Tous les amateurs de foot en Tunisie étaient abasourdis et dégoutés du spectacle donné dimanche par deux des supposées meilleures équipes du pays, l’Etoile sportive du Sahel et l’Espérance sportive de Tunis. Il n’y a pas eu de jeu, des fautes à la pelle et enfin, une bagarre générale.

Le lendemain, tout le monde était ému de l’image que ce triste spectacle enverrait de la Tunisie et les analystes de tous bords se sont acharnés à répéter que les satellites retransmettaient tout ce qui s’était passé. Tous ces bienpensants savent pourtant que notre chaîne nationale transmet des absurdités bien plus graves que ce qui se passe dans un match de foot, ne serait-ce que les débats de l’ARP…

Mais pourquoi ce serait au foot de transmettre une belle image du pays ? De deux choses l’une, ou notre pays va bien et tout va pour le mieux, sauf ces footeux irresponsables qui pervertissent cette belle image du pays, ou le foot, comme des milliers de secteurs en Tunisie souffre des mêmes maux que subit l’ensemble de la société, et dans ce cas le foot n’est qu’un fidèle reflet d’une situation sociale explosive. Et comme tout ne va pas pour le mieux en Tunisie, le choix est simple.

Alors au lieu de donner des leçons sans valeur sur l’esprit sportif et sur la nécessité de bien représenter le pays en répétant à tout va que l’équipe de Tunisie va en coupe du monde, il vaudrait mieux se pencher sérieusement sur la situation du football et du sport en général dans ce pays dont on ne se soucie que de l’image. Un bon départ à ce diagnostic d’un secteur malade serait la déclaration de Ridha Charfeddine quand il annonçait sa démission de la présidence de l’ESS. On peut aimer ou détester le personnage, mais tout ce qu’il a dit à propos des problèmes du foot tunisien est absolument vrai.

Tout le pays baigne dans une violence latente, physique et morale. Tout le pays est à cran, et ce ne sont sûrement pas nos dirigeants qui y changeront quoi que ce soit. Quand le Tunisien voit les grands pontes de la contrebande échapper à toute forme de procès, quand on lui dit qu’il mange n’importe quoi et qu’il doit en plus le payer au prix fort, quand on entretient le flou sur son avenir et sur celui de ses enfants, quand on n’arrête pas de lui dire qu’il n’y a pas d’avenir dans ce pays et que son existence ne vaut pas grand-chose, à quoi faut-il s’attendre ?

Et puis, à ceux qui se soucient tellement de l’image du pays, je ne crois pas que les matchs du championnat tunisien de football cassent les audiences à l’étranger, mais admettons. Hechmi Hamdi et Moncef Marzouki sont aussi Tunisiens. L’un fait rire le monde avec des délires d’un autre temps, et l’autre parcourt les plateaux étrangers pour insulter les Tunisiens et la Tunisie. L’image du pays ne compte plus quand il s’agit de politiques qui manquent de respect à tout un peuple ?

Enfin, il y a eu cette idée lumineuse d’arrêter le championnat et dire que le foot c’est pas pour nous, nous ne sommes pas assez civilisés pour pratiquer ce sport dans de bonnes conditions. Soit, mais à une condition. Il faudrait aussi interdire les voitures en Tunisie vu la manière dont on conduit, il faudrait interdire les plateaux télé et radio vu la façon dont on discute les uns avec les autres. Il faudrait interdire les soldes vu qu’on se comporte comme des animaux à cette période. Il faudrait interdire les salles de cinéma vu que ça devient des dépotoirs à ordures une fois les salles vides. En fait, il faudrait interdire beaucoup de choses.

A chaque fois qu’il y a un évènement du type de ce qui s’est passé au stade de Sousse, on se trompe de vision et on pervertit les choses. Le football n’est pas exempt de tout reproche, mais il ne faut pas tout lui mettre sur le dos car ce n’est que le reflet d’une situation générale. C’est comme les politiciens qui ne savent pas gérer un pays et qui accusent les médias d’exagérer les choses. Le problème n’est pas dans le miroir quand le reflet qu’on y voit est moche. Casser le miroir ne nous rendra pas pus beaux, loin de là.