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Chroniques
Panama Papers et révision de la Constitution, il fallait tenir le taureau par les cornes
10/04/2016 | 17:47
3 min

 

Deux grands dossiers ont accaparé l’attention au cours de cette semaine : l’affaire Panama Papers et la question des prérogatives présidentielles. Ces deux dossiers sont certes importants et méritent amplement d’être au centre du débat public. Seulement, la manière avec laquelle ils ont été traités a été, comme souvent, superficielle, escamotant l’essentiel pour ne retenir que les aspects volatiles et le caractère « faits divers » de ces questions. Cette légèreté de traitement de ces dossiers a été renforcée par l’engouement, presque malsain, des acteurs politiques pour le règlement de comptes, et le tir dans les pattes des uns les autres.

 

L’affaire Panama Papers a été accueillie avec beaucoup de questions et de suspicion dans le monde,pour diverses raisons. Mais il est évident que les informations fuitées dans le cadre de cette enquête ont été prises avec beaucoup de sérieux à tel point que le chef du gouvernement islandais a été contraint de démissionner, alors que son homologue britannique a été obligé d’avouer que ses agissements n’étaient pas moralement et politiquement corrects.

 

En Tunisie, on aurait pu fructifier, cette affaire  pour ouvrir courageusement le dossier de la corruption, de l’argent sale et des rapports ténébreux entre l’argent et la politique. Au lieu de cela, on s’est contenté de descendre Mohsen Marzouk et d’exiger des commissions d’enquêtes, dans le seul but de le mettre en difficulté. Les feuilles du Panama sont certes importantes et pourraient mettre un frein à la carrière de Mohsen Marzouk s’il s’avère impliqué dans une opération de fraude ou même s’il s’avère avoir menti. Mais ce dernier ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt de la fraude et de la corruption qui encercle notre système politique et économique et qui asphyxie notre démocratie naissante. Les Panama Papers ne sont pas plus graves que les « bananas papers » bien de chez nous, qui font de notre pays un réel paradis pour les aventuriers et les fraudeurs de toutes sortes. Au lieu d’exiger une nouvelle commission d’enquête, il aurait fallu avant, réclamer les résultats des multiples commissions d’enquêtes précédentes qui n’ont jamais été rendus publics, encourageant ainsi les dérapages mafieux et renforçant le sentiment d’impunité chez les malfrats en col blanc.

 

L’autre affaire qui a retenu l’attention ces derniers jours concerne le souhait de certains députés nidaistes de doter le président de la République de prérogatives plus larges. Ce souhait nécessite l’amendement de la Constitution, sinon l’amendement de la loi sur les prérogatives du chef du gouvernement et du président de la République. Au centre de ce débat, la volonté de donner au président une plus grande liberté de désigner les hauts responsables du ministère de l’Intérieur.

 

Que ces députés, comme beaucoup de Tunisiens, ne soient pas satisfaits du rendement du gouvernement, qu’ils soient suspicieux à l’égard des responsables sécuritaires actuels est une chose ; qu’ils préconisent la révision de la Constitution ou l’amendement d’une loi en est une autre. Ces députés zélés se sont-ils penchés sur l’opportunité de toucher à une constitution qui peine à se faire respecter, tant les entorses ont été nombreuses et répétitives ? Avant de penser de toucher à la Constitution, il aurait fallu s’atteler à mettre au plus vite les nouvelles institutions, adopter la loi électorale et le découpage administratif du pays. Il aurait fallu accélérer le rythme de l’adoption des lois qui languissent dans les tiroirs du bureau de l’ARP ou dans les commissions parlementaires. Il aurait surtout fallu mettre courageusement sur la table la question du différend, à peine larvé, qui subsiste entre la présidence de la République et la présidence du gouvernement.

 

Le chef de l’opposition Hamma Hammami a estimé que la démarche de certains députés en vue de la révision de la Constitution, pour élargir les prérogatives du chef de l’Etat, est une chose scandaleuse. Ce qui l’est encore plus, c’est cette bouffonnerie ambiante qui ne cesse de travestir les représentants du peuple en simples zélateurs, moches et vulgaires.

 

Dans les deux cas, celui du Panama Papers et de la révision de la Constitution, la meilleure approche était de traiter le fond de ces questions. Mais au lieu de tenir le taureau par les cornes, nous avons été leurrés par la frénésie de sa queue.          

10/04/2016 | 17:47
3 min
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Commentaires (8)

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Abel Chater
| 11-04-2016 21:13
Sofiene Ben Hamida se prend toujours pour malin en virant tous ses articles vers un compromis sous la table avec ceux dont il parle.
Un système journalistique vieux comme les temps. Une miniature de ces reportages qu'on trouve en supplément avec les journaux ou avec les magazines. Le lecteur se trouve ébahi par tout ce travail concentré positivement autour du même sujet. Il ne sait pas que c'est un travail largement payé par le sujet lui-même et qu'il est impossible au journal d'évoquer le moindre mal dans son reportage. Les journalistes me comprennent bien.
C'est exactement ce que fait ce faux-jeton Sofiene Ben Hamida. Il n'écrit que pour sa propre cause. On le voit couvrir le criminel, comme il banalise le rôle de Mohsen Marzouk dans l'affaire des papiers de Panama. Il passe dessus, comme il passe sa main sur toutes ses manipulations médiatiques.
Est-ce qu'une affaire scandaleuse du calibre des papiers de Panama, pourrait être expliquée comme le fait ce Sofiene ou est-ce qu'il y a un intérêt personnel de ce manipulateur de BN?

Tunisienne
| 11-04-2016 16:01
je suis ébahie par l'excès de mauvaise foi de certains de nos politiques et de nos concitoyens qui crient au scandale mais semblent ignorer ou s'accommoder de la disparition de milliers de milliards depuis 2011 !
Mais je ne vais pas m'attarder sur ce sujet...

Le Président de la République doit-il avoir plus de prérogatives quitte à amender la Constitution ? Pourquoi pas? La question mérite d'être débattue en profondeur indépendamment du bloc qui l'a posée, de la personne de BCE et du rapport de forces actuel à l'ARP. C'est même une priorité au regard de la nouvelle donne sécuritaire qui ne va pas changer de sitôt. Car un Ministère de l'Intérieur qui ne sait par quel bout aborder la question du terrorisme et qui est tiraillé, déchiré et desappointe par les différents marchandages politiques dont il fait l'objet est nécessairement un Ministère handicapé et peu performant si ce n'était la bonne volonté et le patriotisme de ses fils. Et doter le Président de cette prérogative signifierait plus de visibilité politique et opérationnelle sans que ce ne soit un retour au régime présidentiel.
Mais Monsieur Hamma Hammami ne veut même pas prendre la peine d'étudier la question. Par entêtement idéologique, ressentiment pour BCE et beaucoup de mauvaise foi aussi, il tranche net la question...
Alors PP, amendement constitutionnel ou toute autre question, tant que les "élites" politiques n'auront pas la capacité de regarder au-delà de leurs petites personnes, le fair-play nécessaire et le souci de l'intérêt du pays en priorité, les choses iront en empirant...

Nephentes
| 11-04-2016 14:03
Les deux dossiers qui n'ont a priori aucun rapport s'articulent pourtant en ce moment précis.

A travers le fameux projet de Loi de réconciliation économique, la présidence la présidence entend officiellement inviter les personnes auteures de détournements de fonds et de biens publics à déclarer sur l'honneur les sommes volées.

Elles devront ensuite s'engager à restituer l'argent avec une retenue supplémentaire de 5 % par an sur une période déterminée.

En échange, aucune poursuite ne sera entreprise ni aucune enquête menée pour vérifier la véracité des révélations qui seront faites sous couvert d'anonymat.

Il n'en sera rien : le chef de l'Etat actuel est , au mieux dénuée de pouvoir dans cette affaire :

Il est en train de répéter ce qu'a fait exactement Ben Ali avec les milieux d'affaires dans les années 90:

conclure un deal et fermer les yeux sur la grande corruption, les monopoles et cartels et l'évasion fiscale.

Caid Essebssi va composer avec les anciens en mettant en place un deal, à savoir le maintien de prix abordables et le développement du pays en échange de la conservation de leurs monopoles dans divers secteurs d'activité.

L'État n'a pas les moyens d'investir

Les milieux d'affaire théoriquement oui

D'où LES PRIVILÈGES MAINTENUS.

Le développement du pays aura t-il lieu pour autant ?


CONQUERANT
| 11-04-2016 10:20

Qu'y-a-t-il de commun entre les bonnes feuilles de « Panama Papers » et la volonté exprimée, çà et là de doter le Président de la république en exercice de davantage de prérogatives, dût-il, passer par une révision de la constitution de 2014 ?
A priori, aucun ; sauf cette tendance quasi incompressible qu'ont certains de vouloir TOUJOURS avoir PLUS.
Le fortuné trouve qu'il n'est pas assez riche, qu'il lui en faut davantage. D'où son souci permanent de soustraire une bonne partie de ses revenus aux impôts, taxes et autres prélèvements obligatoires en les logeant dans des endroits sûrs. Les paradis fiscaux ne sont pas faits pour les chiens.
Mais, c'est une erreur d'optique. Les banques offshores, ou les jardins d'Eden à caractère financier, nonobstant, toutes les garanties dont elles s'affublent outrageusement, ne sont jamais à l'abri d'un casse.
Les bas de laine étaient autrement plus sûrs. Il est du secret bancaire comme du secret d'instruction dans une affaire pénale. On sait tout à l'instant T zéro de la procédure.
Au diable vauvert la déontologie.
Idem pour l'homme politique !
Ce dernier sait que le pouvoir ne se partage pas. Pis, il tient de science sûre que : « Tout pouvoir est une conspiration permanente » comme l'écrivait très justement Balzac.
L'homme politique, a fortiori quand il tire sa légitimité du suffrage universel, cherchera toujours à accaparer plus d'espace pour exercer son impérium.
Qu'a fait le Général de Gaulle une énième fois rappelé aux affaires par les siens pour exercer la magistrature suprême ?
Il a demandé à Michel Debré, son garde des sceaux de l'époque, de réfléchir aux contours d'une constitution, en rupture totale avec celles de la troisième et quatrième république. En clair, une constitution sur mesure où il ne sera plus à la merci du bon vouloir ou des jeux pervers des parlementaires : « Je te donne cela, en échange, je veux ceci ».
Il y eut la cinquième république, certes avec un parlement qui a l'initiative des lois, qui contrôle et à l'occasion sanctionne, mais en parallèle un pouvoir exécutif plus impérial que jamais (Voir, à cet effet, l'article 11 de la constitution du 4 octobre 1958).
Même F. MITTERAND, farouche adversaire du général de Gaulle et auteur du « Coup d'État permanent, essai dans lequel il dénonça le pouvoir personnel du Général-Président », s'accommoda fort bien de la constitution de la cinquième république qu'il trouvait taillée pour lui.
Ironie de l'histoire.
Pourquoi voulez-vous que BCE, élu pour cinq ans et adepte du pouvoir présidentiel, fasse différemment ?
Il s'ennuie dans son grand palais de Carthage, et ne veut pas que son rôle se limite simplement aux Chrysanthèmes qu'il inaugure de temps à autre ou passer son temps à recevoir des délégations étrangères, un rôle protocolaire ingrat, s'il en est.
Ne faire que cela pendant cinq ans, c'est frustrant.
Il veut plus. Il veut davantage de pouvoir. C'est-à-dire exercer de vraies prérogatives, quand bien même cela exigerait un amendement de la constitution.
C'est son droit. Sera-t-il entendu ? Là, c'est un autre débat.
Non Monsieur Ben Hmida, la lutte finale n'aura pas lieu. Que déçus et doux rêveurs plient les gaules et unissent leurs forces d'inerties, et que les experts se soignent de leur sociologisme. Car ce ne sont pas les idéalistes qui écrivent l'Histoire.
Ce n'est pas demain qu'on lavera plus blanc en Tunisie. La corruption a pris des dimensions telles qu'il faudra un miracle pour en atténuer les effets. Corrompus et corrupteurs se tiennent comme les doigts d'une main. Idem pour les acteurs politiques en scène. Ce n'est pas dans l'immédiat que la république de Platon élira domicile de ce côté-là de la méditerranée et que l'on aura un personnel politique respectueux des pouvoirs que lui confère la loi fondamentale sans songer tous les jours à la réformer au gré de ses humeurs.

tounsia2
| 10-04-2016 21:35
Depuis le déclenchement de l'affaire des documents fuités de panama, Ghannouchi ne cesse de s'agiter et de multiplier les déclarations, alors qu'un minimum de décence est requis de sa part quand on sait que son parti est financé par l'argent le plus sale et le plus puant qui existe et que les associations qui financent le parti Ennahda sont les mêmes qui ont offert 50 mille dinars à un terroriste pour faire sauter une mosquée ( !), sans parler de l'affaire du million de dollars chinois qui ont atterri dans le compte personnel de son gendre Bouchlaka sans qu'il y ait de suites à son encontre (!); Nous ne sommes pas dupes, nous avons tous compris que Mohsen Marzouk est l'homme à abattre pour des raisons qui n'ont rien à voir avec avec la loi et encore moins avec l'éthique; Par ailleurs, cette histoire tombe à pic pour détourner l'attention de ceux qui ont fait pire que Mohsen Marzouk , ceux qui ont ruiné le pays en multipliant sa dette par 2 en l'espace de trois ans et qui se sont enrichis subitement sans qu'on sache comment. Ce dont nous avons le plus besoin, c'est un "Tunisie papers" où on peut lire la déclaration (si elle existe) de la situation patrimoniale de tous les hommes politiques Tunisiens, députés, membres du gouvernement, chefs de partis politiques, pour pouvoir les juger par nous même ; Y a il quelqu'un pour le faire et nous rendre ce service ?

lalli
| 10-04-2016 19:31
"Mais au lieu de tenir le taureau par les cornes" - écrire: prendre le taureau par les cornes

lalli
| 10-04-2016 19:25
"s'il s'avère avoir menti" cette formulation n'est pas correcte, il faut dire: s'il s'avère qu'il a menti.

maya
| 10-04-2016 18:32
Et comme chaque fois, nos politiques passent à côté de la plaque. Ils occultent l'essentiel de nos problèmes, pour se pencher sur des futilités, et des formes au détriment du fond. Et chose curieuse, on dirait que le hasard est en train de les aider à oublier leurs devoirs envers ce peuple meurtri et affligé, car il ne se passe pas une semaine sans qu'un fait divers, un scandale, un malheur ne vienne s'abattre sur nous, pour ouvrir le flux de plateaux tv, de querelles, de harangues et de blablabla, qui bloquent tout, et nous fait même reculer dans cet essor et cette sortie du gouffre que nous attendons depuis un certain 14janvier 2011.