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Chroniques
Ce gendarme ne fait pas inspirer la confiance
22/11/2010 |
min
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Par Nizar BAHLOUL


La loi est la loi et nul n’y est au dessus. Ceux qui chercheraient à contester la dernière décision du Conseil du marché financier (CMF), appelé également gendarme de la bourse, ne trouveraient rien à redire. Cette décision est on ne peut plus légale. Seulement voilà, quand on applique une pareille décision, aussi légale soit-elle, il faut l’appliquer de la manière la plus juste et la moins critiquable possible. Et ce n’est pas le cas.
Résumé des faits (cliquer ici pour voir les faits complets dans l’article consacré à ce sujet). Le CMF a interdit pendant trois mois toute activité d’intermédiation à l’intermédiaire en bourse tunisien SICOFI. Il a également interdit pendant six mois à son DG toutes les activités relatives à l’intermédiation en bourse.
Motif officiel : avoir inobservé des dispositions légales et réglementaires relatives à l’organisation interne, au traitement des ordres de bourse et à la tenue et à l’administration des comptes en valeurs mobilières. Durant la période de sanction, Amen Invest (un intermédiaire de la place) expédiera les affaires courantes.

Ce qui précède est tout ce que le CMF a daigné rendre public. Rien de plus n’a filtré officiellement. Que le lecteur ou le boursicoteur comprennent ce qu’ils désirent des méfaits reprochés à SICOFI.
Et voilà quelques unes des questions que pourrait se poser l’investisseur lambda, au lendemain d’une série de rumeurs et d’une actualité qui ont bien ébranlé la bourse (voir notre article à ce sujet).
Mais que se passe-t-il donc dans la bourse tunisienne et chez les intermédiaires ? La SICOFI et son DG ont-ils joué avec les comptes des clients ? Ont-ils fait des achats ou des ventes alors qu’ils étaient en possession d’informations confidentielles ? Ont-ils fait circuler des rumeurs pour influer sur le cours boursier d’une action ? Pourquoi c’est Amen Invest qui devrait expédier les affaires courantes et non un autre intermédiaire ? Peut-on continuer encore à faire confiance à SICOFI après la période de sanction ? Doit-on devenir client d’Amen Invest ? Que faire si l’on ne veut pas aller voir Amen Invest ou qu’on ne veut pas qu’Amen Invest voie nos comptes pour des questions qui nous regardent ? Peut-on continuer à faire confiance aux intermédiaires tunisiens ? Peut-on continuer encore à faire confiance à la bourse de Tunis ?
N’importe quel investisseur, soucieux de l’avenir de son argent, se serait posé ces questions après avoir lu le communiqué du CMF. D’autant plus que la décision du CMF a été prise depuis le 28 octobre et n’a été rendue publique que le 19 novembre. Soit vingt jours de mutisme total, inexplicable et inquiétant.

Que le collège du CMF prenne les décisions qu’il désire, nul ne peut contester tant que c’est légal, mais qu’il donne les explications complètes afin de ne pas inquiéter le public et de ne pas exercer une double peine (voire davantage) aux condamnés.
Le CMF aurait pu expliquer pourquoi c’est Amen Invest qui a été choisie, car autrement il jetterait une suspicion sur cet intermédiaire en bourse dont le patron a une double casquette puisqu’il est également président de l’Association des intermédiaires en bourse. L’intégrité de Adel Grar ne saurait être mise en doute et plusieurs de ses pairs en témoignent. Mais s’il a hérité de cette patate chaude, c’est justement parce qu’aucun de ses pairs n’en a voulu et que, pour appliquer la loi, il fallait adopter cette solution qui le dessert beaucoup plus qu’elle ne le sert.
A partir d’aujourd’hui, on voit mal comment SICOFI va faire pour regagner la confiance de sa clientèle fortement ébranlée par le communiqué du CMF qui dit trop et pas assez. On l’a carrément condamné à mort.
Nous avons cherché à en savoir davantage, nous avons obtenu des informations ici et là et ces informations ne font que renforcer ce sentiment que le collège du CMF aurait pu procéder autrement, dans le strict respect de la loi et de la justice.

Selon ces informations, ce qu’on reproche aujourd’hui à SICOFI ne daterait pas d’hier, mais d’une bonne dizaine d’années. Depuis que la SICOFI appartenait à d’autres personnes et était dirigée par d’autres gens.
En clair, d’après ce qu’on a appris (et nous utilisons le conditionnel), les dirigeants actuels, depuis qu’ils ont acheté cette boîte, ne feraient que réparer des pots cassés en essayant de la restructurer. Dans la foulée, ils ont dû bouffer leurs fonds propres. Ils ont, apparemment, cherché à la revendre et un investisseur koweïtien était sur le rang. Avec cette sanction, on pourra dire que cette cession n’a pas de chance risque de voir le jour demain.
C’est après tout leur faute qu’ils n’aient pas accéléré les réformes nécessaires, au point d’en arriver là. Cela est un fait et le CMF s’est basé sur ce fait pour sévir après plusieurs avertissements et une sanction il y a cinq ans. Pour le CMF, il fallait mettre le holà. Soit.

Toujours est-il que les effets collatéraux de cette condamnation sont bien nombreux au point que l’on s’interroge si l’impact de la sentence n’est-il pas plus préjudiciable à la collectivité que l’acte de SICOFI lui-même ?
Que feront les clients de l’intermédiaire ? Quelle confiance auront désormais les boursicoteurs ? Quel regard porteront les investisseurs étrangers sur notre bourse et notre gendarme qui sévit sans dire pourquoi et qui pousse un intermédiaire vers une mort quasi-certaine ? Que feront les salariés de cet intermédiaire ?
Autant de questions que le collège du CMF (composé de juges) aurait pu faire éviter à tout le monde en communiquant mieux sa sentence. En s’inspirant, par exemple, du modèle français (duquel ont été inspirés ses lois) qui, dans de telles condamnations, publie sur son site web tous les actes du conseil du discipline avec ses moindres détails. Cela permet d’éclairer la lanterne de tout le monde pour que chacun puisse se faire sa propre idée après avoir obtenu tous les éléments nécessaires à la compréhension. Ce n’est que justice.
22/11/2010 |
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