La critique est facile mais l'art est difficile..
Par Marouen Achouri
Ils sont à peu près quatre millions de personnes. Quatre millions qui ont le bonheur d’avoir des enfants et, en même temps, la malédiction de devoir les scolariser dans des établissements publics du secondaire. Oui, c’est malheureusement devenu une malédiction pour des parents qui, le plus souvent, ont grandi eux-mêmes dans des établissements publics. Une malédiction parce qu’ils sont pris en otages, eux et leurs enfants, entre deux incapables. L’un des pires sentiments au monde, est sans doute l’impuissance.
Il s’agit de parents certes, mais il s’agit surtout de contribuables qui ne voient plus à quoi servent leurs impôts puisque le plus important, le plus essentiel pour eux, à savoir l’éduction de leurs enfants, n’est plus assurée. Ce sont aussi des salariés, des artisans, des travailleurs qui subissent de plein fouet les augmentations des taxes, le prix de l’essence, la rareté des produits alimentaires. Tout ça, ils le subissent en silence, mais attention à l’éducation de leurs enfants. Pour une majorité d’entre eux, c’est la raison pour laquelle ils travaillent et ils prennent la peine de se battre dans les transports jour après jour.
Aujourd’hui, ils se retrouvent pris au piège entre deux bêtises. La première est celle du syndicat de l’enseignement secondaire. Des revendications égoïstes même si elles peuvent être justifiées. Ils s’inquiètent du niveau de vie de l’enseignant et de son pouvoir d’achat et demandent en conséquence à avoir des augmentations. Au fait évident que toute la Tunisie perd du pouvoir d’achat et que la situation est difficile pour tout le monde, ils opposent l’absurdité selon laquelle : « c’est votre problème, nous, nous avons un syndicat qui défend nos intérêts ». Derrière les grandiloquences et les discours enflammés, ce n’est que ça en fait. La seconde bêtise est celle d’un ministère qui cache son absence de stratégie derrière un semblant de fermeté. « Nous ne négocierons pas sous la menace ! » disent-ils. Ce n’est pas vrai, il y a eu au moins deux réunions avec les syndicats du secondaire alors qu’ils refusaient déjà de livrer les notes à l’administration. Le plus important, c’est que ce ministère, avec à sa tête Hatem Ben Salem, est censé être le garant de la bonne administration des ressources en matière d’éducation. Il est censé être le protecteur des intérêts et de l’avenir de millions d’enfants placés sous sa responsabilité directe. Une responsabilité qu’il n’assure pas, manifestement. Alors pour le parent qui voit en ce ministère et en l’Etat, le recours juste contre ce qu’il subit, découvre qu’en fait, le ministre présente des excuses, que devrait-il ressentir ? Il ressentira du dépit, il se sentira démuni, et commencera alors à monter une colère sourde et intransigeante.
Entre des professeurs qui chantent du Marcel Khalifa et du Cheikh Imam dans leurs salles de repos et un Etat incapable d’appliquer la loi parce qu’il a peur, les parents de millions d’élèves n’en peuvent plus. Leur vie est rythmée par les appels téléphoniques de leurs enfants toutes les heures pour les informer de la venue de tel prof ou de l’absence de tel autre. Avec les réseaux sociaux, les parents savent ce qui se passe dans l’école de leur enfant et discutent même avec les profs grévistes, le tout en bouillant de colère. Ils n’arrivent plus à travailler, à être concentrés sur ce qu’ils font. Ils sont en colère car ils se débattent contre des choses qu’ils ne maîtrisent pas et qui semblent les ignorer en plus. De jour en jour, ils acquièrent la certitude qu’ils sont livrés à eux-mêmes dans une jungle où aucune règle ne s’applique et où aucun recours ne se présente. Un tel contexte les poussera inévitablement à se faire justice eux-mêmes et à laisser éclater une colère trop longtemps contenue. Les prémices d’une telle réaction commencent déjà à se faire entendre à l’instar de ce qui est arrivé hier dans un collège de Bekalta à Monastir où des parents d’élèves ont carrément tenté d’agresser des professeurs. Supposons qu’il s’agit là d’un incident isolé, mais posons-nous la question suivante : jusqu’à quand restera-t-il isolé justement ?
Dans une société civilisée, le recours de tous en cas de différend est la loi, appliquée à tous sans exception et sans compromis. Si la loi n’est pas appliquée, si celui qui est chargé de faire appliquer la loi est trop frileux, trop lâche, c’est la porte ouverte au chaos et à l’anarchie. Priez pour que les quatre millions de parents, choisissent la loi.
Commentaires (4)
Commenter@ BN
La critique est facile mais l'art est difficile..
@Si Marouen Achouri
Très Cordialement
Bonne journée!