Comment servir la Tunisie de l'étranger ?
Par Mohamed Adel Chehida*
Alors que les retours au pays commencent, une question se pose à nouveau et toujours plus insistante aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur de la Tunisie, comment le Tunisien vivant à l’étranger peut-il contribuer au développement de la Patrie? Comment pouvons-nous faire converger nos actions pour servir la mère Patrie?
Les idées ne manquent pas. Certains, ne voyant dans les Tunisiens à l’étranger que des devises à ramener, ont même suggéré de leur appliquer un impôt, une sorte de taxe annuelle. D’autres proposent de réinstaurer des fonds type 26/26!
Il ne faut avoir aucun doute sur la volonté du citoyen tunisien à l’étranger de contribuer à l’effort national. Toutes les propositions seront les bienvenues à condition qu’elles soient constitutionnelles. Bien évidemment, il faudrait aussi les discuter avec les concernés.
Je suis convaincu qu’il faudrait aborder le sujet dans le cadre d’un débat national, qu’il faudrait dès le départ éviter toute idée de taxation qui rappelle un certain sectarisme, le devoir de payer pour le droit à une appartenance…
Le Tunisien à l’étranger s’impliquera d’autant mieux du moment qu’il sera considéré comme un acteur réel aux niveaux politique, social et économique de son pays.
Le Tunisien servira la Tunisie quand sa situation à l’étranger aussi bien économique que sociale est stable.
Il faudra donc et d’abord connaitre la spécificité des immigrés et des problématiques de chaque catégorie. Ce qui n’est pas le cas actuellement.
Beaucoup de nos compatriotes ont eu de sérieux problèmes économiques durant ces dernières années suite à la crise économique en Europe.
L’Etat doit savoir que celui qui quitte son pays pour trouver une vie meilleure et un travail, ne peut être utile au pays que si sa situation est stable et que si les enfants de la deuxième ou troisième génération sont aussi traités en citoyens à part entière. A ce niveau, force est de constater que peu d’efforts sont faits pour attacher ces générations à notre culture.
Par ailleurs, rentrer en Tunisie est en soi un témoignage d’attachement à la patrie et par conséquent une contribution indirecte qui stimule l’économie nationale. Ici aussi, les retours sont souvent des moments de tensions. Dès l’arrivée sur le territoire, les stigmatisations deviennent quotidiennes.
Par conséquent, le gouvernement et l’Etat doivent investir pour défendre ses enfants en négociant des accords bilatéraux favorables. Par exemple, les accords de contribution et versement des caisses de retraite pour l’obtention de retraite décente doivent en faire partie.
Plus généralement, des actions simples doivent être entreprises par le gouvernement tunisien et ceci à partir de ses services consulaires:
- Facilitations de la bureaucratie en introduisant le service digital (ce n’est pas normal de devoir faire des centaines de kilomètres pour inscrire un nouveau né….)
- Augmenter le nombre d’assistants sociaux dans chaque consulat (le consulat de Rome à titre d’illustration ne dispose que d’un seul assistant, submergé de dossiers des clandestins disparus, des divorces, des décès,..)
- Augmenter le personnel de l’ambassade s’occupant des affaires commerciales afin d’encourager et faciliter les investissements en Tunisie
- Augmenter le nombre d’enseignants d’arabe afin de renforcer les liens avec la patrie et ce sentiment d’appartenance que cherchent les nouvelles générations, tout en évitant que ces écoles soient soumises à la gouvernance de certaines parties politiques ou idéologiques à travers des associations, comme c’est le cas actuellement dans certains endroits.
- Faciliter les transactions bancaires avec des commissions acceptables ce qui encouragera les voies légales de transfert de devises.
- Améliorer les services d’accueil du Tunisien à son retour, lui évitant des queues interminables que ce soit aux aéroports ou dans les ports.
- Améliorer les conditions contractuelles du personnel diplomatique, moteur essentiel du fonctionnement de la roue administrative à l’étranger.
Ceci n’est qu’un point de départ et bien d’autres actions doivent être entreprises.
Nos responsables doivent intégrer que les Tunisiens à l’étranger sont autant d’atouts perdus ou mal exploités.
*Médecin anesthésiste réanimateur et coordinateur d'Al Badil Ettounsi