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Chroniques
Les gagnants et les perdants du vote de confiance
Par Marouen Achouri
02/09/2020 | 15:59
5 min
Les gagnants et les perdants du vote de confiance

 

Le gouvernement de Hichem Mechichi a fini par obtenir la confiance du Parlement, comme cela était prévu avant même le début de la plénière. D’après les résultats du vote, il semble qu’Attayar, la coalition Al Karama et le PDL ont voté contre ce gouvernement, formant ainsi la nouvelle opposition parlementaire.

En face, ils auront une coalition bricolée regroupant au moins 120 élus, qui se propose, selon les dires de Nabil Karoui, de fournir la fameuse assise politique au gouvernement. Mais les résultats de ce vote vont au-delà de ces considérations et il aura fait des gagnants et des perdants.

 

Les perdants : Kaïs Saïed

C’est sans doute le plus grand perdant de ce vote et de l’obtention de la confiance du Parlement par Hichem Mechichi. Le président de la République a multiplié les manœuvres, y compris une lecture hasardeuse de l’article 100 de la constitution, pour empêcher Hichem Mechichi d’accéder à la Kasbah. Ce dernier s’est acoquiné avec Rached Gahnnouchi et Nabil Karoui ce qui a eu le don de faire regretter son choix à Kaïs Saïed.

Aujourd’hui, avec ce vote, Kaïs Saïed perd l’initiative politique qui était sienne depuis la chute du gouvernement de Habib Jamli. Il se retrouve isolé politiquement et franchement battu par le jeu des partis. Il devra également gérer ce qui se dit sur l’influence grandissante de sa cheffe de cabinet Nadia Akacha et dissiper l’impression que l’Histoire se répète, lui qui prétendait apporter un souffle nouveau. Au bout du compte, le choix qu’il a opéré lui a échappé et les partis lui ont fait regretter d’avoir voulu diriger sans eux.

 

Hichem Mechichi

Certains journaux auront beau décrire le vote d’hier comme étant une éclatante victoire pour Hichem Mechichi, il n’en est rien. C’est probablement le seul chef du gouvernement qui prendra ses fonctions en ayant à dos les partis politiques et la présidence de la République. Car il ne faut pas s’y tromper, le vote accordé par les partis à Mechichi n’est qu’une forme de racket politique qui permet à Nabil Karoui par exemple d’annoncer un prochain remaniement.

Hichem Mechichi n’a convaincu ni par sa personnalité, ni par son programme. Il est redevable aux partis qui l’ont amené à la Kasbah, et quand les vapeurs d’une victoire éphémère se seront dissipées, viendra l’heure de l’addition, et elle fera mal. Si Hichem Mechichi ne cède pas aux partis, ils pourront le faire virer de la Kasbah, surtout qu’il ne pourra espérer aucun soutien de Carthage. S’il cède aux partis, avec un remaniement dans deux mois, il n’aura plus aucune crédibilité. Donc sa marge de manœuvre est très étroite.

 

Le camp progressiste

Y a-t-il une seule élection où ce camp ne sort pas perdant, d’une manière ou d’une autre ? De mémoire, non. L’obtention de la confiance par Hichem Mechichi ne fait pas l’exception. Comme l’a si bien dit Mongi Rahoui lors de son intervention, on entendra tous les prétextes concernant l’intérêt du pays, la recherche de la stabilité, mais la réalité est qu’ils ont peur de perdre leurs sièges à l’ARP. Le camp progressiste pourra se réjouir du fait que les islamistes ne sont plus au gouvernement, mais ils occultent le fait qu’ils resteront au pouvoir. Les progressistes ont aidé Ennahdha et son acolyte Qalb Tounes à mettre un pion à la Kasbah. Est-ce par calcul et convergence d’intérêts ou parce qu’ils ont toujours été les idiots utiles des islamistes ? Peu importe, le fait est qu’Ennahdha ne pouvait espérer une meilleure situation. Au fond, y a-t-il une différence substantielle entre Hichem Mechichi et Habib Jamli ? 

 

Les gagnants : Ennahdha

Le parti islamiste a bien tiré son épingle du jeu en « retournant » Hichem Mechichi en sa faveur. Les députés islamistes ont même trouvé le moyen d’inventer un concept absurde : nous vous donnons nos voix sans vous accorder notre confiance ! Quoi qu’il en soit, le parti de Montplaisir sort gagnant de cette bataille dans la guerre qu’il mène contre Kaïs Saïed. Il reprend également l’initiative politique et son conseil de la Choura pourra rythmer la vie politique tunisienne, comme ce fût le cas lors de l’attente de la position d’Ennahdha vis-à-vis de ce gouvernement.

Le parti islamiste se trouve dans les meilleures dispositions possibles : un technocrate maitrisé et redevable à la Kasbah, gouverner sans en prendre la responsabilité politique. Tout cela a été rendu possible par la naïveté politique du président de la République. On se prend pour de grands stratèges à Carthage alors que les cartes se jouent à Montplaisir, et c’est Montplaisir qui a gagné. Accessoirement, cette victoire permettra, au niveau interne, d’aborder le congrès du parti dans de meilleures dispositions.

 

Qalb Tounes

Le parti Qalb Tounes, présidé par Nabil Karoui, a réussi à se mettre au centre de la scène politique tunisienne, avec l’aide précieuse d’Ennahdha évidemment. Pourtant avec un poids respectable à l’ARP, Qalb Tounes, à cause de Kaïs Saïed et d’Elyes Fakhfkah particulièrement, a toujours été maintenu à l’écart de la tambouille politique. Ceci a frustré les dirigeants du parti et leur président. Aujourd’hui, avec le passage de Hichem Mechichi à l’ARP, la donne a changé et Qalb Tounes pourra prétendre manœuvrer avec Ennahdha pour placer ses hommes. Les chantres de la lutte contre la pauvreté devront aussi veiller à ce que le bilan de Hichem Mechichi ne soit pas trop catastrophique.

 

Attayar

La victoire du parti Attayar consiste à avoir retrouvé sa « place naturelle » d’opposant puisque la courte expérience du pouvoir a porté préjudice à la réputation du parti. Attayar n’a pas laissé Ennahdha dicter le rythme de la vie politique et s’est positionné contre ce gouvernement, en son âme et conscience, sans attendre la décision du conseil de la Choura pour se positionner en fonction. Dès hier soir, on a vu une Samia Abbou libérée et débarrassée des contraintes de la solidarité gouvernementale. Mohamed Abbou lui a emboité le pas en annonçant sa démission et son retrait de la vie politique. 

 

Ce bilan n’est pas exhaustif et les implications du vote d’hier pour le gouvernement Mechichi vont plus loin et auront un impact décisif. Ce qui est important c’est la Tunisie et son avenir. La stabilité, perdue dans notre pays depuis le décès de feu Béji Caïd Essebsi, ne semble pas être à l’ordre du jour, même avec l’obtention de la confiance. On parle déjà de remaniement et de politisation du gouvernement, avec tout ce que cela implique comme difficultés dans le fonctionnement. L’avis de nos partenaires étrangers est également à prendre en considération devant au vu des difficultés financières et économiques auxquelles le pays fait face. Au final, nous nous retrouvons tous dans un cirque qui ne veut pas arrêter de tourner au gré des arrangements et des alliances.

Par Marouen Achouri
02/09/2020 | 15:59
5 min
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Commentaires
Kikou
Commentaire
a posté le 03-09-2020 à 14:58
Vous tirez des conclusions hâtives et sans preuves tangibles. Ce qui est certain c'est le plus grand perdant c'est la tunisie, en ce qui concerne les vainqueurs, c'est trop tôt pour les connaître il est possible qu'il soit le président. Actuellement, il détient encore les rênes du pouvoir face à des pertuis complètement dépassés même ennahda. Nous sommes face à une situation critique à cause d'un peuple qui ne mérite pas mieux
Forza
Mechichi est gagnant
a posté le 03-09-2020 à 10:28
Je pense qu'il sort gagnant de cette épreuve. Dans une démocratie parlementaire, le chef de gouvernement a toujours a s'arranger avec les partis même s'il est le chef du parti gagnant de la coalition. Merkel doit négocier tout le temps avec les grands de son parti la CDU et avec l'SPD. Cette idée des tunisiens qu'un bon chef de gouvernement doit agir sans tenir compte de personne n'a pas de sens. La démocratie est la recherche de compromis et ceci doit prendre compte des rapports de force au sein du parlement et doit balancer entre les intérêts de plusieurs groupes et non pas seulement politiques, par exemple UGTT et Utica.
On souhaite à Mr. Mechichi bonne chance et bon départ.
Pour Attayar, il sort affaibli mais à mon avis, il a affaibli lui-même sa position. Sa coalition même non voulue avec le PDL lors de l'attaque contre Ennahdha et Ghanouhci lui coute beaucoup. Il ne faut jamais mener les batailles des autres. Je pense que lors des prochaines élections, il risque de perdre ses électeurs a Imed Daimi et Yassin Ayari car il a endommagé son image comme parti de la révolution en s'associant avec Abir Moussi.
Et la mouvement chauviniste Echaab est perdant aussi. girouette prête a changer tout le temps d'avis selon les souhaits de Saied, bon débarras aux prochaines élections, les qawmajyas arabistes n'ont rien a chercher chez nous.
MOUCH-NORMAL
LE PRESIDENT KS A OFFRIR DES CADEAUX POUR RACHED GHANNOUCHI
a posté le 02-09-2020 à 21:19
J'accus le President et l'armee' nationale ont offrir beaucoups du temps pour l'ennemie de la Tunisie : RACHED GHANNOUCHI
dans tous les discours de KS il tremble , il as peur . ***
ntc
Superficiel...
a posté le 02-09-2020 à 20:53
Ennahdha gagnante, vous me faites rire, QT aussi c'est du ridicule et enfin dans la série des gagnants ettayar avec un chef qui jette l'éponge. Mechichi n'est redevable à personne, tous vos gagnants ont voté pour car ils avaient peur des élections anticipées. Pour la première fois Ennahdha sans ministre au gouvernement, QT est toujours dehors... et vous parlez de victoire c'est a mourir de rire...
TEB
Bidon
a posté le 02-09-2020 à 20:05
Mr connaît tout fait ses analyses, se trompe, refait encore des analyses et toujours à côté de la plaque... Hors de question bien sûr de se remettre en cause... Avec des arguments toujours aussi bidons
Gg
Presque bon article!
a posté le 02-09-2020 à 19:44
Car il manque quelques mots sur Mme Moussi et son parti, toujours fidèle à sa parole et solide.
Mais bon, BN préfère Nahda et ses tentacules. C'est son droit, encore faut il le dire.
Alya
Pardon, mais je colle pas
a posté le 02-09-2020 à 18:38
Depuis quelques jours, tous les journalistes se sont donne le même mot.Ks est tantôt machiavel tantôt un perdant tombe sous le jour d ennafdha et qalb tounes .Kais Said a simplement expliqué la non dissolution de l assemblee . MECHICHI EST PASSE AVECLES VOIX DE 2 PARTIS MAJORITAIRES ET C ETAIT MATHEMATIQUEMENT OBLIGATOIRE MAIS AUSSI LES VPIX D AUTRES PARTIS ET DES INDEPENDANTS.ET PUIS SI ACHOURI.VOUS VOUS AUTORIZER DE COMPARER JEMNI ET MECHICHI ET LA JE VOUS RAPPELLERZ QUE MECHICHI VOUTRE LE CV,EST UN AS DE L ADMINISTRATION TUNISIENNE ET DEBARQUE DU MIT
Welles
Pas un mot sur le PDL
a posté le 02-09-2020 à 18:32
Comme d'hab avec monsieur Achouri, la position du PDL et l'excellent discours de sa présidente n'intéresse pas monsieur; le PDL est classé conservateur sans donner aucune raison.Un journalisme de pacotille.
Citoyen 1956
Trés subjectif
a posté le 02-09-2020 à 17:59
Ennahdha et Ettayar gagnants ? Ca m'étonne vraiement. Heureux que je ne suis pas de leurs électeurs.
Et le PDL alors ? Fidèle à ses positions avec une allocution magistrale de Abir Moussi en plus.
Zut et Flûte
Cour Constitutionnelle
a posté le 02-09-2020 à 17:14
Le président de la république a répondu de façon virulente...
Avec tout ce qu'il a pu entendre hier lors des débats à l'ARP,c'est de bonne guerre...
L'ARP serait bien inspirée,à son tour de diligenter la création de cette Cour Constitutionnelle....
Cette cour,il est utile ici de le rappeler est composée se 12 membres,4 choisis par la présidence de la république,4 par l'ARP et 4 par le Conseil supérieur de la Magistrature...
La Constitution tunisienne de 2014 a séparé les 3 pouvoirs;législatif,exécutif et judiciaire.
La Cour Constitutionnelle est seule habilitée à trancher sur les litiges pouvant découler de l'interprétation de tel ou tel point de la Constitution et avoir autorité de déclarer que telle ou telle loi est constitutionnelle ou pas.
Le fait de rester sans cette CC est la cause de ces frictions qui existent entre les différents pouvoirs et l'avènement de propos déplacés qui ne rehaussent pas l'image de la Tunisie...
A mon humble avis,il est URGENT d'instaurer dans les plus brefs délais cette CC afin d'apaiser les tensions...
Ceux qui affirment qu'ils sont contre l'avènement d'un seul "khwanji" dans cette CC et qui sabotent à chaque fois les plénières sont les ennemis de la Tunisie...
Je leur dirai ceci,vous préférez un match sans arbitre?
Ils n'ont qu'à méditer sur ce gouvernement Méchichi qui,malgré l'arrivée à la première place d'ennahdha à l'ARP est fait de gens non partisans et qui plus est ne serait pas passé sans la cinquantaine de voix de ce parti !
Alors!!!
MH
Très bel article !!
a posté le 02-09-2020 à 17:00
Rusée comme elle est, Nahdha a toujours su détourner la situation en sa faveur. Là encore on a une très belle illustration. Elle continuera à tirer les ficelles derrières les rideaux, mais encore mieux cette fois-ci, sans se mouiller.