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Chroniques
La séparation entre la politique et la prédication ou la vraie fausse mutation d'Ennahdha
15/05/2016 | 16:14
3 min

Le dixième congrès du parti Ennahdha  se tiendra à la fin de la semaine prochaine ce qui constitue un événement politique important compte tenu de l’importance, du poids et du rôle du mouvement islamiste sur la scène politique nationale. Ce poids est la conséquence d’un effort constant d’organisation entrepris par le mouvement islamiste depuis des années et qui n’a jamais fléchi. Il est surtout la conséquence de l’éparpillement des autres composantes modernistes de la société et de l’implosion de certaines autres, ce qui a laissé le champ libre à Ennahdha pour occuper de larges pans de l’espace public.

 

D’ores et déjà, on connait certaines décisions majeures qui résulteront de ce congrès, notamment la décision de séparer l’action politique de l’action de prédication. Certains diront que c’est là une décision historique qui aura un impact sur l’évolution future du mouvement islamiste et du pays en général. Assurément. Le mouvement islamiste tunisien a toujours maintenu ce système de vases communicants entre la politique et la prédication, le discours politique et le discours religieux, le temporel et l’intemporel. Durant des décennies, il a investi les milliers de lieux de cultes pour disséminer son discours et maintenir ses liens et les raffermir avec ses adeptes et ses militants. Accepter cette séparation entre le politique et la prédication aujourd’hui signifie en principe que les islamistes acceptent enfin d’être uniquement un parti politique et non un parti politique détenteur de l’identité islamiste du pays. Cela signifie que le parti Ennahdha va enfin respecter le principe de la neutralité des lieux de culte.

 

Deux questions se posent toutefois. La première concerne la capacité réelle du président d’Ennahdha, à contenir les oppositions à une telle mutation. Quand on entend certains dirigeants de premier plan dans le mouvement islamiste, à l’instar du vice-président Abdelfettah Mourou, on est prêt à parier que la partie ne sera pas facile pour Rached Ghannouchi. Mais même si cette résolution de séparation entre la politique et la prédication est adoptée par le prochain congrès, cela fera t-il d’Ennahdha, définitivement et d’une manière irrévocable, un parti civil, moderne et républicain ?

 

Rien n’est moins sûr malheureusement. Cette annonce politique pourrait en effet masquer une stratégie d’islamisation de la société qui a, peut-être, changé d’outils sans jamais changer d’objectif. En nous penchant de prés sur la motion économique et sociale qui sera présentée au congrès, on s’aperçoit de la réintroduction de deux nouveaux concepts religieux, censés selon Ennahdha, améliorer la situation économique et sociale du pays et des citoyens. Il s’agit en premier lieu du waqf, ce legs intemporel qui n’a historiquement eu aucun impact économique positif et qui a été à la source d’un problème foncier insurmontable parfois jusqu’aujourd’hui. L’Etat tunisien moderne n’a pu, à l’aube de l’indépendance, réorganiser l’économie du pays qu’après abrogation du système du waqf, archaïque et improductif. Réintroduire ce concept comme outil de renouveau économique et social est démagogique et erroné. Il montre surtout qu’Ennahdha est toujours arrimée idéologiquement dans la mouvance de l’islam politique qui a pour seul objectif l’islamisation de la société et l’instauration d’un système politique, économique et social islamisé.

 

Le second concept religieux réintroduit par Ennahdha dans sa motion économique est sociale est celui du fonds du zakat. Jusque là, les croyants payaient le zakat d’une manière individuelle et anonyme. Créer ce fonds pourrait conduire à contrôler les croyants, leur mettre la pression et encourager une piété forcée notamment dans les rangs des agriculteurs, des commerçants et des  petits industriels.

 

Déjà, Ennahdha et ses alliés d’hier et d’aujourd’hui ont réussi à introduire dans notre système financier le concept des finances islamiques qui,  quoi qu’on dise,  est un produit financer qui revient plus cher pour les usagers que les autres produits  « mécréants ». Mais le plus important dans cette question n’est pas tant l’efficacité et l’efficience économique d’un tel ou autre concept, que la référence idéologique qui l’accompagne.

15/05/2016 | 16:14
3 min
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Commentaires (34)

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pit
| 23-05-2016 15:25
...c'est exactement comme la valse des étiquettes de nos bouteilles de vin, elles changent périodiquement, elles sont de plus en plus jolies...mais le breuvage est toujours une infâme piquette!

Bechir Toukabri
| 22-05-2016 12:59
Monsieur Soufiane
Vous décortiquez bien le machiavelisme d'Ennahdha. Mais il est dommage que la majorité des médias ne font pas comme vous. Et ilest dommage que vous évoquer à peine un problème trés important: celui du volet économique.Malheureusement Ennahdha le reduit aux 2leurres de la finance islamique et au fond de la Zakat.Comme tous les autres partis politiques, Ennahdha n'a aucun projet économique de rechange, parce qu'a l'époque de l'apparition de l'Islam, il n'y avait que le commerce, et le système capitaliste n'existait même pas.Ennahdha va pouvoir embobiner encore avec les notions de "Hallal"et de "Haram" jusqu'au jour ou tout le pays appartiendra aux sociétés financières internationales et aux puissances occidentales? Tous les bons croyants musulmans pourront prier nuit et jour pour invoquer l'intervention de Dieu, qui n'a d'ailleurs jamais réagis nulle part aux appels déséspérés de ses adorateurs

kameleon78
| 20-05-2016 22:54
Ce que vous écrivez dans votre article c'est ce que je répète depuis 2011 c'est à dire l'année où j'ai commencé à commenter sur Business News. Le but de Nahda et de Ghannouchi c'est d'islamiser la société tunisienne, la wahabiser pas par le "haut' (politique) mais par le "bas" c'est à dire la société civile, relisez mes commentaires depuis le début et vous verrez que j'avais raison, pourtant je n'ai pas mis les pieds en Tunisie depuis des années et je connais par coeur la pensée "islamiste" de Ghannouchi, le but final est d'islamiser le pays. Vous avez parfaitement raison Monsieur Ben Hamida. Tout ce qui entoure ce Congrès et les déclarations sont de la poudre aux yeux, Ghannouchi veut tromper le peuple avec sa pseudo-modernité, tout ça n'est que du vent, le Cheikh vous prépare l'enfer, préparez-vous.

Electeur
| 20-05-2016 14:39
Et pourquoi devrait elle changer? tout simplement parceque la minorite qui a instaure la tyrannie depuis l independance au nom d une modernitee pervertie et faussee l exige?
Ce sont les electeurs qui decideront des orientations d Ennahda et de son avenir. Les eradicteurs maladifs de tout ce qui est Islam au sein des elites francisees et deracinees de la culture de leur peuple ne seront jamais satisfaits que si Ennahda disparait pour toujours.un article pathetique.....

HK
| 19-05-2016 20:35
@Sofiene Ben Hamida, Vous allez encore écrire et réécrire, parler et reparler, analyser et réanalyser j'ai l'impression ... pas de changement en vue sur le contenu ... le monde continuera pouratnt à changer ...

Tounes hobbi
| 17-05-2016 21:28
Séparation entre politique et prédiction ? ? ? Il faut séparation entre politique et religion ! Ce n'est que de la poudre aux yeux ! Une trou vaille nahdhaoui pour jouer avec les mots

canalou
| 16-05-2016 15:32
rien qu a voir le nombre de sans domicile et les mendiants on peut se poser la question ou sont les musulmans dans ce pays? des salaries payent l impot mais les fonctions liberales et les ariculteurs fuient .cet acte citoyen doit etre respecte autant que la zakat qui risque de financer le terrorisme en cas de non controle et qui va gerer ? un bon musulman doit aider directement les pauvres sans tralala politique pendant les fetes et les epreuves de la vie en fonction de ses moyens

xm
| 16-05-2016 14:56
Ennahda chantent,parlotte,crie haut et fort,tape sur les tambours,manifeste,, flatte ses ennimis avant ses amis,vend,achète,offre des pardons à ce qui mérite et ce qui ne mérite pas,elle fera tout ce qui est possible et impossible pour arriver à son but:(tremper les électeurs)mais vous pouvez être sûr qu'elle ne changerai jamais parce que les bases d'Ennahda ce sont eux le moteur de tout les décisions radicaux et à la tête leur chef Gannouchi mais lui et connu par son double langage qui trompe pas mal de monde malheureusement!.

Bibou
| 16-05-2016 13:57
Il faut bien lire les fables de la Fontaine et se rappeler de la periode de la troïka pour croire au congrès des Frères qui va accoucher une séparation politique prédication . Tout est piège.

La NAHdA embellit l'emballage mais garde toujours le produit périmé .
vigilance .


Mr Chatti
| 16-05-2016 12:08
En séparant l'action politique de l'action de prédication, ce parti prend les devants par rapport à certains autres. Une telle structuration ne peut qu'être salué. Or nous apercevons que les attaques fusent déjà de toute part. Le terme "mutation" utilisé en dit long sur l'inquiétude des tunisiens vis à vis de ce parti. Il me semble que ce terme a été utilisé pour donner une image du monstre de Frankenstein à ce parti. Ce qui se passe au sein d'Ennahdha n'est autre qu'un passage à la démocratisation, et ceci n'a rien d'effrayant, bien au contraire. Le wakf et le zakkat font parti de notre culture arabo-musulmane. Je ne vois pas pourquoi sous-estimer ces 2 idées. Comme tout parti politique il peut proposer des idées, et débattre de ça au sein de l'ANC. N'oublions pas que nous vivons depuis 5 ans en démocratie, et qu'il faut savoir accepter une idée différente de la notre.