NOTIONS DE BASE DE LA RC
a posté le 22-01-2024 à 09:07
Les assureurs couvrent les fautes professionnelles commises par les médecins lors de l'exercice de leurs activités et ayant causées des dommages à leurs patients (responsabilité civile professionnelle des médecins) : c'est l'essence même de la Responsabilité Civile qui nécessite la réunion de trois conditions à savoir: la faute, le dommage et le lien de causalité entre la faute et le dommage. sans la réunion de ces trois conditions, on ne peut évoquer la responsabilité civile des médecins. une complication post opératoire sans faute professionnelle ne peut donner lieu à une indemnité de la part des assureurs et ça a toujours été le cas. Aussi, les compagnies d'assurances ont toujours proposées des contrats d'assurance avec des limites d'indemnisations. Jamais un contrat ne peut être souscrit sans plafond de limites (capital définit à l'avance par l'assureur ).
Hichem
Le fautif assume
a posté le 22-01-2024 à 08:31
que ce soit les assurances ou un fond il faut que le résultat à la fin de l'année soit un résultat positif ou au moins équilibré. Les médecins et les patients ne peuvent pas espérer une couverture totale.
Les assurances ou le fond comblent une partie mais celui qui a commis la faute l'assume