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Tribunes
À propos des réunions du printemps du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale
12/04/2024 | 11:26
8 min
À propos des réunions du printemps du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale

 

Par Sadok Rouai* 


Les réunions du printemps du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM) vont se dérouler à Washington, D.C. du 15 au 20 avril 2024.

 

De quoi s’agit-il au juste ? Contrairement aux assemblées annuelles, les réunions du printemps n’ont pas un caractère institutionnel. Rappelons que, comme toute autre entité financière, le FMI et la BM doivent rendre des comptes à leurs actionnaires, dans ce cas les pays membres représentés par les deux conseils de gouverneurs. Par conséquent, les deux institutions doivent tenir leurs assemblées annuelles pour rendre compte de leurs activités officielles pour permettre, entre temps, aux actionnaires d’approuver les rapports annuels et les états financiers. Les dernières assemblées annuelles ont eu lieu à Marrakech en octobre dernier.

 

Les réunions du printemps revêtent un aspect plutôt opérationnel et constituent surtout un outil de sensibilisation et de communication pour les deux institutions à travers :

 

  • L'organisation de conférences et de séminaires abordant des thématiques d'actualité cruciales pour les pays membres.

 

  • La présentation des dernières publications du FMI sur les perspectives de l’économie mondiale et sur la stabilité financière internationale.

 

  • La tenue de réunions présidées par des ministres des Finances ou des gouverneurs de banques centrales, offrant ainsi une tribune pour partager l'expérience de leur pays sur des sujets ou des politiques d'intérêt commun. Cette année, l'Égypte, la Corée du Sud et le Nigeria auront l'opportunité de partager leurs perspectives.

 

En somme, ces réunions jouent un rôle important dans la promotion du dialogue et de la coopération entre les pays. Elles constituent un forum qui permet aux participants du secteur privé, des organisations de la société civile, des institutions universitaires et aux médias d’avoir des interactions avec les responsables du FMI et de la BM.

 

En marge des réunions du printemps, d’autres réunions sont également organisées entre les pays membres du G20, du G24 (pays en voie de développement), et des Brics. Il est important de noter que les autorités nationales profitent souvent de leur passage à Washington pour généralement s’entretenir avec le personnel du FMI et de la BM et, dans, certains cas, finaliser les discussions sur un programme de financement.

 

Comme pour les assemblées annuelles, les réunions du printemps sont toutefois dominées par les travaux du Comité Monétaire et Financier International (CMFI), anciennement connu sous le nom de Comité Intérimaire, dont la création remonte à 1974. Le CMFI joue un rôle consultatif auprès du Conseil des gouverneurs du FMI. Parallèlement, un comité similaire a été mis en place au sein de la BM, appelé Comité du Développement (CD). L'ordre du jour et les sujets de débat de ces comités sont fixés par les Conseils d'Administration. La présidence du CMFI et du CD est tournante entre les régions du monde pour des mandats de trois ans. Récemment, le ministre des Finances de l'Arabie saoudite a été désigné pour assumer la présidence du CMFI.

 

Durant les sessions du CMFI, d'importantes questions de politique économique sont examinées en profondeur, notamment l'évolution de la conjoncture économique mondiale, la stabilité financière internationale, l'inflation dans le monde, et la soutenabilité de la dette des nations à faible revenu. Le CMFI offre également une opportunité aux pays membres d’être informés sur les activités du FMI et de débattre sur ses politiques. Bien que ces débats se déroulent à huis clos, un communiqué est diffusé à l'issue de chaque réunion, synthétisant les principales conclusions et recommandations faites.

 

Quelles sont les attentes cette année ?

 

Comme à l'accoutumée, les discussions se concentreront sur les récents développements et les perspectives de l'économie mondiale, ainsi que sur les risques susceptibles de compromettre la stabilité financière internationale. Une fois de plus, l'accent sera mis sur l'impératif de continuer à réduire l'inflation, de restaurer les équilibre budgétaires et de réduire le fardeau de la dette dans les pays à faible revenu. Les États membres seront encouragés à mettre en œuvre les réformes structurelles nécessaires pour soutenir la croissance et à coopérer afin de réduire les tensions et d'éviter le recours à des politiques nationales restrictives.

 

Lors des réunions du printemps, il est prévu que le conseil d'administration annonce le renouvellement du mandat de cinq ans de la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva. Il convient de noter qu'elle est la seule candidate en lice pour ce poste.

 

L'année 2024 marque également le quatre-vingtième anniversaire de la création des institutions de Bretton Woods en juillet 1944. Pour célébrer cet événement majeur et dresser le bilan de l'action du FMI et de la BM, une série de conférences et de manifestations sont prévues tout au long de l'année.

 

Cependant, les réunions du printemps pourraient perpétuer, voire aggraver, une source de discorde entre les pays membres du FMI. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022, et sous la pression des États-Unis et de leurs alliés, notamment européens, le CMFI a consacré une part importante de son communiqué final à ce conflit. Cette approche n'a pas reçu le soutien de nombreux pays membres qui estimaient que cette question ne relevait pas de la compétence du CMFI, voire du FMI en général, et qu'elle devait continuer à être traitée par les instances des Nations Unies.

 

Il convient de souligner que le CMFI prend ses décisions par consensus, contrairement aux organes institutionnels du FMI tels que le conseil d'administration et le conseil des gouverneurs, où les décisions sont soumises à un vote basé sur le poids économique de chaque pays. En raison du manque de consensus sur l'inclusion de l'Ukraine, le CMFI n'a pas été en mesure de publier depuis 2022 un "Communiqué du CMFI", se contentant plutôt d'une "Déclaration du Président du CMFI" qui revêtait un caractère plus personnel. Depuis lors, la question de l'Ukraine n'a cessé de prendre de l'importance, passant de 8% du texte final en avril 2022 à 25% en octobre 2023.

 

La situation à Gaza risque de compliquer davantage ce problème, car le CMFI et le FMI, dans leur ensemble, ne peuvent pas se limiter à traiter uniquement le cas de l'Ukraine. En effet, il existe des politiques et des règles internes qui obligent le FMI à accorder un traitement égal aux pays membres lorsqu'ils sont confrontés à des problèmes similaires.

 

La manière de traiter les cas de l'Ukraine et de Gaza est susceptible d'accaparer les discussions et de détourner encore davantage le CMFI de son rôle principal de conseiller auprès du Conseil des Gouverneurs du FMI, d'autant plus que la Palestine n'est pas membre du FMI[1]. Bien que la présidence du CMFI soit assurée par l'Arabie saoudite, ce qui pourrait offrir une opportunité pour un traitement équitable des deux cas, cela risque néanmoins de perpétuer les désaccords au sein du CMFI et d'alourdir davantage la déclaration finale du président.

 

Une option plus judicieuse serait d'aboutir à un consensus sur les énormes conséquences humanitaires des guerres et de leurs impacts négatifs sur l'économie mondiale, et de publier un "Communiqué du CMFI" plutôt qu'une "Déclaration du président du CMFI". Cela permettrait de souligner l'importance de la solidarité internationale face aux crises humanitaires et économiques, tout en préservant l'unité et l'intégrité du CMFI en tant qu'organe consultatif du conseil des gouverneurs du FMI.

 

Et la Tunisie dans tout cela ?

 

En règle générale, des pays comme la Tunisie ne sont pas tenus de participer aux réunions du printemps, car ils ne sont membres d'aucun groupe spécifique de pays. Sur la base d’accords reflétant la taille relative de la Tunisie dans l’économie mondiale, la Tunisie est représentée au CMFI par l'Algérie, tandis qu'au sein du conseil d'administration du FMI, elle est représentée par l'Iran. De même, elle est représentée par le Pakistan au conseil d'administration de la BM et par le Maroc au CD.

 

Cependant, des pays comme la Tunisie participent aux réunions du printemps afin de maintenir des contacts étroits avec le FMI et la Banque mondiale, et éventuellement de finaliser des dossiers en instance. La ministre de l’Économie et de la Planification et le gouverneur de la BCT vont ainsi se rendre à Washington à cet effet. Suite aux récentes déclarations du Président Kaïs Saïed, rien n’indique un changement notable dans les relations entre la Tunisie et le FMI. Rappelons à ce sujet que depuis janvier 2024, la Tunisie figure sur une liste négative du FMI[2] en raison des retards excessifs dans la conclusion des consultations annuelles au tire de l’Article IV du FMI.

 

Est-ce que le nouveau gouverneur de la BCT va réactiver les relations avec le FMI, au moins pour reprendre les discussions annuelles obligatoires ? Sur la base également des déclarations officielles récentes, la réponse évidente est négative. Je préfère toutefois lui accorder le bénéfice du doute.



[1] FMI La Cisjordanie et Gaza En juillet 1995, le FMI a créé un bureau du Représentant résident pour la Cisjordanie et Gaza, afin de l’aider à remplir son mandat d’aider l’Autorité palestinienne, conformément aux Accords d’Oslo. La Cisjordanie et Gaza n’est pas un pays membre du FMI, et le FMI ne peut donc pas prêter à la Cisjordanie et à Gaza.

[2] La Tunisie sur une liste négative du FMI

 

 

*Ancien haut cadre de la BCT et ancien conseiller auprès du conseil d'administration du FMI
*Conseiller, Conseil d'administration - Association "Mémoire de Hédi Nouira"
*Membre du conseil consultatif - Global Initiative for Governance & Sustainability (GIGS)
*Directeur - Shakshuka.org
12/04/2024 | 11:26
8 min
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Commentaires
veritas
FMI onu oms'?'etc
a posté le 12-04-2024 à 17:59
Tout les accords avec ces institutions internationales sont biaisés injuste avec des pièges illimités'?'la méfiance est de mise car aucune confiance en ces institutions a la solde de lobby bien connu avec des complices qui ont vendu leurs âmes.
Rationnel
Cherchez des alternatives
a posté le 12-04-2024 à 14:10
Comme l'année dernière la réunion du FMI et de la BM sera un échec. En 2023 le FMI a organise une réunion avec beaucoup de couverture médiatique a Marrakech. L'objectif principal de la réunion était d'augmenter le capital du fond pour qu'il puisse redevenir plus utile mais la Chine (le seul pays qui dispose de fond propre pour le re-alimenter) a refusé d'augmenter sa participation sans augmentation de son droit de vote et d'autres droits (voir Bloomberg: IMF Talks on Debt Deadlock Stuck Between China, Private Lenders).
Sans plus de capital le FMI perd sa puissance et les banques internationales chinoises gagnent du terrain sur la scène internationale. La Tunisie malgré son adhésion au BRI (Belt and Road Initiative) n'est pas parmi les 40 pays qui ont signe des accord swap avec la banque centrale chinoise (voir China's central bank signs 40 currency swap agreements with foreign counterparts). Les contrats swap permettent d'éviter le passage par le dollar pour les échanges avec la Chine.
L'accord et le système de Bretton Woods ont créé le FMI, al BM, GATT...et un régime de change international collectif basé sur le dollar américain et l'or. En août 1971, le président américain Richard Nixon annonçait la suspension de la convertibilité du dollar en or. Depuis cette date les USA ont abuse de leur privilège et ont accumulé une dette totale (publique et privée) de plus 100 de trillion de dollar soit plus que le produit mondial brut. Cette dette est insoutenable puisque dans quelques années le paiement des intérêts sur la dette publique de plus de 35 trillion va consommer tout les revenus du gouvernement. La dette publique dépasse 120% du PIB vs 80% pour la Tunisie.
On a des alternatives aux FMI et a la banque mondiale. Deux organisations qui n'ont réalisé aucun succès dans leur plus de 80 ans d'existence mais elles étaient la source de beaucoup de souffrance.
Sadok Rouai
Quotas FMI
a posté le à 15:22
L'augmentation des quotas du FMI a ete decidee en Decembre 2023:

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