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Chroniques
Comptons sur nous-mêmes…mais pas trop !
Par Marouen Achouri
25/10/2023 | 15:59
4 min
Comptons sur nous-mêmes…mais pas trop !

 

L’actualité dramatique qui nous parvient de Gaza nous a fait oublier, en partie, notre actualité nationale. En cette fin d’année, les débats tournaient habituellement autour de la loi de finances de l’année prochaine pour tenter de déterminer à quelle sauce nous allons être mangés. La loi de finances proposée par le gouvernement pour l’année 2024 est dans la même lignée que les précédentes, même si elle prétend se placer sous le thème politique brandi par le président de la République : nous devons compter sur nos propres moyens.

En attendant de réactiver la production des phosphates ou de –soyons fous- penser à un nouveau modèle de développement efficace et inclusif, c’est dans les poches des citoyens que l’État ira chercher ces fameux « moyens ». Plusieurs professionnels, comme ceux du tourisme, des cafés, des bars et cabarets ou encore les fabricants de fromage et de dérivés laitiers seront amenés à mettre la main à la poche pour participer au financement de la compensation. Pour l’État, il n’est plus question de repenser la distribution de cette compensation et de faire en sorte qu’elle soit plus équitable, argument brandi avec force il y a tout juste un an.

Aujourd’hui, la priorité est d’imposer de nouvelles taxes pour rassembler cet argent, quitte à ce que les consommateurs de ces denrées et services en payent le prix. L’on pourrait penser qu’il s’agit là d’un sacrifice ponctuel qui nous aiderait à nous émanciper du grand méchant FMI qui ne souhaite que nous imposer ses diktats. Toutefois, il est important de rappeler que ce même État nous avait assuré que le programme présenté au FMI était 100% tunisien et qu’il était le fruit du travail acharné de centaines d’experts tunisiens. Certains ministres s’offusquaient même du fait que l’on suggère que le FMI ait imposé certaines mesures.

Le 15 octobre passé, l’accord avec le FMI au niveau des experts aura fêté un an d’existence et le président tunisien ne parle que de diktats et d’impérialisme financier. Le seul à rester droit dans ses bottes sur la question est Samir Saïed, ministre de l’Économie et de la Planification. Il finira par le payer en se faisant limoger.

L’ordre intimé par Kaïs Saïed de compter sur nous-mêmes en matière financière et économique prend un autre coup lorsqu’on constate que la loi de finances 2024 prévoit d’acquérir un financement étranger de l’ordre de 16,4 milliards de dinars, une somme jamais atteinte ! Pour rappel, l’année dernière, l’État comptait encore sur un financement venant du FMI. Il aura fini par remplacer la première tranche de l’accord avec le Fonds par un prêt de l’Afreximbank à plus de 10% de taux d’intérêt, une première en Tunisie.

Pour 2024, le ministère des Finances n’a pas mis comme hypothèse le fait d’obtenir un accord avec l’institution de Bretton Woods. Toutefois, il ne suffit pas de vouloir pour combler les déficits. L’État prévoit tranquillement un financement extérieur dont il ne connait pas, lui-même, l’origine. Sachant que le même État n’a pas réussi, ni en 2022 ni en 2023, à atteindre ses objectifs de financement extérieur. La priorité est donc donnée au financement intérieur qui atteint des proportions gigantesques.

On dépeint comme une réussite le fait que l’État siphonne les fonds des banques privées tout en leur jetant la pierre. En recevant son chef du gouvernement le 23 octobre 2023, Kaïs Saïed a évoqué le rôle des institutions financières et leur « contribution au soutien des efforts de la nation pour faire face aux défis. La préservation de l'indépendance de la prise de décision nationale, sans soumission aux diktats extérieurs, doit être un objectif commun ». Il serait donc du devoir des banques de la place de financer l’État tunisien dans une espèce d’injonction messianique dénuée de sens. Les banquiers devront redoubler d’imagination pour présenter cela à leurs actionnaires. L’avantage avec les slogans imposés à l’économie c’est que cela occulte les conséquences d’une telle politique. Plus de place pour parler d’effet d’éviction ou autres. Notons, en passant, que l’État emprunte à tout va sans présenter de garantie, chose que Kaïs Saïed reprochait aux dirigeants de la BNA lors de sa fameuse visite. Pour faire que les méchantes banques fassent amende honorable, on leur imposé une nouvelle taxe sur les revenus imposables de 4%, en guise de contribution exceptionnelle...

La philosophie de ce projet de loi de finances 2024 n’a donc pas changé : l’État accumule ce qu’il lui faut comme argent pour financer un budget expansionniste, et les autres –entreprises, institutions financières, citoyens, etc- n’ont qu’à se débrouiller. Pour créer de la richesse et pour libérer les potentiels qui existent en Tunisie, il ne faut pas chercher des mesures dans cette LF 2024. On y invoque cette vieille mesure d’exonération d’imports et taxes pendant quatre ans pour les entreprises nouvellement créées, mais on fait mine d’ignorer le fait que le problème réside dans le climat d’investissement.

C’est une année difficile sur les plans financier et budgétaire qui s’annonce en 2024. Nous l’abordons la fleur au fusil avec un slogan vide de substance pour l’instant : comptons sur nous-mêmes.

Par Marouen Achouri
25/10/2023 | 15:59
4 min
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Commentaires
hourcq
Comme dirait Salvador Dali
a posté le 26-10-2023 à 16:52
"Je ne comprends rien aux mathématiques mais je leur fais confiance".Idem pour la finance. Si les institutions financières prêtent à des pays , les taux d' intérêt varient en fonction de leur note souveraine c'est à dire de leur solvabilité.Ainsi la France emprunte à des taux supérieurs à l'Allemagne. Connaissez-vous un seul organisme financier qui prête à fonds perdus aux particuliers comme aux '?tats?
Comme le souligne bien Marouen Achouri c'est par la création de richesses, un environnement attractif pour les investisseurs, une gestion rigoureuse des dépenses publiques, un système éducatif performant, de bonnes relations internationales etc...qu' un pays peut se développer sans négliger les catégories les plus défavorisées qui méritent la plus grande attention.
Ce n'est pas la faute du FMI si la Tunisie n'a pas suivi ce chemin depuis la fameuse "révolution " de 2010.
Que certains se bercent d'illusions en pensant que d' autres institutions, chinoises par exemple, prêteraient à de meilleurs taux, je demande à voir.
Karl Marx parlait de la "loi d'airain" du marché. La finance n'est pas en reste.
Rationnel
Les prêts du FMI ne sont pas gratuits
a posté le 26-10-2023 à 12:38
"un prêt de l'Afreximbank à plus de 10% de taux d'intérêt, une première en Tunisie."
Le FMI prête a un taux qui est base sur les principaux taux d'intérêt au monde, le taux dominant est celui de la Fed américaine, c-a-d, 5%. Pour un pays comme la Tunisie qui s'est trop endette auprès de cet organisme le FMI impose une sur-charge de 3% et d'autres pénalités. Donc les prêts du FMI sont au moins de 8%. Ce n'est pas trop loin des taux de Afreximbank. Les banques chinoises (EximBank et CDB) prêtent a un taux = Libor qui est de 5,4%.

Les prêts du FMI viennent avec des conditions qui ruinent les économies. Ces conditions sont basées sur le Consensus de Washington: privatisation, libéralisation, libre échange, austérité..., ces conditions mènent a la de-industrialisation, l'appauvrissement, et l'émergence d'une oligarchie qui contrôle l'économie et qui est facilement manipulable par les puissances, ce qui s'est passe en Argentine, Egypte..., et en Tunisie.

Dans le cas de la Tunisie, le FMI a imposé la dévaluation du dinar et l'indépendance de la BCT. La BCT est maintenant sous la tutelle des banques privées. Les décisions de cet organisme comme un taux d'intérêt plus élevé que nécessaire, 8% au lieu de 3% comme au Maroc, la dévaluation du dinar, le blocage de création de nouvelles institutions financières...ont aggrave la crise de la dette et prolongé la stagnation et a enrichit les banques.

La dévaluation du dinar a augmenté la valeur relative de la dette étrangère en dinars tunisiens. Un dollar rapportait 1,30 dinar en 2010 et 3,19 en Octobre, 2023, donc une dette de 30 milliards de dollars correspond a 39 milliards de dinars de 2010 et 95,7 milliards de dinars de 2023. Avec un PIB de 100 milliards de dinars, le taux de la dette au PIB est seulement de 39% en dinars de 2010 mais devient 95,7% en dans de 2023, donc la BCT a rendu la dette insoutenable et le pays perd sa souveraineté et doit obéir aux diktats pour pouvoir rembourser cette dette. Sans les paiements du principal de la dette et les intérêts le budget serait en équilibre.
Fares
Déshabiller Béchir pour habiller Brahim
a posté le 25-10-2023 à 18:10
'?a fait un an que Saïed nous chante le refrain "nous allons compter sur nous mêmes". Qu' a-t-il fait pour implémenter cette idée depuis? Absolument rien, mais RIEN. Il mendie des fois et il maudit d'autres. Il maudit ses potentiels bailleurs de fonds. Le "comptons sur nous mêmes" nécessite une planification qui s'étale sur cinq ans au bas mot, et des réserves pour que le pays et son pauvre peuple puissent survivre pendant tout ce temps d'implémentation.

Le "comptons sur nous mêmes" est plus un message subliminal adressé à la populace dont l'interprétation est la suivante: "attendez vous à plus de pénuries, vous devez vous serrer la ceinture et vous habituer à avoir faim".

Entre temps, des députés élus grâce à quelques dizaines de voix s'octroient une prime de 1000 DT par mois et la présidence continue son train de vie luxueux, une austérité sélective signe d'un régime corrompu et complètement déconnecté de la population.

Kais Saïed vole ou déshabille le pauvre citoyen Béchir pour habiller le l**s Brahim (Bouderbala), robbing Peter to pay Paul.
welles
la philosophie
a posté le 25-10-2023 à 16:40
De grâce, un projet de loi n'a rien avoir avec la philosophie; ne mélangez pas tout. Usez du terme esprit, par exemple, et laissez la philosophie aux philosophes.