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Cadre budgétaire 2024-2026 : la fuite en avant se poursuit !
29/01/2024 | 08:34
6 min
Cadre budgétaire 2024-2026 : la fuite en avant se poursuit !

 

Le ministère des Finances vient de publier son rapport sur le cadre budgétaire 2024-2026, présentant ses prévisions pour cette période. Un document comptable qui énonce les recettes et dépenses de l’État et quelques objectifs, mais qui n'offre pas de stratégie claire pour cette période et se contente de généralités. Le point.

 

La Tunisie vit depuis quelques années une crise économique, financière et budgétaire importante. Les problèmes budgétaires se sont aggravés au point que le pays subit depuis quelques temps des pénuries à répétition touchant les denrées importées par l’État et le paiement des dettes publiques annuelles est devenu un exploit. Pire, avec les problèmes pour assurer des financements extérieurs nécessaires (les avoirs en devises), le gouvernement a ordonné une restriction des importations, qui a touché notamment les matières premières, les produits semi-finis et les équipements, ce qui a entravé les activités de plusieurs entreprises tunisiennes. Résultat des courses, la croissance du PIB en volume sur l’ensemble des neuf premiers mois 2023 s’est située à peine à 0,7%. Entre temps, et se référant au cadre budgétaire 2024-2026, rien n’a changé, le gouvernement poursuit son petit bonhomme de chemin, malgré le fait que le modèle économique a montré ses limites. Aucune stratégie claire ou réforme majeure n’a été annoncée.

 

En effet, et selon le document précité, le budget de l’État passera, selon les prévisions du ministère, de 71,24 milliards de dinars en 2023, à 77,87 milliards de dinars en 2024, à 79,87 milliards de dinars en 2025, puis à 82,64 milliards de dinars en 2026.

Les recettes du budget devraient s’améliorer en moyenne de 7,4% entre 2024-2026, pour atteindre 68% des ressources de l’État à l’horizon 2026 (27,3% du PIB) contre 63,7% en 2023 (28,6% du PIB). Les recettes fiscales évolueraient en moyenne de 9,5% pour cette même période 2024-2026. Ainsi, les recettes budgétaires passeraient de 45,36 milliards de dinars en 2023, à 49,16 milliards de dinars en 2024, à 51,75 milliards de dinars en 2025, puis à 56,24 milliards de dinars en 2026.

Pour sa part, la pression fiscale devrait se stabiliser à environ 25% pour cette période, selon ce même document.

 

En outre, le ministère prévoit que les dépenses budgétaires évoluent de 4,4% en moyenne au cours de la période 2024-2026. Les dépenses passeront de 56,07 milliards de dinars en 2023, à 59,80 milliards de dinars en 2024, à 61,21 milliards de dinars en 2025 puis à 63,83 milliards de dinars en 2026.

Ainsi, on s’attend à ce que les dépenses salariales évoluent en moyenne de 4,6% au cours de cette période, passant de 22,77 milliards de dinars en 2023 (14,4% du PIB) à 23,71 milliards de dinars en 2024 (13,5% du PIB) à 24,77 milliards de dinars en 2025 (13% du PIB) puis à 26,05 milliards de dinars en 2025 (12,6% du PIB).

L’État compte maîtriser de la masse salariale en continuant son programme de mise à la retraite avant l’âge légal, en arrêtant des contrats à long terme et en recrutant dans les secteurs prioritaires pour des emplois à valeur ajoutée. Il compte aussi faire pression sur ses dépenses de gestion, notamment sur sa flotte de voitures administratives, sur les dépenses d’accueil, de logement et mission à l’étranger et en rationalisant la consommation d’énergie.

Il ambitionne aussi de baisser les dépenses de compensation pour qu’elles atteignent 16,5% du total des dépenses à l’horizon 2026 contre 19% en 2024 (5,1% du PIB en 2026 contre 6,5% du PIB en 2024). La compensation évoluera de 11,47 milliards de dinars en 2023, à 11,34 milliards de dinars en 2024, à 10,54 milliards de dinars en 2025 puis à 10,53 milliards de dinars en 2026. En 2026, la part du lion reviendrait à la compensation des carburants avec 5,9 milliards de dinars (contre 7,03 milliards de dinars en 2023), puis aux produits de base avec 3,93 milliards de dinars (contre 3,8 milliards de dinars en 2023) et enfin au transport avec 700 millions de dinars (contre 640 millions de dinars en 2023).

En parallèle, l’État désire renforcer les dépenses sociales, avec la hausse annuelle de vingt dinars de l’allocation des démunis et l'augmentation des bénéficiaires de dix mille familles annuellement. Il continuera à accorder l’allocation aux enfants de moins de six ans des familles démunies et à moyen revenus (220 mille bénéficiaires de trente dinars par mois) et renforcera les aides et transferts à l’occasion de la rentrée scolaire et universitaire et accordera diverses autres aides.

Selon le même document, les dépenses d’investissement augmenteront de 6,8% en moyenne durant 2024-2026 pour atteindre 17,6% du total des dépenses budgétaires fin 2026.

Ainsi, le déficit budgétaire devrait se situer à -6,6% du PIB en 2024 et reculer à -3,9% du PIB à l’horizon 2026. En contrepartie, l’endettement public devrait baisser à 78,5% du PIB vers 2026 contre 80% du PIB pour 2021-2022.

 

Concrètement, l’État va augmenter ses dépenses mais aussi la perception d’impôts, droits et taxes de tout genre, sachant qu’il a échoué toutes ses dernières années à élargir la base fiscale et à intégrer le marché parallèle dans l’officiel. Par conséquent, le poids de cette hausse risque de peser sur les bons payeurs, et il y aura sûrement de nouvelles impositions touchant plusieurs secteurs comme celles de 2024, pour restituer la compensation.

En parallèle, l’État et même si le président de la République refuse de l’admettre, continue sur sa lancée et baisse la compensation, ce qui signifie deux choses : premièrement l’inflation va augmenter encore et deuxièmement le coût de la vie va augmenter et le pouvoir d’achat va baisser. Ainsi et pour faire passer cette pilule amère, il compte augmenter les dépenses sociales pour calmer les plus défavorisés, mais en anéantissant la classe moyenne qui ne pourra plus joindre les deux bouts.

Autre problème de taille, aucun mot sur le financement futur de cette hausse du budget, alors qu’il y a un trou de dix milliards de dinars dans le budget de 2023 et qu’on ne sait toujours pas comment financer 14,5 milliards de dinars pour le budget de 2024. Le ministère continue sa fuite avant et on ne sait pas comment l’État va financer ses besoins notamment en devises. Même si on ambitionne de contenir le déficit budgétaire à 3,9% du PIB en 2026, il y aura quand même plus de 26 milliards à trouver (le gap entre le budget et les recettes de l’État, ndlr).

 

En parcourant le document, on énonce les généralités qu'on produit chaque année. Il n'y a aucune vision claire avec une stratégie bien ficelée mettant en avant les réformes structurelles dont le pays a besoin pour se remettre à pied et redémarrer son économie. Le gouvernement poursuit la même stratégie que ses prédécesseurs et n’a pas revu sa copie malgré le fait que le modèle économique actuel soit à bout de souffle. Il s’agit juste d’un document comptable où on essaye tant bien que mal de préserver les grands équilibres. Aucun mot sur comment l’État tunisien prévoit de compter sur lui-même. Rien aussi sur comment augmenter la croissance de pays et le faire prospérer ou comment améliorer le climat des affaires pour capter des investisseurs pour créer de la richesse et des emplois. Et surtout, aucune idée sur la manière de résoudre le grand problème des financements étrangers et assurer les avoirs en devises nécessaires pour la survie du pays entre remboursement de sa dette, l’achat des produits de bases et du carburant et l’achat des matières premières et semi-finies ainsi que les équipements. Certes, le document parle d’augmenter les investissements, mais l’expérience des années dernières à monter que les fonds dédiés ne sont jamais totalement utilisés. Pire, c’est la tirelire secrète du gouvernement pour les imprévus.

 

Comme à son habitude, le cadre budgétaire 2024-2026 se contente d’être un document comptable, qui préserve les grands équilibres de l’État, loin des aspirations des Tunisiens d’élever le pays et de sortir de cette crise, qui perdure, les étouffe et les enracine dans la précarité.

 

Imen Nouira

29/01/2024 | 08:34
6 min
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Commentaires
Hassine
Et si pat hasard
a posté le 30-01-2024 à 16:12
Les profs de ses responsables tentent de noter ses anciens étudiants qu'elle serait leurs notes/20 ..?
Abir
La fuite en avant vous dites:
a posté le 30-01-2024 à 10:50
Mais il vous l'a dit votre président, pas de marche arrière! Lè roujou3a ila elwara ! Donc son gouvernance est, la fuite en avant dans tout les domaine est le mur est presque atteint
le financier
Tres bonne article et resum2
a posté le 29-01-2024 à 12:15
tres bon resum2 . Concernant la question du comment financer , certaines mesures ne peuvent pas etre dite sinon vous ferez fuir les personnes physique ou morale qui anticiperont leur futures taxation.
Mais il est vrai que ce president et ce gouvernement sont nul du point de vue economique . Les solutions existent pour trouver les 24 milliards et il est plus facile de reformer un pays qui a 60 ans de retard sur les pays developp2 que de reformer un pays comme les USA, l allemagne , l autriche , la suisse , le luxembourg ... qui sont a la pointes de l optimisation fiscale, de relance , d investissement , d innovation .

Mais ces personnes refusent de faire appel au personnes qui sauraient comment faire