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L'opposition tunisienne offrira-t-elle un scenario égyptien ?
02/07/2013 | 1
min
L'opposition tunisienne offrira-t-elle un scenario égyptien ?
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La Tunisie et l’Egypte présentent, depuis le mois de janvier 2011, des points de similitude et d’autres de divergence. Les deux pays ont connu la réussite de la révolution au cours du mois de janvier 2011 (respectivement le 14 et le 25), les deux anciens présidents ont été contraints de partir à coups de « Dégage » et de «Er’hal», et ce sont les islamistes qui ont pris le pouvoir par les urnes, suite à des élections libres et démocratiques.
Mais le cours des événements n’a pas suivi la même trajectoire. D’un côté, en Tunisie, c’est un gouvernement civil qui a assuré la période transitoire et organisé des élections pour une seconde étape transitoire et constitutive. De l’autre, en Egypte, c’est l’armée qui assuré l’intérim jusqu’aux élections définitives, législatives et présidentielle.


Si en Egypte, les Frères musulmans, élus pour quatre ans, sont sur le point d’être éjectés par la volonté du peuple au bout d’un an de pouvoir, seulement, en Tunisie, l’Assemblée nationale constituante (ANC), qui a été élue, selon le décret n° 6, pour un maximum d’un an, reste en place par sa propre volonté, et non celle du peuple.
En Egypte, les « Frères » gouvernent seuls sans aucune alliance avec d’autres partis ; en Tunisie, Ennahdha a réussi à se faire rallier deux partis, laïcs et démocrates en théorie, qui lui servent de façade dans le sens où le parti islamiste exerce une hégémonie criarde sur la marche des affaires et de l’ANC et du pays.

En Egypte, le président Morsi a vite fait de dévoiler ses velléités de dictateur en voulant gouverner par décrets après la dissolution du Parlement pour vice de forme; en Tunisie et en face d’un président en carton, Ennahdha gouverne à travers le chef du gouvernement aux prérogatives illimitées et l’ANC qui impose, le diktat de la Troïka par le vote.

En Egypte, l’opposition, malgré ses tendances et idéologies hétéroclites, a réussi le tour de force de se présenter en rangs serrés et unis et à faire descendre dans la rue, en cette historique journée du 30 juin 2013, 17 millions de manifestants (14 millions selon les estimations les plus minimalistes) après avoir réuni 22 millions de signatures, sachant que ces chiffres dépassent, de loin, le nombre de votants obtenu par Morsi pour être élu, soit 13 millions de voix !
En Tunisie, l’opposition, qui a en commun son esprit démocrate, laïc et moderniste et son refus de tout projet d’islamisation de l’Etat, reste empêtrée dans ses éternels alter egos sans oublier les appétits des chaises ministérielles que leur fait miroiter, de temps à autre, le parti d’Ennahdha. Et cet état de fait risque de se prolonger à moins que les tentatives de constituer un front commun n’aboutissent, enfin, après l’éventuel ralliement du Front populaire à l’Union pour la Tunisie !

En Egypte, l’opposition a compris que les Frères ne lâcheraient jamais sans une pression de la rue et ils l’ont exercée jusqu’au bout. En Tunisie, l’opposition continue à croire au consensus, mais à chaque fois, elle en prend un sérieux coup pour son grade. Et à force d’accorder un préjugé favorable au parti islamiste et ses alliés opportunistes, elle semble assister, impuissante, au passage éventuel de la loi anti-démocratique par excellence, de ce qu’on appelle fallacieusement, d’immunisation de la révolution et d’une Constitution qu’elle considère comme étant « falsifiée ».
En effet, outre les multiples modifications, tout un chapitre, appelé « dispositions transitoires », a été écrit par la seule personne nahdhaouie, Habib Khedher, selon plusieurs députés, sachant que ce chapitre constitue une mini-constitution qui peut modeler la prochaine étape politique au gré des desiderata d’Ennahdha au pouvoir.

En Egypte, l’institution militaire a ses traditions et a son rôle dans la vie politique. Elle l’a toujours prouvé. Avant, elle le faisait aux côtés des gouvernants. Mais depuis le soulèvement contre Moubarak, elle s’est rangée aux côtés du peuple. Ce qu’elle a réitéré, tout récemment en lançant un ultimatum de 48 heures au président Morsi.
En Tunisie, l’Armée a eu, par le passé, un rôle effacé pour ne pas dire du côté des gouvernants. On se rappelle que les militaires avaient tiré sur les populations en janvier 1978, lors de la crise avec l’UGTT d’Habib Achour, et en janvier 1984, lors des émeutes du pain. Mais elle s’est rangée du côté du peuple lors de la révolte de janvier 2011. Ce qui a conféré un prestige et une estime extraordinaires à son chef, le général Rachid Ammar.
Et c’est ce qui a fait dire à Rached Ghannouchi, guide d’Ennahdha, que « l’armée n’est pas garantie, car il sait très bien que l’Armée nationale se mettra du côté du peuple si une partie quelconque se mettait à l’idée d’imposer une nouvelle dictature.

Et les puissances internationales ? Pour l’Egypte, le président américain Barack Obama, a été clair : la légitimité des urnes n’est pas suffisante au pouvoir en place si elle n’est pas suivie par une politique répondant aux aspirations et attentes du peuple qui lui a accordé le mandat. « La démocratie ne se limite pas aux élections. Il s’agit aussi de faire en sorte que les voix de tous les Egyptiens soient entendues et représentées par leur gouvernement, y compris les nombreux Egyptiens qui manifestent à travers le pays», a-t-il dit en substance.

En Tunisie, alors que les Américains n’envoient plus de responsables de haut rang depuis l’attaque de leur ambassade, la visite du président de la France en Tunisie, en ces moments délicats, peut être considérée comme étant un soutien à la Troïka en place.

En Egypte, les « Frères » ont eu l’arrogance de se croire les maîtres de l’Egypte grâce à un scrutin survenu dans des conditions très particulières. En Tunisie, les islamistes d’Ennahdha ont eu recours à des méthodes pernicieuses pour imposer leur diktat. Outre l’argument du vote, ils ont toujours placé la barre très haute avant d’accepter certains amendements qu’ils appellent des concessions et faire croire, ainsi, qu’ils sont les champions du consensus.

En Tunisie, certains députés ont été élus par quelques milliers de voix seulement et ils ont l’arrogance de crier qu’ils représentent la volonté du peuple et qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent au nom de cette prétendue volonté !
Or, et en suivant cette logique, le peuple leur a octroyé un mandat pour constituer dans un laps de temps bien déterminé. Au lieu de cela, ils se sont mis à gouverner pour une durée illimitée tout en passant leur temps à se chamailler, à légiférer et à concocter des lois, qualifiées par tous les experts et autres droits de l’Hommiste, comme étant aberrantes.

Autre fait prouvant l’esprit arrogant des islamistes est cette position prise par le parti d’Ennahdha qui soutient le président Morsi, lâché de toutes parts y compris par ses ministres et conseillers, sans prendre en considération les 17 millions d’Egyptiens descendus dans les rues.
En Tunisie, l’opposition a raté le coche à deux reprises pour faire entendre la voix du peuple. La première fois a été lors du 23 octobre 2012 quand le mandat d’un an confié à l’ANC était venu à terme, mais elle a pris les promesses faites à ce moment là pour de l’argent comptant et préféré opter pour la retenue après que Mohamed Abbou ait promis les potences à ceux qui oseraient descendre dans la rue.
Selon la logique de M. Abbou, 17 millions d’Egyptiens devraient être conduits à la potence parce qu’ils ont osé braver la « légitimité » de Morsi !
La seconde fois a été au lendemain de l’assassinat de Chokri Belaïd lorsque près d’un million et demi de Tunisiens sont descendus dans la rue pour les obsèques du martyr. C’était le désaveu total du pouvoir en place, ce que le général Ammar a qualifié comme étant le certificat de décès de la Troïka.

Or, face à ce diktat clair et cette obstination de vouloir imposer une loi anti-démocratique et discriminatoire et une constitution contraire aux attentes du peuple tunisien, l’opposition aura-t-elle le courage de s’y opposer avec fermeté quitte à rééditer le scenario égyptien en ce sens où c’est la volonté du peuple qui prime ?
En tout état de cause, les observateurs sont persuadés que la réussite du peuple égyptien à déloger les « Frères » aura, inéluctablement, un impact sur la situation et sur l’avenir d’Ennahdha en Tunisie…
02/07/2013 | 1
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