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Chroniques
Les Tunisiens ne vont pas bien
Par Synda Tajine
20/06/2023 | 16:59
4 min
Les Tunisiens ne vont pas bien

 

Hier, un agent de sécurité a succombé à des blessures infligées par un assaillant pendant qu’il était en fonction. Alors qu’il assurait la sécurité de l’ambassade du Brésil à Tunis, il a été agressé par un citoyen qui tentait de s’introduire de force dans le bâtiment. Il succombera à ses blessures dans l’après-midi.

L’assaillant est un enseignant universitaire âgé de 53 ans et souffrant de troubles mentaux. On ignore pour l’instant les motivations derrière cet acte et les troubles ayant conduit l’enseignant-assaillant à s’attaquer et à assassiner l’agent de sécurité.

 

Les troubles mentaux sont souvent méconnus en Tunisie. On en parle peu et on y accorde peu d’importance. Dans la société tunisienne, la pensée prédominante est que si tu es en bonne santé et que tu n’as pas de graves problèmes financiers ou familiaux, tu n’as pas le droit d’aller mal. Autrement dit, toute la dimension biologique, psychique et même héréditaire des troubles mentaux est balayée par la croyance populaire. Cette même croyance balaye aussi les raisons ayant « conduit » certaines personnes à aller mal.

 

Ce n’est que ces dernières années que des termes, nouveaux pour la société tunisienne, ont émergé. Depuis 2011, on parle de dépression, de bipolarité, de schizophrénie, de burnout, de dépression postpartum, de personnes narcissiques, de perversions, etc. Mais, en général, il s’agit de termes fourre-tout dans lesquels, par ignorance, on place un spectre très large de troubles mentaux divers et variés et qui n’ont, souvent, aucun lien avec la dénomination qu’on leur donne.

Souvent, des gens mal informés n’arrivent pas à mettre un nom sur le mal dont ils souffrent et préfèrent le qualifier en des termes populaires comme « faddit », « falgatt » [j’en ai marre, j’étouffe] alors qu’il s’agit de pathologies cliniques qui peuvent être diagnostiquées et traitées.

 

Plusieurs facteurs ont plombé la santé mentale des Tunisiens au fil des ans. D’abord, la frustration liée aux attentes non satisfaites de la révolution de 2011. Viennent ensuite des années d’incertitude politique, une pandémie anxiogène qui a duré deux ans – et qui a fait décoller les taux de dépression et d’anxiété dans le monde – mais aussi une crise politique angoissante qui empire au fil des mois.

Les Tunisiens ne vont pas bien. Les derniers sondages ne font que confirmer ce constat. Selon l’étude de l’ONG International Alert, réalisée sur les jeunes tunisiens âgés de 18 à 29 ans, réalisée sur 1.250 jeunes, hommes et femmes, dans les quartiers populaires de Kabaria, Kasserine nord et Tataouine nord, 27% des Tunisiens estiment que leur santé mentale est « mauvaise », voire « très mauvaise ». En effet, les pressions de la vie, comme le chômage, la paupérisation et les difficultés familiales font augmenter le risque de subir des troubles mentaux tels que la dépression, l’alcoolisme et le suicide.

 

Mais si les Tunisiens savent qu’ils vont mal, que font-ils pour y remédier ? Se font-ils diagnostiquer ? Suivent-ils des traitements ? Difficile à dire. On parle peu et pas assez de santé mentale. Elle reste, pour l’instant, reléguée au statut de luxe réservé aux riches qui n’ont pas de « vrais » problèmes. Ça coûte en effet cher de prendre soin de sa santé mentale, à l’heure où on a du mal à satisfaire des nécessités plus « physiques ». A l’heure aussi où les établissements de soin pour les personnes souffrant de troubles mentaux sont rares et mal équipés.

En contrepartie, l’investissement pour la prise en charge des maladies mentales n’a pas bougé en Tunisie. Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la Tunisie investit à peine 1% de son budget santé dans la prise en charge des maladies mentales. Un chiffre très bas même lorsqu’on le compare aux autres taux (déjà bien faibles) dans le monde. Toujours selon l’OMS, seulement 2% des budgets nationaux de la santé et moins de 1% de toute l’aide internationale à la santé sont consacrés à la santé mentale.

 

Un humoriste peu connu avait dit un jour que la génération Y était consciente de ses troubles mentaux, de son anxiété, sa dépression… mais qu’elle se suffisait de l’admettre, d’en rire et d’en parler autour d’elle sans rien faire pour y remédier. Les nouvelles générations sont mieux informées et plus conscientes que nous à ce niveau-là. Est-ce pour autant qu’on observe une prise de conscience généralisée ? Permettez-moi de douter. En période de crise économique, le bien-être mental est, pour bien des gens, loin d’être perçu comme une nécessité. Et vous, comment vous portez-vous ?

 

 

Par Synda Tajine
20/06/2023 | 16:59
4 min
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Commentaires
Alya
Soyons serieux
a posté le 21-06-2023 à 14:03
Premièrement, ke tueur en question souffre réellement d une maladie mentale grave . Ce problème pose un problème de santé publique d ailleurs mondiale . Et seul un psychiatre pourrait vous répondre quant à la nécessité d interner à vie ou de laisser ces malades vivre dans la société. Nous avons eu , il ya 2 ans le même drame avec ce jeune, issu d une famille de médecins et qui avait commis un meurtre sur l avenue habib bourguiba . Le 2eme point , concerne le problème de la santé mentale du tunisien .les chiffres de dépression que vous rapportez sont exacts. Ces chiffres ont été comparés à d autres pays ., et on découvre alors que le tunisien est plus enclin à la dépression que le palestinien de son âge?
Hamza Nouira
Et bien....
a posté le 21-06-2023 à 11:39
Donc un enseignant universitaire peut souffrir de troubles mentaux C'est bon à savoir.... ;) (C'est très subtil, mais intelligent sera celui qui comprendra).

Et puis les Tunisiens aiment leurs situations actuels. C'est les sondages qui le disent!:))
Ayadi
RIDICULE
a posté le 21-06-2023 à 07:27
Je suis très bien du moment que tout est obscure en Tunisie, est-ce que vous voyez les gens sourire ce dernier jour, non, est-ce que vous constatez un bon comportement du citoyen dans les rues, les cafés, à la circulation, les hôpitaux, partout la dépression, la colère ravagent nos esprits, allez voir les prix des moutons Le citoyen est malheureux dans sa vie quotidienne et vous lui demandez de ne pas être dépressif, c'est ridicule ! Personne ne peut prétendre être malade s'il avait les moyens nécessaires de ne pas l'être. Nettoyer nos esprits des ordures qui pourrient nôtre quotidien et peut-être vous voyez les gens sourirent toute la journée. Aidkom mabrouk.
Nephentes
Decivilisation et liquéfaction
a posté le 21-06-2023 à 05:17
Le corps social tunisien a implose depuis plus de 30 ans
Ce à quoi l on observe aujourd hui constitue la continuité de cette implosion
On cit pour les apparences et la futilité et tout est bon pour sauver les apparences
Ce pays est un campement bédouin a échelle agrandie ou les bases d une société moderne et de la citoyenneté responsable ont fondus comme neige au soleil
Le Baron
pourtant R Ghannouchi est en prison
a posté le 20-06-2023 à 18:26
je ne comprends pas les tunisiens sont sortis un certain 25 juillet 2021 dans la rue pour fêter le putsch de KS et celui ci a exaucé le v'?ux de millions de tunisiens de mettre les khouanjya hors circuit et a leur tête RG ,mais enfin que veux ce magnifique peuple tunisien pourquoi il ne chante pas et ne dance pas ou bien peut être il veut le retour des khounjya ou bien il veut Abir ou bien il veut quoi enfin...
Sael
Réponse
a posté le à 13:37
Le Tunisien est malgré lui, le fruit de brassages ethniques et culturels. On n'est ni arabe, ni amazigh, ni européens. Il a du mal à admettre qu'il est en grande partie responsable du fait que le protectorat français s'était imposé, et depuis, c'est combat identitaire entre les occidentalistes et les islamistes, malgré la dynamique pays anglophones et francophones. Au lieu de se regarder en face, d'admettre et d'assumer ses défauts bien propre à lui (consanguinité, santé mental, QI, tier mondisme, traditionalisme qui renie les faits scientifiques, hypocrisie, mensonges, magouilles'?'et cetera), il continue à croire à ces élites qui jouent de leur déni individuel et collectif, sachant que ces élites croient généralement eux même à leur mensonge. On est mixte culturellement et génétiquement. Ce n'est pas nord contre sud et ouest contre est, mais opportunistes 'malgré'?' lui contre abusés 'malgré'?' lui. Il passe son temps à satisfaire ses maîtres, parce que le tunisien est complexé. Au lieu de développer une identité nationale propre à son pays, il préfère se voiler la face et continue la même logique. Mais le monde change, et la Tunisie aussi, et c'est cela qui exacerbe la dynamique opportuniste et abusé, puisque la Tunisie est généralement à la mercie des plus forts. Dans sa frustration et sa colère, il a développé et créé une fascination pour des critères de réussite et de respectabilité qui sont absolument merdiques, sachant que beaucoup de ces critères sont ante-KS, ante-islamistes, ante-2011, ante-Ben Ali, ante-Bourghuiba, ante-protectorat. Certains se rangent derrière des grandes causes, islam, droit de l'homme, progrès économique/libéralisme, alors qu'en vrai, quasiment tout le monde, cherche a devenir le/la nouveau/nouvelle chef/cheffe de tribu, du clan, et du royaume. Ils font preuve de pragmatisme et d'honnêteté face à leur réalité. Cela ne veut pas dire que les occidentaux sont nécessairement supérieurs, mais généralement parlant, leur système crée moins de problème et fonctionne plus efficacement. Au final, l'individualisme triomphe dans un système socio-économique mondialisé qui atomise les individus. Mais les choses changent pour eux, et cela exacerbe nos propres problèmes. '?a c'est le fond du problème.

Le reste, c'est économique, sachant que les changements dans le monde n'ont fait qu'aggraver le fond du problème. La conséquence, c'est encore plus de critères de respectabilité merdiques, et donc, la monté des problèmes sociaux.