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Chroniques
De la majorité silencieuse à la majorité inerte
Par Marouen Achouri
20/12/2023 | 15:59
4 min
De la majorité silencieuse à la majorité inerte

 

Il semble loin le temps où toute la Tunisie vibrait d’une effervescence politique et sociale importante, où beaucoup cherchaient à s’engager dans le travail partisan ou social, fondaient des associations, participaient à des débats enflammés. Cela fait à peine une dizaine d’années, ce qui est négligeable pour la mémoire d’un peuple, et pourtant cela semble si lointain.

 

C’est à cette époque qu’il y avait eu cette polémique entre ce que l’on avait appelé la majorité silencieuse, accusée d’être embourgeoisée et favorable à un retour de l’ancien régime, et l’autre camp des « vrais » révolutionnaires de la Kasbah 1 et 2 qui nous avaient donné l’Assemblée constituante et qui étaient visités, quotidiennement, par l’enseignant de droit constitutionnel, Kaïs Saïed, qui deviendra bien plus tard président de la République. Il y avait cette opposition entre ceux qui estimaient être les vrais révolutionnaires qui ont milité durant l’ère Ben Ali ou ceux qui disent avoir souffert de la situation sociale et méritent donc réparation d’un côté, et d’autres qui ont profité de certains avantages sous Ben Ali et qui se découvrent une âme de contestataire du dimanche. Quoi que l’on puisse penser de la polémique de l’époque, il est indéniable que la société tunisienne vivait au rythme de la politique et nombreux étaient ceux qui voulaient mettre la main à la pâte. En fait, il existait, à ce moment-là, un rêve pour une Tunisie meilleure avec la volonté d’agir pour y arriver. Chacun de son propre point de vue, évidemment, mais il y avait cette volonté, ce mouvement perpétuel. Il y avait des meetings, des rencontres, des manifestations culturelles un peu partout, des conférences, des réunions…ça bougeait dans tous les sens. Parfois, c’était plus de la gesticulation que de l’action.

Dix ans plus tard, il ne reste plus rien de tout cela. Aujourd’hui, nous sommes face à une majorité inerte, qui ne s’occupe plus de la chose publique et qui ne fait que subir ce qu’on lui inflige. Il y a dix ans, personne presque n’aurait pu imaginer que les Tunisiens seraient face à un endettement record, à des pénuries de produits de base, à des milliers de Tunisiens qui tentent chaque jour de quitter le pays par le plus dangereux des moyens. La majorité des Tunisiens a perdu la flamme comme en témoigne le taux de participation ridicule des dernières élections législatives. Rares sont ceux qui croient encore à l’action commune et au pouvoir de la conviction. Nous sommes témoins, depuis des mois, de la désertification de la scène politique et civile tunisienne. Des militants de différentes causes ont abandonné le terrain pour se consacrer à leurs propres vies, comme s’ils regrettaient tout ce temps perdu au profit de la chose publique sur le compte de leurs familles et de leurs enfants. Les militants politiques, quant à eux, par peur des représailles du pouvoir ou par résignation, ont délaissé le champ politique et estiment que le populisme règne en maître incontestable et que ce n’est pas un climat propice pour faire de la politique. Plusieurs d’entre eux, qui formaient l’arrière garde de plusieurs partis politiques de la place, ont carrément quitté la Tunisie et se sont installés ailleurs, comme c’est le cas de milliers de nos compétences dans divers domaines. C’est non sans une douleur certaine que tout ce beau monde s’est retiré en silence de l’action partisane, de la société civile et des associations.

 

Aujourd’hui, la majorité inerte se laisse guider par l’illusion du chef suprême et se fait entretenir dans ce qu’elle souhaite entendre comme théories du complot. Les instincts les plus vils de cette majorité sont nourris d’arrestations retentissantes et de cette bonne vieille haine du riche. Son égo est conforté par des discours officiels flattant sa grande sagesse et sa capacité à « éblouir le monde ». En même temps, c’est cette majorité inerte qui fait la queue pour le pain, le sucre, le riz, la farine ou encore le café. C’est cette même majorité inerte qui voit son pouvoir d’achat fondre comme neige au soleil. C’est cette même majorité qui voit son espace de libertés individuelles et collectives se réduire jour après jour. Mais tout cela ne suscite en elle aucune réaction digne de ce nom, aucune indignation. Elle n’est pas inerte pour rien…

A un certain moment, pendant quelques mois après la révolution, nous avions cru qu’il était possible de construire une Tunisie meilleure où tout le monde trouverait sa place. Mais très vite, nous nous sommes plongés dans des polémiques stériles autour de l’identité et de l’islam, ensuite entre l’ancien régime et les révolutionnaires etc. Malgré tout, il y avait une vie politique dans le pays même si elle était faite de tiraillements et de petits arrangements. Aujourd’hui, nous avons l’impression d’être figés, impassibles et impuissants devant une dégringolade qui parait inexorable. Rares sont ceux qui croient encore à une solution collective, qui croient encore à un avenir meilleur pour ce pays. La majorité a, en fait baissé les bras, et chacun cherche à s’en sortir individuellement.

Par Marouen Achouri
20/12/2023 | 15:59
4 min
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Commentaires
Scribe TN
Majorité inexistante
a posté le 21-12-2023 à 13:03
Tant qu'on ne peut pas, nous tunisiens, travailler ensemble et coopérer avec comme objectif premier, l'équipe et pas l'individu, on n'avancera pas.. ne serait ce d'un iota ! L'organisation est l'outil le plus performant que le genre humain ait créé. Nous sommes encore coincés dans ces réflexions primitives qui sont l'arrivisme, l'égoïsme et le chacun pour soi ! Tant que ces mêmes valeurs moches nous guident dans notre quotidien, on restera petit, avec une majorité inexistante !
Tunisino
A quand?!
a posté le 21-12-2023 à 11:58
A quand les tunisiens croient-ils dans une république culturelle où les discussions sont autour des idéologies et non autour du progrès, autour de la philosophie et non autour des sciences, où les élites sont des littéraires et non des scientifiques? 67 années de républiques culturelles, celle du patriote littéraire Bourguiba par ses deux phases, ensuite celle du traitre littéraire Ghannouchi par ses deux phases, sans que le pays se mette sur les rails du progrès durable! Le progrès n'a pas d'idéologie, il est purement scientifique, des objectifs caractérisés par des indicateurs et des méthodes pour atteindre les objectifs. Le progrès n'est pas littéraire, il demande des calculs complexes et précis pour répondre aux indicateurs, afin de servir le présent et le futur des tunisiens, en exploitant leur culture comme moteur de développement et non comme sujet de divergences ou de blocages. C'est maintenant que la Tunisie peut prendre les bons rails pour vivre et se développer, en apprenant du passé et en utilisant les vielles bonnes compétences, puisque la machine éducative ne produit actuellement que des catastrophes, suite à la planification anarchique qui ne tient compte en aucun cas du futur.
Bacchus
Questions cherchent réponses.
a posté le 21-12-2023 à 11:22
Monsieur, relisez votre article à tête reposée et posez-vous cette question : Y-a-t-il, une probabilité, si minime soit-elle que c'était un complot ayant pour but que la Tunisie soit dans la situation où elle se trouve aujourd'hui ? Qui étaient les bailleurs de fonds des partis et associations ? Ne sont-ils pas les mêmes qui fournissent des bombes et des munitions à l'armée israélienne et dont des soldats combattent aux cotés des sionistes ? La majorité silencieuse était la majorité laborieuse productive et elle a toujours était politiquement inerte, elle travaillait en cours de semaine, une partie d'entre elle va le vendredi à la mosquée, une autre aux bars le samedi et le dimanche on regarde un match de foot, soit à la tv soit au stade. Ne pensez-vous pas, que la majorité silencieuse est restée muette au lendemain du 14 janvier 2011 malgré elle, car tout était tracé d'avance et la minorité pathogène était hyper-médiatisée ? Le 15 janvier on intronisa le second personnage du régime comme Président, sous prétexte pour qu'il n'y ait pas un vide. Ne pensez-vous pas qu'on aurait pu faire des élections présidentielles dans les 90 jours ? Ne pensez-vous pas que dans ce cas le président de la république aurait eu pour nom ou Ahmed Mestiri ou Mustapha Ben Jaafar ou NéjIb Chebbi et un amendement de la Constitution aurait été suffisant ? A-t-on eu peur du verdict des urnes ? En 2014, si BCE aurait choisi le poste de chef de gouvernement et non le prestige du palais de Carthage ou s'il aurait utilisé l'article 80 contre Chahed les choses auraient-elles été différentes ?
Welles
Islam et petits arrangements
a posté le 21-12-2023 à 10:25
Monsieur Achouri, comment pouvez vous écrire que le débat sur l'islam et les petits arrangements entre amis sont négligeable? le débat sur la place de l'slam et sa tendance totalitaire au sens où il veut s'immiscer dans la vie sociale et politique des citoyens est un danger permanent pour la démocratie naissante, par ailleurs les arrangements entre amis sur le dos des principes politiques et du vote des citoyens est l'exact contraire d'une démocratie représentative. Non monsieur Achouri ne jouons pas les principes du régime démocratique sinon c'est l'anarchie qui guette ce peuple.
Gg
Inertie ?
a posté le 21-12-2023 à 07:35
Ce que vous décrivez est le fonctionnement naturel de la pyramide de Maslow.
Vous constatez la disparition des niveaux les plus élevés. En fait la population est concentrée sur les niveaux les plus bas.
Bref...
J.trad
Le moment est plus-que opportun pour renouveler
a posté le 20-12-2023 à 22:24
Le conseil ,je nuance le conseil ,par une proposition précise (Israël doit se convertir en musèe ) et laisser tomber l'obsession de bâtir un état ,l'option de musée est prestigieuse ,
J.trad
Il y a quelques décennies ,j'ai écris un conseil à Israël (
a posté le 20-12-2023 à 22:15
( tu as eu ta parcelle / pour construire ta chapelle /et tenir un chapelet /réciter ton passé /....)c'était juste lorsque l'URSS s'est écroulé ,et que israël avait besoin de renflouer le nombre de ses citoyens ,avait lancé des appels pour stimuler les juifs russes à venir en israël .
J.trad
Si cette idée soit scandée par les millions de manifestants contre
a posté le 20-12-2023 à 22:06
Le génocide israélien , la paix régnera ,les Israéliens qui savent gérer l'argent trouveront de quoi se remplir les poches et les ventres ,
J.trad
(noun wal...)
a posté le 20-12-2023 à 22:01
( noun ...) Yastouroun... Le geste sacré pour combattre l'inertie ,,une simple phrase peut stopper Israël ,cette phrase représente une thèse , Israël doit devenir un musée ,et non un etat .point barre .
Tunisino
D'une majorité à une autre
a posté le 20-12-2023 à 19:09
De la majorité silencieuse à la majorité inerte, à un soulèvement pour contester la gestion chaotique du pays, c'est ainsi que les choses marchent, sauf que les littéraires et les illettrés sont incapables de se projeter dans le futur! Devant la cherté et le chômage quelque chose doit passer, tout comme le 14/01/2011. Serons-nous de nouveau face au traitre Ghannouchi dans une tentative de récupérer sa légitimité perdue, c'est certainement un scenario catastrophique que Saied est totalement responsable!
DHEJ
Pour argumenter davantage...
a posté le 20-12-2023 à 18:46
L'administration est inerte est pour cause l'article 96 du code pénal...


Alors ROBOCOP a réuni ses lieutenants pour étudier l'amendement possible dudit article pour débloquer L'administration.
DHEJ
Aucun mot sur le modérateur de l'ordre public!
a posté le 20-12-2023 à 17:13
Le code pénal!


Anir MOUSSI a continué à lutter mais voilà que l'article 72 du code pénal lui tombe sur la tête.


Il n'y a pas de représailles du pouvoir mais l'application stricte de la loi qii règne la peur...


ROBOCOP est le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire ET LE PEUPLE!


A4
Comme promis ...
a posté le 20-12-2023 à 16:24
PROMESSE
Ecrit par A4 - Tunis, le 15 Novembre 2022

Promis, juré, craché
Je ne dirai plus rien
Je reste bien caché
Loin de ces batraciens

Juré, craché, promis
Je vais me la fermer
Je ferai la momie
Raide et chloroformée

Craché, promis, juré
Je serai sourd-muet
m'autocensurerai
Face à ces englués

Car il est infécond
De dire et déclarer
Ou traiter de faucons
Ceux qui le sont en vrai