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Chroniques
UGTT, merci pour ce moment !
Par Marouen Achouri
03/05/2023 | 15:59
4 min
UGTT, merci pour ce moment !

 

C’était le 27 janvier 2023 que l’initiative de sauvetage du pays avait été officiellement lancée sous la houlette de l’UGTT, de l’Ordre des avocats et de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme, bientôt rejoints par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES). Quelques mois plus tard, à l’occasion du 1er mai, le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, l’a définitivement enterrée en annonçant que l’initiative s’appelait désormais « la Tunisie de l’avenir ».

D’une initiative à fort contenu politique ayant l’ambition de rétablir un certain équilibre sur la scène et de forcer le président de la République, Kaïs Saïed, à mettre de l’eau dans son vin et à admettre qu’il ne peut, seul, décider de la destinée de ce pays, nous sommes passés à une initiative mielleuse qui porte un nom similaire à celui de n’importe quelle échoppe politique. L’UGTT a raté le coche et a très mal géré son après-25-Juillet ainsi que cette initiative.

 

La centrale syndicale, qui est la locomotive de cette initiative, a d’abord un problème fondamental : sa position vis-à-vis de ce que l’on appelle processus du 25-Juillet n’est pas claire. Il faut savoir que le syndicat, même au niveau de ses bases, est divisé concernant ce processus, entre ceux qui y voient un coup de force et une dérive hégémonique et ceux qui croient que c’est une opportunité pour le pays. Avec un leadership à la légitimité fragilisée, étant élu après un congrès controversé et sur la base de textes amendés à la va-vite, il n’est pas facile de trancher, avec la rigueur souhaitée, dans une question aussi épineuse que celle-là. Par conséquent, la centrale syndicale s’est contentée d’un mou « nous sommes avec le 25-Juillet, mais… ». D’ailleurs, le syndicat a choisi de ne pas prendre position lors du référendum concernant la constitution, laissant à ses affiliés la liberté de choisir.

 

Aujourd’hui, la volonté semble se diriger vers un contenu bien plus centré sur l’aspect économique et social plutôt que sur l’aspect politique. Non pas que ce soit moins important que le côté politique, mais ce n’était pas l’ambition affichée au départ. Le secrétaire général de l’UGTT s’est même félicité de la concordance de vues entre le chef de l’Etat et la centrale concernant ce qu’ils appellent diktats du Fonds monétaire international. Le rapprochement est donc devenu un fait établi au moins sur cet aspect-là. Par conséquent, le travail effectué depuis trois mois par les organisations nationales impliquées dans cette initiative passe du statut d’effort de la société civile pour rééquilibrer la balance du pays à un simple effort intellectuel qui viendra rejoindre la longue liste des propositions et des initiatives superbement ignorées par le président de la République Kaïs Saïed. A l’image de n’importe quel think tank ou de n’importe quel parti, les auteurs de cette initiative vont présenter un ouvrage comprenant leurs visions à propos de certaines réformes nécessaires à faire sans que cela ne représente aucune espèce de contrainte pour le pouvoir en place. Il y a, en plus, une certaine ironie dans cette histoire du fait que ce sont ces mêmes organisations, l’UGTT à leur tête, qui se plaignent du fait que l’exécutif tunisien les ignore et ne les associe pas au dialogue et à la conception de réformes et de programmes.

 

Rattrapée par la realpolitik et déstabilisée par ses maux internes, l’UGTT n’a pas été à la hauteur de ce qu’elle s’est fixée comme ambition et comme objectif. Les soutiens du président de la République peuvent se féliciter d’avoir mis au pas la centrale syndicale et ont même commencé à donner des recommandations à l’UGTT selon lesquelles l’organisation peut critiquer mais dans le respect des institutions de l’Etat. Selon Samir Cheffi, secrétaire général adjoint de l’UGTT, il faudra encore attendre deux à trois semaines afin que l’initiative soit finalisée dans l’objectif de la présenter au président de la République. Ce dernier avait déclaré le 6 avril dernier que l’espace naturel du dialogue national était l’assemblée des représentants du peuple condamnant, d’ores-et-déjà, cette initiative à une mort certaine. Pourtant, l’annonce de cette initiative à la fin du mois de janvier 2023 avait suscité l’engouement et plusieurs personnalités, organisation et partis avaient manifesté un soutien de principe à cette démarche. Tous ces espoirs semblent aujourd’hui s’éteindre puis la centrale syndicale a fait le choix de préserver un minimum de cohésion interne au lieu d’entre en confrontation avec le pouvoir en place. Comme le disait déjà le philosophe Nicolas Machiavel : « on ne doit jamais laisser se produire un désordre pour éviter une guerre ; car on ne l’évite jamais, on la retarde à son désavantage ». L’UGTT ne pourra que le comprendre à ses dépens car la confrontation sera inévitable lorsqu’il s’agira de mettre en application le plan de réformes objet de l’accord entre le gouvernement tunisien et le FMI. Mais qui sait, peut-être que la centrale syndicale trouvera, finalement, qu’il s’agit d’une bonne idée et qu’elle saluera les efforts du président de la République.

 

Par Marouen Achouri
03/05/2023 | 15:59
4 min
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Commentaires
takilas
De nous avoir dévoilé, pour la énième fois,leur esprit malsain
a posté le 08-05-2023 à 12:10
Et leur banditisme imposé depuis de décennies pour s'enrichir et de penser à leurs intérêts personnelsvet de leurs familles, et surtout de négliger incroyablement et en flagrance certains qu'ils envient et haïssent de par leurs origines ou leurs droitures.
Mozart
Marouen
a posté le 04-05-2023 à 12:36
Désolé, dans mon commentaire ci-dessous, j'ai fait une erreur de frappe sur le prénom de M. Achouri.
Hamrouni
L'art d'attiser le feu !
a posté le 03-05-2023 à 18:43
Agiter toujours cette sacro-sainte liberté de la presse est un argument facile pour asseoir un peu plus le pouvoir qu'elle a , ce pouvoir est souvent utilisé pour nuire à un pouvoir qui tente de lutter contre la corruption , parfois avec des maladresses qui sont largement amplifiées et commentées par ceux craignent de perdre certaines pratiques douteuses.
Ben Hassen Mondher
Quand on perd son âme
a posté le 03-05-2023 à 18:14
Selon moi, L'UGTT de Taboubi et ses acolytes n'a pas su respecter son âme. Elle a dérogé à ses principes. Elle a occulté son passé pour de la sécurité individuelle et pour préserver le pouvoir et les avantages y afférents. De surcroît, elle a eu des exigences contraires à l'intérêt économique du pays. Elle a permis l'insulte et la vindicte de d'élites dont Said Saidi et similaires, elle a cautionné des grèves sauvages ... et voilà qu'elle fait profil bas. Monsieur le Président, vous vous êtes tracé une autoroutes à 4 voix pour une présidence pérenne, même en absence de résultats probants.
Mozart
Marouna Achouri, vous faites référence, avec ce titre, au bouquin de la première épouse de François Hollande, Valérie Trierweiler ?
a posté le 03-05-2023 à 16:56
Retrouvant sa liberté de parole après son divorce d'avec l'ex-président français François Hollande , Valérie Trierweiler avait écrit un livre intitulé "Merci pour ce moment !", une charge contre son ex-époux, qui l'avait trompée.

Peut-être est-ce chez vous, M. Achouri, seulement un effet subliminal de cet ouvrage, toujours est-il qu'en prolongeant la comparaison, on pourrait se dire que, déçu pour votre part par l'UGTT, vous publiez, non pas un livre, mais un papier, également à charge, contre l'organisation syndicale dont on peut dire, en vous lisant, qu'elle vous a trompé !