alexametrics
dimanche 10 novembre 2024
Heure de Tunis : 20:49
Chroniques
Silence, l'abus frappe nos ennemis !
16/08/2017 | 15:59
4 min

La loi doit être la même pour tous, c’est un principe fondamental lorsqu’on se prétend Etat de droit. C’est d’ailleurs la symbolique du bandeau sur les yeux de la statue représentant la justice. Toutefois, la justice tunisienne semble porter un bandeau transparent. Les procédures et les délais peuvent se retrouver accélérés ou freinés, selon ce qu’il y a à juger. Il faut dire que, jusqu’ici, l’opinion publique ne s’est pas trop souciée de cette question, occupée qu’elle est à analyser une décision de constitution d’une commission pour étudier la faisabilité d’une modification d’une loi…

 

Il faut également dire que l’opinion publique a raison. Les personnages qui ont fait les frais de ce genre de pratiques sont peu recommandables et certains jugent même qu’ils méritent ce qui leur arrive. Un des exemples phares est celui de Mohamed Naïm Haj Mansour, parton de Athawra News. Certains pensent que son pseudo journal ne devrait pas paraitre tellement il est basé sur la diffamation, le mensonge et l’atteinte de l’honneur des gens. On peut aussi admettre qu’il ne devrait pas pouvoir s’en tirer à bon compte autant de fois avec de simples petites amendes pécuniaires. Mais cela donne-t-il le droit à un tribunal militaire de le juger et de le condamner, le civil qu’il est ? Ne serait-on pas en train de mettre en place une justice d’exception pour ceux qu’on n’aime pas ?

 

Le cas Nabil Rebhi correspond également à ce cas de figure. Il a été condamné à 6 mois de prison ferme pour un post Facebook concernant, a priori (ce n’est pas vraiment sûr), la famille du président de la République. Il est vrai que le post en question est ordurier et insultant. Il est vrai aussi que c’est un écrit d’une profonde bassesse et qu’il est condamnable à plus d’un titre. Mais six mois de prison ferme pour un post Facebook ? N’est-ce pas exagéré dans un pays qui prétend défendre la liberté d’expression ?

Quand ce même Nabil Rebhi exploitait ses « talents » pour descendre en flammes la Troïka et ses membres, c’était acceptable. Mais quand il s’est retourné contre l’actuel président et sa famille, ses propos ne sont plus acceptables et on le fait condamner comme pour donner l’exemple ! Mais tout cela passe inaperçu puisque l’homme en question n’est pas fréquentable et surtout parce que c’est arrivé pendant la même semaine où Rached Ghannouchi a mis une cravate. Aussi ordurier, aussi déplacé, aussi insultant que puisse être un post Facebook, ça reste un post Facebook et ne mérite aucunement une peine privative de liberté.

 

Et puis il y a Slim Riahi. On ne fait pas mieux en termes de personne douteuse et peu recommandable. Il a des dettes un peu partout et les origines de sa fortune restent pour le moins obscures. Il a tenté de devenir incontournable en Tunisie, que ce soit par le football, par la politique ou par la télévision, mais à chaque fois c’était un échec. Mais a-t-on vu une affaire de chèques sans provision traitée aussi rapidement et avec une telle « efficacité » ? 25 ans de prison par contumace, le tout agrémenté de cinq avis de recherche et ébruité dans les médias, le tout en un temps record ! Et encore, il ne s’agit là que d’un épisode du long feuilleton Slim Riahi dans lequel il y a le gel des avoirs et dernièrement, la saisie effectuée sur ses bureaux au Lac II.

 

A quel moment va-t-on dire qu’il s’agit là d’acharnement ? Ou va-t-on détourner les yeux parce que, de toutes façons, ce n’est pas quelqu’un de bien ? Est-ce qu’on va regarder ce « cirque » sans broncher parce qu’on pense être du bon côté de la barrière ? Parce que ces gens sont peu fréquentables, donc indéfendables ?

C’est apparemment le chemin qu’a choisi l’opinion publique. «  De toutes façons, il l’a mérité et il fallait que ça lui tombe dessus un jour ! », c’est ce qu’on entend le plus souvent. C’est vrai, mais encore faut-il que « ça lui tombe dessus » légalement ! C’est en cela que se trouve la limite entre légalité et illégalité, entre Etat de droit et dictature.

Dans ce contexte, on ne peut pas ne pas penser à la célèbre citation du pasteur néérlandais Martin Niemöller : « Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester ». 

La crédibilité d’un pouvoir quelconque se mesure d’abord à l’aune de son comportement avec ses ennemis. Il est facile d’être indulgent avec ses amis, mais l’être avec ses ennemis au nom du droit et de la loi, en donnant ou en retirant à chacun ce qu’il mérite, est un exercice plus difficile. Il est faux de penser que ça ne concernera que les ennemis. Demain, cela nous concernera et il est de notre rôle, en tant que médias, de le rappeler.

 

 

16/08/2017 | 15:59
4 min
Suivez-nous

Commentaires (9)

Commenter

Aldo Moro
| 17-08-2017 19:27
Bravo!en plein dans le mille.Les gens ne réalisent pas qu'il s'agit de la judiciarisation de l'arbitraire.Est ce cela la démocratie?

Amor
| 17-08-2017 11:03
Excellente analyse qui vient, cependant, d'un retard de deux siècles face au clavaire vécu par les hauts fonctionnaires de l'Etat depuis la révolution de la brouette.
Des fonctionnaires listés par leurs "malpropres " collègues, en quête de prendre leurs places, démis de leurs fonctions, dans leur majorité, par Mohamed Ghanouchi dont ils exécutaient les instructions portant sur des décisions prises en conseils des ministres, privés de subsides et de couverture sociale, poursuivis sur la base de dossiers montés de toutes pièces et emprisonnés pour certains d'entre eux.
La justice va très mal, et la seule manière de la forcer à appliquer la loi, en toute impartialité, serait d'imposer, dans ce genre de procès, la présence d'observateurs du haut commissariat des Nations Unies des droits de l'Homme.
ça serait là le meilleur palliatif à la loi d'amnistie proposée par BCE.

Zug
| 17-08-2017 09:24
Un pays comme la Tunisie, aussi pauvre et mal gouvern', ne peut être qu'une oligarchie.
C'est le cas et ça le restera.
Les Tunisiens qui sont mécontents ont la possibilité d'émigrer et si au préalable ils ont bien étudié ils font d'une pierre deux coups !
Autrement, ils peuvent s'économiser. En matière de démocratie, notre ADN socio culturel est très déficient en la matière par contre on va avoir un nouvel aéroport sans open Sky. Ceci illustre mon propos, nôtre charmante Ministre du tourisme faisant justement partie de notre brillante et très internationale oligarchie !
Le souci avec le changement climatique c'est que sans démocratie, bientôt on n'aura plus de pays.

Abdel2.
| 17-08-2017 04:45
Vous avez tout à fait raison Mr. Achouri.
Bien que je n'aie aucune sympathie pour Slim Riahi, ces pratiques me rappellent, toutes proportions gardées, le combat de Mme Maya Jribi et Mr. Néjib Chebbi (à qui je porte tous deux un grand respect) qui avaient entrepris en septembre 2007 une grève de la faim de 30 jours pour que le bail du siège de leur parti, à l'époque le PDP, ne soit pas annulé.

HatemC
| 16-08-2017 20:06
Tu n'es qu'un pourri ... tu te rases le matin ??? je ne crois pas ... tu n'aimes pas te voir ... Chater HC

Jilani
| 16-08-2017 18:18
La liberté d'expression et l'état de droit est loin d'être acquise tant que le pays est gouverner par des rcdistes anciens régime comme BCE et par les islamistes qui ne seront jamais démocrates et libres. BCE est entrain d'arrêter ses ennemis et de faire du cinéma pour se préparer à 2019. Espérons que le bon dieu nous aidera à se débarrasser de ces vieux.

Microbio
| 16-08-2017 17:05
Intellectuellement c'est un régal ! Je suis ravi de lire votre article Mr. Marouen Achouri!

DHEJ
| 16-08-2017 16:12
La meilleure quand un membre du gouvernement est jugé par contumace...


L'appareil fait-il fou?

On augmente les JUGES!


A défaut de l'existence du fou du bled, nous avons l'appareil fou du système!