alexametrics
jeudi 02 mai 2024
Heure de Tunis : 18:46
Chroniques
Le gouvernement juillettiste de Bouden ne sera jamais usé par le pouvoir
Par Sofiene Ben Hamida
16/07/2023 | 17:29
4 min
Le gouvernement juillettiste de Bouden ne sera jamais usé par le pouvoir

 

L’ancien ministre, feu Daly Jazy, aimait avec sa lucidité et son calme légendaires, que le pouvoir use. Lui, le grand commis de l’État, le farouche opposant, le défenseur de la démocratie et des droits de l’Homme, le juriste et professeur émérite de droit, savait de quoi il parlait. Il avait choisi de faire l’expérience du pouvoir comme ministre sous le régime de Ben Ali. Cela ne l’a pas empêché de garder l’estime et le respect de tous car qu’il a réussi à garder son identité, continué de défendre courageusement ses idéaux et ses positions envers et contre tous. Foudroyé par la maladie, feu Daly Jazy est parti majestueusement, comme à son habitude, sans que l’exercice du pouvoir, pourtant dans des conditions difficiles et au sein d’un régime autoritaire, n’ait pu l’éclabousser. Paix à son âme.

Feu Daly Jazy était-il un cas à part, une exception ? Assurément pas. La plupart des ministres de Bourguiba étaient des bâtisseurs et de véritables hommes d’État. Nous leur devons beaucoup et la nation leur est reconnaissante. Sous Ben Ali, il y avait aussi quelques ministres respectables, soit parce qu’ils étaient très compétents, même s’ils étaient dociles, ou parce qu’ils avaient le courage de faire face à la gloutonnerie mafieuse de la belle famille du Président. Quelques uns même, n’hésitaient pas lors des réunions du conseil des ministres de prendre à contre-pied «  l’artisan du sept novembre ».

 

Aujourd’hui, en voyant les profils, mais surtout les agissements et les comportements des responsables de l’ère Kaïs Saïed, on deviendrait presque nostalgique des temps anciens. Ces responsables « du 25 juillet » (on est tenté de dire de la 25ème heure) montrent tous les signes extérieurs de la responsabilité, mais n’assument rien puisque tous leurs actes et décisions sont les échos des desiderata de leur Président. Leurs rapports avec lui ne sont pas des rapports de collaboration pour l’intérêt public. Ni le décret 117, ni la constitution de 2022 ne permettent d’ailleurs, ne serait-ce un soupçon d’horizontalité dans les rapports entre le Président et ses collaborateurs. Ce sont des rapports plus proches de la soumission et de la vassalité que de la collaboration pour l’intérêt public.

Il est tout à fait compréhensible que l’exercice du pouvoir exige un minimum de coordination, de cohésion et d’harmonie. Mais cette nécessaire harmonie ne justifie pas la perte de toute identité au sein du groupe dirigeant jusqu’à devenir un rassemblement de clones ; jusqu’à l’effacement et l’assujettissement total. Il est compréhensible aussi que l’attrait du pouvoir soit grand et séduisant. Ceux qui s’y sont essayé le savent. Ils savent aussi, qu’ils sont amenés à faire des concessions pour le garder. Certains se fixent des limites et peuvent jeter l’éponge s’ils estiment qu’ils ont atteint les lignes rouges fixées par la morale et l’éthique. D’autres s’y attachent, s’y cramponnent, obnubilés par ses fards et artifices, jusqu’à s’y égarer, vendre leurs âmes au diable et perdre leur dignité.

 

Le gouvernement de Madame Najla Bouden est la quintessence d’un gouvernement de l’ère Kaïs Saïed. Il symbolise les limites et les affres d’un régime autocratique. En deux ans d’exercice (ce qui lui permet à elle et aux autres membres de son gouvernement de garantir à la fin du mois d’août prochain une retraite dorée de ministre dans un pays sur les rotules), faute d’une autorisation présidentielle, la cheffe de gouvernement n’a accordé aucune interview à un média tunisien pour s’adresser à ses concitoyens tunisiens et les informer de la situation dans le pays. L’indulgence des Tunisiens à son égard s’expliquerait par le fait que même si elle est cheffe de gouvernement, elle ne gouverne rien parce que le pouvoir est ailleurs. D’un autre côté, ils n’ont pas besoin de discours (en ikhchidien ou en francophonie) pour comprendre la situation du pays, puisqu’ils la vivent dans leur chair.

On pourrait disserter longtemps sur l’irresponsabilité des responsables tunisiens sous le régime « juillettiste » quitte à ajouter une pincée de mélancolie à la tristesse de cette période caniculaire : la compétition entre les ministres pour qui portera le plus de plaintes contres les fonctionnaires de leurs départements, les syndicalistes ou même les avocats et les journalistes, la tentative de mainmise d’un ministre sur une voiture de luxe qui lui a tapé dans l’œil, la célérité d’une ministre à mettre en marche la machine judiciaire infernale contre les opposants de son Président ou plus récemment encore, la privation de plus de vingt milles enseignants de leurs salaires dans un conflit syndical par un ministre qui appartient au corps enseignant et qui était de surcroit syndicaliste jusqu’à sa désignation récente au sein du gouvernement.

 

Le pouvoir use certes, mais ne semble avoir aucune incidence sur ce gouvernement « juillettiste ». Dans l’absolu, le pouvoir hisse certains parmi les plus méritants qui l’exercent à bon escient au panthéon des héros de la nation. Il marque d’autres à jamais par le sceau de la honte. A bon entendeur salut !

 

   

A lire également
Par Sofiene Ben Hamida
16/07/2023 | 17:29
4 min
Suivez-nous
Commentaires
Gg
Vous devriez écrire un livre
a posté le 16-07-2023 à 20:31
Ce serait une '?uvre commune, de tous les journalistes du journal.
Vous pourriez lui donner pour titre
" BN
Le Blues Numérique "
.
Allez, mangez un gâteau!
A4
Pour ceux qui aiment jouer aux échecs:
a posté le 16-07-2023 à 19:37
LA DIAGONALE DU FOU
Ecrit par A4 - Tunis, le 16 Juillet 2023

Comme sur un banal échiquier
Où pions, tours et reines se côtoient
Il y a de quoi être inquiet
Quand un fou se prend pour le roi

Un fou instable qui s'agite
Qui s'excite à mort, se déchaîne
Ne connaissant pas de limites
Ne nous épargnant aucune peine

Un fou qui devient fou à lier
Qui se croît au dessus de tout
Pour occuper seul l'échiquier
Et être l'unique manitou

Un fou au regard arrogant
Prisonnier de sa diagonale
Qui voudrait bien en zigzagant
Nous cacher sa haine viscérale

Et le voilà qui se défoule
Qu'il écrase tout sur son chemin
Qu'il entre en transe, qu'il perd la boule
Qu'il s'en prend aux pions blancs et bruns

Et c'est la diagonale du fou
Qui s'allonge et qui s'étire
Sans barrière ni garde-fou
Pour atteindre le délire

C'est une diagonale immense
Qui se fracasse sur les bords
Qui ne connait aucun bon sens
Aucun regret, aucun remords

Une diagonale infernale
Où il n'y a que des cases noires
Où des tactiques prises pour géniales
Nous plongeront dans du brouillard

Mais à la tombée de la nuit
Notre fou se brisera le bec
Et on ne retiendra de lui
Que c'était le roi des échecs !
Zarzoumia
Pardon A4, je n'ai pas le niveau mais je tente qd même.
a posté le à 21:43
On a un fou faisant cavalier seul.
Derrière ses tours, tel un psychopathe.
La reine crie, en préparant son linceul.
Il court toujours, malgré l'échec et mat.
A4
@Zarzoumia
a posté le à 09:10
Bravo et bienvenue au club !
Mais ... même si on a du mal à s'engager,
Même si au début ça ne tourne pas rond
Sachez qu'il faut continuer à forger
Si l'on veut un jour devenir forgeron !
Zarzoumia
C'est le casting
a posté le 16-07-2023 à 19:12
Chevènement disait " un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule ". Avec KS, un ministre ça ferme ça gueule ou il se fait virer. Tout le monde a des enfants à nourrir après le 25 juillet.
Les limites de ses ministre sont le reflet de l'incapacité de KS. Il ne faut pas les accabler, ils ont été choisi sur le critère du bénit oui oui, personne ne doit faire de l'ombre au guide suprême.
MH
Le pouvoir use, c'est certain
a posté le 16-07-2023 à 17:56
Il y en a un seul qu'il sera lessivé, mais à un tel point qu'il y laissera des plumes. Mme Bouden et son équipe resteront à jamais une honte pour ce pays. Vivement la fin de l'histoire.