Les citoyens ont la mémoire courte. C’est pour cela qu’il faut souvent leur rappeler les faits.
Dans quelques années, nous aurons beaucoup de mal à jeter un œil dans le rétroviseur sans un pincement au cœur. Sans nous dire que nous avons été témoins de tellement d’énormités que nous avons laissé passer, parfois dans le silence le plus assourdissant.
Rappelez-vous, en mars, un médecin psychiatre est décédé en détention car privé de son traitement. Il est mort loin de sa famille, sans prise en charge et sans le traitement nécessaire pour le soigner. Malgré son état de santé fragile, il avait été traité comme un criminel et sa détention a été reconduite dans une affaire de trafic de psychotropes. La justice a tranché hier et a prononcé un non-lieu.
Le médecin a été innocenté par la justice, ses confrères aussi. Innocent mais décédé. Il n’aura été que le dommage collatéral parmi d’autres de cette justice qui, dans sa nouvelle version, préfère emprisonner des présumés innocents en attendant d’en faire des présumés coupables. Coupables jusqu’à ce que la mort nous sépare.
Idem pour des prisonniers politiques qui croupissent en prison aujourd’hui alors que rien ne justifie leur détention. Ni les accusations abracadabrantesques, ni la loi elle-même selon laquelle ils auraient dû être libérés il y a plusieurs jours. Ils pourront entamer des grèves de la faim, réclamer plus de dignité, plus de soins face à une santé fragile, en vain. Certains d’entre eux risquent de ne jamais voir la lumière au bout du tunnel.
Qui paiera pour les pots cassés ? Qui dédommagera ces mois perdus, faudra-t-il passer l’éponge ? Oublier ? Mettre cela sur le compte de l’excès de zèle d’une justice aux ordres ? Ou alimenter le réservoir de haine et de ressentiment qui servira de base à une nouvelle justice transitionnelle ? Encore elle. Surtout après le succès fulgurant que l’on reconnait à celle qui l’a précédée…
Dans ce pays, où, depuis quelques temps, la prison est devenue la norme et la liberté l’exception, plusieurs personnes croupissent en prison alors que rien ne les accable pour l’instant. Livrés à la vindicte populaire et lynchés sur les tribunaux bleus, ils serviront d’exemple à tous ceux qui oseraient s’aventurer sur le terrain si miné de « la corruption et du pain du peuple ». Peu importe s’ils sont innocents ou coupables, « s’ils sont là où ils sont, c’est qu’ils l’ont sans doute mérité ». On fera la lumière après…ou pas.
Il est pénible aujourd’hui de parler de libertés individuelles dans ce climat de chasse aux sorcières. Ce climat dans lequel les faits importent peu, ou le souci des détails ne veut plus rien dire. Difficile de défendre des droits fondamentaux lorsque le sommet de l’État englobe tous les pourris dans le même sac et préfère ratisser large sans prendre en compte les détails ni les personnes.
À l’heure où des journalistes croupissent en prison, faisant face à la plus grande des injustices, la vérité ne veut plus rien dire. Rappelez-vous de Chadha Haj Mbarek, Mohamed Boughalleb et, il y a quelques mois, Khalifa Guesmi.
Les Tunisiens ont tendance à oublier, le train-train de la vie ferait vaciller la plus solide des mémoires et le nombre d’affaires qui se suivent et se ressemblent ne laisse pas de répit. Aujourd’hui, les libertés ont été vidées de leur substance. Elles n’ont plus beaucoup de sens. Pareil pour la vie politique, la vie associative et la vie syndicale. Toutes balayées et presque disparues.
Cette année est une année charnière dans l’histoire de notre pays. Dans quelques mois, les Tunisiens devraient se déplacer aux urnes pour voter à la présidentielle. Une présidentielle qui se déroulera dans un climat des plus tendus, dans le flou et, aussi, dans la peur. Les règles du jeu restent inconnues, mais elles semblent peu importer. Les citoyens ont bien voté pour une chambre dont ils ignorent, aujourd’hui encore, le rôle et les prérogatives.
Pour tous ceux qui s’obstinent à réfuter l’irréfutable et à faire l’autruche, préférant les émotions à la raison, les faits sont là. Ils peuvent être oubliés, mais jamais effacés. Certaines réalités auront beau être interprétables, elles ne peuvent être déniées…
Ils rendront tous des comptes. Tout ca pour quoi? pour la fierté de servir ce régime? pour le Korsi de ministre? pour 5000 DT par mois?
En même temps l'existence de failles majeures dans le système politique et institutionnel comme l'absence de Cour Constitutionnelle , l'instrumentalisations de notre pseudo justice qui n'a jamais été réformée, l'absence de véritable réconciliation nationale, de réformes économiques etc etc
Ces failles majeures laissaient entrevoir des risques de dérives autocratiques.
Mais pas au point d'assister à l'effondrement radical de nos institutions représentatives et de notre dispositif "judiciaire".
Cette liquéfaction du pays progresse au profit de la mise en '?uvre de logiques, d'initiatives et de programmes totalement irrationnels loufoques; de véritables foutaises relevant de délires collectifs pour attardés mentaux : - le complot contre la sureté de l'Etat, l'incitation à la généralisation des entreprises citoyennes, le recours pathologique à la planche à billets, les conseils représentatifs régionaux, la lutte contre la spéculation, la paranoïa généralisée '?'etc .....
C'est une spirale ubuesque kafkaïenne toxique qui nivelle tout le potentiel des forces vives du pays