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Chroniques
Le Parlement a-t-il raté ses premières épreuves ?
Par Synda Tajine
31/10/2023 | 18:00
3 min
Le Parlement a-t-il raté ses premières épreuves ?

 

Si la nouvelle assemblée a été créée, c’est pour rompre totalement avec la précédente. Celle qui avait donné lieu au « péril imminent » ; celle qui avait tout déclenché ; celle qui avait provoqué un tel chaos qu’elle avait poussé à l’instauration de mesures dites-révolutionnaires, mais qui ont fini (sans surprise) par se révéler despotiques.

Mais cette nouvelle assemblée vaut-elle réellement tout le remue-ménage qui a servi à son installation ? A-t-elle réellement tranché avec sa précédente ?

 

Une des premières épreuves du Parlement actuel est de voter la loi de criminalisation de la normalisation avec l’entité sioniste. Cette loi, maintes fois reportée par l’ancien Parlement, a été remise sur le tapis sur fond de guerre à Gaza. Elle est présentée par le Parlement comme la contribution tunisienne à la résolution du conflit.

Alors qu’elle aurait dû être votée depuis plusieurs jours, son vote en plénière vient à nouveau d’être reporté. Ce report, qui n’est pas le premier, pourrait ne pas être le dernier.

Pour l’instant cette loi suscite moult interrogations. Que vaut-elle ? Fera-t-elle consensus ? Ne pourrait-elle pas s’avérer dangereuse car truffée de pièges ? Des pièges qui pourraient plus être liés à un amateurisme qu’à une mauvaise foi manifeste. Le danger réside dans les sanctions pénales que cette loi prévoit :  de six mois de détention à de la prison à vie. Rien que ça ! Autant dire que cette loi devrait être votée dans la plus grande précaution et loin de tout sentimentalisme. Histoire qu’elle ne devienne pas une arme à double tranchant comme l’a été, avant elle, la loi de lutte contre le terrorisme.

Le fait que cette loi soit votée – si toutefois elle finit par l’être – dans un contexte aussi tendu, pourrait donner lieu à certaines défaillances. C’est d’ailleurs l’avis de l’avocat Ahmed Souab qui a pointé du doigt aujourd’hui « une défaillance au niveau du contenu » et « un aspect politique exagéré ».

Ce nouveau report de la plénière, alors qu’elle avait été annoncée hier via un communiqué de l’ARP, prouve donc un certain amateurisme du Parlement qui aurait pu prévoir le processus par lequel une loi d’une telle importance aurait dû passer.

 

Pour l’instant, c’est Brahim Bouderbela qui décide et il ne fait pas que des heureux. Les voix commencent en effet à s’élever concernant une violation des procédures et une certaine hégémonie dans la prise de décision. Ceci ne vous rappelle rien ? Personne ?  

Le député Bilel El Mechri a dénoncé ce matin la décision de report « prise unilatéralement » par le président de l’ARP Brahim Bouderbala. Il a dénoncé « des violations successives » et « un certain laxisme dans le but de protéger certaines parties » dont les intérêts seraient dérangés par le vote de cette nouvelle loi.

Mais ceci n’est pas la première décision « irresponsable » prise par Bouderbala depuis sa prise de fonction. Rappelez-vous, en août dernier, il avait décidé de radier l’élu du peuple, l’indépendant Sami Ben Abdelaali - poursuivi pour CV falsifié - et de geler son salaire.

Autre décision impopulaire, la prime supplémentaire que les députés se sont auto-octroyés afin de « subvenir à leurs besoins de transport et de logement ». En pleine crise économique, une telle mesure a été largement critiquée, alors que les députés avaient commencé leurs travaux il y a à peine quelques mois. Si cette prime « n’ajoute rien au budget total alloué au parlement », comme a maladroitement essayé de le justifier la députée Fatma Mseddi, la décision passe mal.

Les députés assumaient d’ailleurs tellement peu cette décision qu’ils ont décidé de la placer sous silence et de ne pas communiquer dessus sur la page Facebook du Parlement, là où les citoyens vont habituellement pour suivre les activités parlementaires.

 

L’ancien parlement de Rached Ghannouchi (actuellement en prison) a été dissous en coup de tonnerre afin de permettre l’émergence d’un « nouvel ordre parlementaire ». Pour l’instant, le changement n’est pas perceptible à l’œil nu…

Par Synda Tajine
31/10/2023 | 18:00
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