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Chroniques
La jeune Conect donne des leçons à l’archaïque Utica
Par Marouen Achouri
11/10/2023 | 16:59
4 min
La jeune Conect donne des leçons à l’archaïque Utica

 

La confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect) tiendra son troisième congrès en novembre prochain. Le président de la Conect, Tarek Cherif, devrait passer la main, ayant déjà annoncé qu’il ne briguerait pas un autre mandat. Ce sera vraisemblablement Aslan Berjeb, membre du bureau exécutif, qui lui succèdera dans cette lourde responsabilité, celle de représenter les patrons tunisiens et de défendre les intérêts de l’économie tunisienne.

Cette responsabilité est d’autant plus lourde que l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) l’a presque totalement abandonnée. Hormis le fait d’accompagner certains ministres dans des déplacements internationaux, on ne voit plus l’Utica, ni sur le plan économique, ni sur le plan politique. L’organisation, fondée en 1947, semble crouler sous le poids des années, du conservatisme et même de l’archaïsme et passe actuellement par l’une de ses plus mauvaises périodes. On se rappelle tous des débuts fracassants de l’actuel président de l’Utica, Samir Majoul, quand il avait, de manière théâtrale, brandi un sifflet rouge sur le plateau de Myriam Belkadhi, appelant à ce que l’on siffle la fin de la récréation. Ce temps paraît aujourd’hui bien loin tant l’Utica, particulièrement depuis le putsch du 25-Juillet, fait l’autruche et n’ose pas se prononcer sur les grandes thématiques qui agitent le pays. L’Utica n’a même pas eu le courage de participer à l’initiative boiteuse de l’UGTT et des autres organisations. L’Utica est restée totalement muette devant la diabolisation orchestrée par le président de la République contre les hommes d’affaires, les banques et toute personne riche dans le pays. La centrale patronale n’a cure du chantage et du racket que subissent les hommes d’affaires à travers le mécanisme de la conciliation pénale. Nous ne savons pas quelle est la position de cette organisation par rapport à la politique économique du pays, quelle loi de finances envisager pour 2024, jusqu’à quand les entreprises subiront-elles cette pression fiscale, et des centaines d’autres questions sur lesquelles le capital, comme le dit l’adage, s’est montré vraiment lâche.

Comment expliquer cette léthargie ? Peut-être tout simplement parce que le patron de l’Utica, Samir Majoul, a peur de se retrouver poursuivi en justice si jamais il tenait un discours qui ne plaît pas aux autorités. C’est pour cela qu’il se contente de signer des accords d’augmentation de salaires avec Taboubi et Bouden tout sourire, ou qu’il se montre timidement aux côtés du nouveau chef du gouvernement, Ahmed Hachani, quand ce dernier reçoit le ministre libyen de l’Economie et du Commerce. Il faut rappeler également que la position de Samir Majoul n’est pas des plus confortables vu que de sérieux doutes pèsent actuellement sur sa légitimité à la tête de l’organisation. Le congrès de l’Utica aurait dû se tenir depuis janvier dernier. Beaucoup, parmi les patrons et les chefs d’entreprise, affirment sans sourciller que Samir Majoul occupe le poste de président de l’Utica de manière illégitime. Rares sont ceux qui se souviennent de la dernière réunion du bureau exécutif de la centrale patronale.

De son côté, la toute jeune Conect, fondée en 2011, est parvenue à faire son petit bonhomme de chemin. Nul ne saura dire si cela est principalement dû au talent et à la verve de Tarek Cherif et de ceux qui l’on accompagné dans cette aventure ou si c’est à cause de la faiblesse relative de l’Utica. Mais en tout cas, le résultat est là. La Conect s’est imposée comme une deuxième centrale patronale qui jouit d’une réputation et d’une crédibilité solidement construite. Elle s’est caractérisée par un discours pragmatique et pratique sur les questions économiques loin du show, des idées reçues et des manigances de couloir. L’organisation est également à l’origine de plusieurs projets de loi et a participé à la conception de plusieurs lois de finances, même si les recommandations et les propositions de la Conect n’ont pas toujours été prises en compte. Lorsque les Tunisiens ont commencé à se plaindre des pénuries et du manque de certains produits, ce sont les représentants de la Conect qui sont allés sur les plateaux des médias pour expliquer la situation aux citoyens de manière objective et non politisée, contrairement à d’autres qui se sont échinés à nier l’évidence. Ce sera donc à Aslan Berjeb de continuer le travail, pas facile, de représenter le patronat dont l’image est sérieusement altérée. Sa verve d’avocat ne sera pas de trop dans cette mission surtout si la centrale patronale historique continue dans sa léthargie. Aslan Berjeb a toujours fait preuve de maîtrise dans les dossiers qu’il aborde et s’est toujours montré disponible devant les sollicitations des médias. Espérons qu’il le restera une fois élu président de la confédération. Pour l’instant, il s’agit de l’unique candidature annoncée et il est fort à parier que M. Berjeb remportera les suffrages. Pour sa part, le patron historique et fondateur de la Conect, Tarek Cherif, restera dans le giron de l’organisation soit au niveau du bureau exécutif ou au sein de Conect International.

Entre la Conect et l’Utica, la différence est criante. L’une est flexible, efficace et attachée à l’aspect pratique des choses. L’autre est archaïque, sclérosée et empêtrée dans la politique. A un moment où les hommes d’affaires et les chefs d’entreprise sont vilipendés, y compris par les autorités officielles, à un moment où bien souvent le populisme l’emporte sur la raison, le rôle de la centrale patronale devient primordial pour tenter d’éviter le chaos. Soyons fous, imaginons qu’un jour, le capital en Tunisie ne sera plus aussi lâche.

Par Marouen Achouri
11/10/2023 | 16:59
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