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Chroniques
Ces milliards que Kaïs Saïed est en train de perdre
Par Nizar Bahloul
16/10/2023 | 15:59
5 min
Ces milliards que Kaïs Saïed est en train de perdre

 

Une nouvelle fois, le président Kaïs Saïed met les riches dans son viseur et tire à bout portant. C’était hier, dimanche 15 octobre, à Bizerte lors de sa visite à un centre hospitalier régional. « Où sont les milliards ? Quand je parle de milliards, ils disent qu’ils sont innocents ! », a accusé le chef de l’État laissant entendre, une énième fois, que la Tunisie est dérobée de ses richesses par les lobbys et une dizaine de personnes.

Quelques minutes auparavant, il montrait sa désolation de la déliquescence du service public (santé, éducation…) alors que le privé continue à bien fonctionner. « Si tu n’as pas d’argent, tu meurs (…) le scanner ne fonctionne pas dans le public, mais il fonctionne bien dans le privé (…) », a déclaré le président.

 

Cela fait quatre ans que Kaïs Saïed est le chef de l’État et cela fait quatre ans qu’il répète les mêmes formules. Des formules identiques à celles de son prédécesseur Moncef Marzouki, soit dit en passant. Il met face à face l’État contre le privé, les riches contre les pauvres, les lobbys contre les délaissés, les patrons contre les intérimaires. Ce discours, populiste à merveille, marche parfaitement auprès de la population. Son plus grand mérite est qu’il dévie les regards des vrais responsables et des vrais coupables. La recette est toute prête et le plat se digère instantanément. Au lieu de s’interroger sur ce qu’a fait le président de la République durant ses quatre ans d’exercice (dont deux de pleins pouvoirs), le peuple regarde vers les nantis et les accuse de tous les maux. Kaïs Saïed se drape de la cape du gentil David face au méchant Goliath. C’est toujours nous les pauvres face à eux les riches. Nous les gentils face à eux les méchants. Nous les travailleurs face à eux les rentiers. Nous, les intègres face à eux, les corrompus. Cette rengaine dure depuis quatre ans et cela fait quatre ans que ça marche. Crédules ? Cela ne fait pas l’ombre d’un doute, car il faut vraiment être crédule pour croire à cette mauvaise chanson pendant quatre ans. Il faut vraiment être crédule pour ne pas s’interroger sur ce qu’a fait le président pendant quatre ans et comment il n’a toujours pas réussi, durant toute cette période, à vaincre tous ces méchants qui appauvrissent la population. Il faut vraiment être crédule pour lui chercher, encore et toujours, des excuses à deux balles.

Il y a onze mois, Kaïs Saïed a créé une commission chargée de restituer les biens dérobés. Il était question qu’elle ramène quelque 13,5 milliards de dinars. Onze mois après, toujours rien.

Plusieurs (dont Business News) ont prévenu, dès le premier jour, que cette commission n’allait rien ramener et que le chiffre est fantasmagorique. À la clé, il y a eu des moqueries et des accusations salissantes. « Vous allez voir ce que vous allez voir », nous promettait-t-on. Onze mois après, on n’a rien vu de cet argent.

En revanche, on est en train de voir des innocents en prison. Certains sont des hommes d’affaires brillants dont le seul tort est d’avoir réussi à gagner plus que les autres. « Ce sont des corrompus, vous défendez les corrompus au détriment du peuple ! », nous répond-on. Je suis bien disposé à vous croire, mais avez-vous l’once d’une preuve qu’ils sont corrompus ? Ne voyez-vous pas qu’ils sont en train de subir du racket d’État, identique à celui observé durant la sinistre troïka ?

La question est balayée d’un revers de la main. Elle ne devrait même pas se poser, Kaïs Saïed étant l’homme le plus intègre de la planète. La crédulité, encore et toujours.

Après quatre ans d’exercice, les yeux des crédules ne sont toujours pas ouverts. Ils font la queue devant les boulangeries et ils accusent les corrompus. Ils ne trouvent pas de café, de sucre et de médicaments et ils accusent les lobbys. Les prix grimpent excessivement et ils accusent les spéculateurs. On reprend systématiquement les formules toutes prêtes servies par le président pour tout expliquer. Pourquoi chercher des réponses compliquées, quand on a devant soi une réponse facile et évidente ? Pourquoi regarder la lune lointaine quand on a un doigt si près ?

Cette chasse aux sorcières a des conséquences dramatiques qui se ressentent déjà. Il suffit juste d’ouvrir les yeux.

Regardez autour de vous combien de boulangeries ont fermé leurs portes depuis que Kaïs Saïed s’est occupé du sujet du pain !

Regardez autour de vous combien d’hommes d’affaires ont stoppé tout investissement et donc toute création d’emploi et de richesses !

Regardez autour de vous combien de médecins, d’enseignants et d’ingénieurs ont quitté le pays vers l’Europe et les pays du Golfe !

Regardez le déficit budgétaire de l’État et les très faibles chiffres du titre II relatif à l’investissement !

Regardez devant les ports combien de bateaux sont en rade en attente d’être payés.

Entrez dans les administrations et regardez les fonctionnaires peinant à trouver du papier, de l’encre, du matériel et des fournitures. Tout l’argent est en train de partir pour les salaires et on laisse très peu de budget pour le fonctionnement et l’entretien. On en est arrivé jusqu’à manquer de passeports !

Regardez combien d’hommes d’affaires sont en prison parce qu’ils ont émis des chèques en bois qui devaient être recouverts par des factures non honorées de l’État.

Regardez comment les réserves des banques ont été asséchées au profit du budget de l’État et au détriment de l’économie.

Regardez cette déliquescence de l’État !

La réponse classique des « eux et nous », « riches et pauvres », « intègres et corrompus » ne peut pas être valable partout tout le temps ! Non, elle ne peut pas ! Non seulement elle est fausse, mais elle est idiote. Elle a beau venir d’un intègre, elle est en train de corrompre les esprits.

En courant derrière des milliards hypothétiques, Kaïs Saïed laisse échapper des milliards réels. La débandade que vivent actuellement nos hommes d’affaires a pour conséquence des milliards de dinars de manque à gagner pour l’État et l’économie tunisienne. Leur frilosité et leur peur empêchent la création d’emplois et la génération de croissance.

En offrant à la population des réponses toutes prêtes et en la victimisant, il l’empêche de regarder la réalité en face et de résoudre le problème à sa racine. Pire, il alourdit la facture des réformes qui, tôt ou tard et inévitablement, seront entreprises.

Par Nizar Bahloul
16/10/2023 | 15:59
5 min
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Commentaires
Lamine
Justice fiscle
a posté le 22-10-2023 à 09:06
Monsieur Bahloul
L'état d'indigence des services publics dont le reflet du sport national de la fraude fiscal. Mis à psrt les salariés.. quasiment tous les autres fraudent en proportion de leur chiffe d'affaires . Donc premier chantier la justice fiscale.
Vous affirmez un peu vite que ceux qui song a l'ombre sont innocents.
Allons , allons vous êtes bien pudique au point de taire les noms ( pas la peine de se faire des ennemis de ces puissants n'est ce pas)
Vous affirmez qu'il n'y a pas de milliards de dinars , vous avez bien raison, ils sont depuis devenus des euros et des appartements à Paris Nice ou localisation plus exotique . Vous affirmez qu'ils ne rendront rien, vous avez raison mais gageons que si ils sont contraints de déclarer et payer précisément leur impôt, l'irm de l'hôpital public de Bizerte sera vite réparé .
Abir
N'est pas tout le peuple aveugle
a posté le 17-10-2023 à 10:58
Ce n'est pas tout le peuple qui veule entendre ce ks raconte ! Seulement 8% et peut être maintenant moins ! Depuis un an beaucoup des choses ont changé et ks a montré ses limites en politique dans tout les domaines sauf en blblabla sans politique, pour faire plaisir à ses : disant 8%
Hassine
Patience
a posté le à 12:23
Et regarder les prochaine élections
N on parlons pas des sondages
Alors inutile de rêver les yeux ouverts comme tant de tun
Jilani
Ce n'est pas que ça marche auprès des tunisiens
a posté le 16-10-2023 à 22:56
La preuve est donnée par le taux de participation dans tous les mnifestes qu'il a entrepris référendum elections idtichara. Seuls 11% des tunisiens y ont participé et ce sont ces 11% qui font du brouhaha. La majorité des tunisiens ne voient aucun changement au contraire une détérioration de leur pouvoir d'achat et un mépris de cette poussée à la haine des riches des fonctionnaires et des secteur privé en général. Les familles poussent leurs enfants à quitter le pays.
Lamjed
Kais Saied le plus intelligent
a posté le 16-10-2023 à 20:59
Kais Saied dit ce que le peuple veut entendre.
Kais Saied est sans doute le plus intelligent de tous les dirigeants qui ont gouverné ce pays parce qu'il est le seul à avoir compris que ce peuple n'est pas intelligent.
Bruno
La verité
a posté le à 22:12
Et toi ,tu es le seul intelligent parmi ce peuple.
Abir
Bien illustré: BN
a posté le 16-10-2023 à 20:15
Il s'en prend aux autres et ne voit pas lui même combien il a gaspillé en milliards et contenu encore pour ses fantasmes politiques personnelle !
DHEJ
ROBOCOP enseignant de droit...
a posté le 16-10-2023 à 18:29
Veut réparer un avion qui transporte 800 passagers...



La Tunisie c'est 10 millions...
Observateur
Question
a posté le 16-10-2023 à 17:29
Y a-t-il des patriotes pour sauver la Tunisie avant qu'elle ne sombre dans la déchéance ?
Hassine
Certainnement
a posté le à 12:26
Mais faut ils il soient capable de ranger dernière eux ces tun ageigles
Rationnel
NB, Orwell et Guito'n
a posté le 16-10-2023 à 16:53
Une bonne illustration de l'article de Nizar est la nouvelle chanson du rappeur Guito'n' (In9ileb ).
Orwell a aussi bien décrit en 1949 la situation de la Tunisie et la guerre interminable de KS contre la corruption.
"La guerre n'est pas censée être gagnée, elle est censée être continue. Une société hiérarchique n'est possible que sur la base de la pauvreté et de l'ignorance...En principe, l'effort de guerre est toujours planifié pour maintenir la société au bord de la famine. La guerre est menée par le groupe dirigeant contre ses propres sujets et son objectif n'est pas la victoire sur l'Eurasie ou l'Asie de l'Est, mais le maintien intact de la structure même de la société." Orwell, 1984.
Le principe est le même on peut remplace Eurasie par un autre ennemi imaginaire.
Contrairement a ce que pense NB, la guerre n'est pas contre les hommes d'affaires mais pour les protéger et protéger l'oligarchie qui domine et qui s'est enrichie encore plus depuis que KS a assumé tous les pouvoirs et la dette s'est aggravée. La liquidation d'une banque importante prouve que KS est un protecteur du statu quo et non quelqu'un qui veut le changer. On ne peut écrire plus pour éviter la censure de BN.