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Chroniques
Invoquer les mauvaises raisons épaissit l'opacité
29/10/2015 | 19:02
3 min

L’avocat Mounir Ben Salha a été suspendu « provisoirement » du barreau pour être intervenu dans une émission télévisée. Le contenu de son intervention est fortement controversé, mais nul ne peut lui interdire son droit d’exprimer son avis qui concerne tous les Tunisiens, sans aucune exception. La liberté d’expression n’étant plus un sujet négociable dans la Tunisie postrévolutionnaire. L’histoire, celle qui sera écrite par les historiens, lui incombe, seule, de dire si les positions de Me Ben Salha et autres contre-révolutionnaires sont erronées ou pas. En attendant, chacun est libre d’exprimer ses opinions.

 

Pourquoi le barreau de Tunis a-t-il donc suspendu Me Ben Salha en premier temps et maquillé le tout, dans un deuxième temps, en allongeant la liste des suspendus à quelques autres avocats, très présents eux aussi, dans les médias ? L’application stricte de la loi étant visiblement un argument peu convaincant, il reste l’autre argument, inavoué, en rapport avec les élections du barreau qui auront lieu dans quelques mois. Si on ajoute à cela la jalousie que suscite ces avocats suspendus auprès d’une large frange de leurs confrères, on peut penser que ces avocats ont été suspendus pour les mauvaises raisons. Leur tort en définitive, c’est d’être brillants, d’avoir réussi à se faire une place au soleil, chacun selon une stratégie qui lui est propre, alors que beaucoup d’autres avocats sont restés les otages des couloirs des tribunaux, lugubres, mal éclairés et mal aérés.

 

Les mauvaises raisons. L’affaire de l’imam de Sfax Ridha Jawadi en est truffée. D’abord, il y a la position du parti Ennahdha qui mène depuis presque deux mois une véritable campagne pour sauver le soldat Jaouadi et quelques autres imams révoqués par le ministère des affaires religieuses après avoir été jugés radicaux et prêchant l’intolérance et l’extrémisme. Contre toute attente et tranchant avec un discours qui s’est voulu modéré durant les derniers mois, les dirigeants du parti islamiste se sont exprimés âprement contre la politique du ministre des affaires religieuses l’accusant de viser par ses décisions les imams modérés du pays. Connaissant les positions des imams concernés tels que Noureddine Khademi ou Ridha Jaouadi, il était clair que le parti islamiste invoquait les mauvaises raisons pour critiquer les décisions de révocation de ces imams.

 

Il aurait fallu attendre l’éclatement de l’affaire de financement de l’association « caritative » gérée par Ridha Jawouadi pour commencer à avoir un faisceau d’explication de cet engouement du parti islamiste pour cet imam notoirement radical. Cette association, est en fait une nébuleuse qui a collecté des millions de dinars de fonds qui ont été dépensés dans l’opacité la plus totale ce qui a amené les pouvoirs publics, sous la pression de la rue, entre autres, à ouvrir une information judiciaire et à mettre sous les verrous l’imam Jaouadi, hélas encore une fois, pour les mauvaises raisons.

En effet, on aurait compris que cet imam radical soit incarcéré pour apologie du terrorisme ou pour discours radical et extrémiste mettant en danger la paix et l’ordre public. Pour cela, il aurait fallu instruire un dossier étoffé, recevable par un juge d’instruction, ce qui n’a pas été le cas. Alors on a invoqué de mauvaises raisons et on l’a mis en détention préventive pour un délit à caractère civil qui ne mérite pas l’arrestation du présumé à ce stade préliminaire de l’enquête. Par cette maladresse politico-juridique, l’imam radical est devenu une victime.

 

Il aurait fallu aussi traiter le problème de fond de la gestion des associations caritatives, toutes les associations, ouvrir sérieusement le dossier de l’argent sale en politique, combattre la fraude fiscale et la contrebande. Malheureusement, continuer à invoquer les mauvaises raisons ne résoudra pas ces problèmes. Cela ne pourra qu’épaissir l’opacité.     

29/10/2015 | 19:02
3 min
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Commentaires (26)

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Kairouan
| 07-11-2015 19:14

Je viens de voir votre 2eme reponse - une interpretation litteraire, ma foi, tres romancee de mes textes - sur cette page. Je ne vais pas commenter la dessus.
J'espere, du moins, que vous ne vous etes pas senti offusque, ou, pire, menace(?) par mon ton qui se voulait juste jovial.
Je vois par ailleurs que vous ne proposez aucune date alternative, plus ou moins proche, pour qu'eventuellement on puisse se rencontrer apres deux ans d'amitie et d'affinite intellectuelle et politique sur ce forum. Alors, je ne vais pas insister.

Tres bonne continuation - Imen De Kairouan
pseudonym.kairouan@gmail.com
P.S. Je vous ai poste aujourd'hui une petite reflexion sur la page BN: "Ghannouchi effectue la prière du vendredi avec Erdogan". J'espere que vous l'avez lue.
Merci les moderateurs de BN!

Slaheddiine
| 07-11-2015 01:14
Dieu qu'il est complexe de décrypter les mots et leurs codes comme un texte qu'on tente en vain de déchiffrer. J'ai lu vos deux commentaires qui se suivaient et je me demandais si pareilles aux amoureuses exaltées, de la littérature classique et anglo-saxonne, vous ne seriez pas l'un de ses personnages sortis de leur roman comme dans les contes orientaux de la théière, de sa vapeur surgit un ange ou un démon.
Je  ne puis être au dixième jour printanier quand les deux aiguilles de la mesure du temps s'assemblent car mes contraintes professionnelles m'éloignent de Tunis sans que je puisse y déroger.

Kairouan
| 06-11-2015 13:42

Le dixieme jour du printemps 2016: 29 Mars
La superposition d'aiguilles: Midi
La rue, entre Theatre et Cinema: Cafe de Paris.
Tunis; Une capitale oubliee; une passante sans soucis; ni deuil, ni obsession; Juste un peu d'espoir aidee par l'imagination.
alors c'est oui ou non?

Kairouan
| 04-11-2015 09:53
@Slahdiine,

O destinee, les questions qui restent sans reponses (et il y en a un paquet sur cette page) font votre bohneur. Elle vous maquillent, sans que vous en offusquez, tantot de chance, tantot de fatalite.
Cependant, je ne crois pas en votre seule volonte. Encore moins en la fuite en avant des Boudas, par pure peur de soi-meme et toutes ses possibilites.

Comme toute imagination, la mienne est enfant de l'infini et de la liberte. Elle est d'essence divine, malgre ses simulacres et ses illusions. Elle participe a la creation. Elle espere; elle attend - activement. Elle n'abdique pas devant la deception, se nourrit de ses projections et de son individualite. Elle bannit aussi l'auto-reflexion et interdit la reproduction (R. Magritte). Elle evolue au gre de sa propre volonte et peut vous bousculer, O destinee. Les dividendes, pour elle, ne se justifient que mal, ou bien apres...

Sauvage, bridee ou raisonnee, l'imagination vous ote, O Moira, les masques et l'opportuniste opacite qu'on vous fait porter. Elle vous absout d'une telle culpabilite. Un jour J, une superposition d'aiguilles, et la joie de simples petits noirs (i.e. cafes de Paris) peut se vivre a Tunis - tant qu'il y a vie, des capitales oubliees, et reincarnations de passantes sans soucis.
Tant qu'on donne raison a M.D. dans sa poesie, car, comme une joie, elle ne manquera pas d'etre la: https://www.youtube.com/watch?v=KqpFRQYK7T0&list=RDvTxYz98dS2g&index=6,

DIEHK: La langue Française est très difficile à maîtriser!!!!
| 04-11-2015 00:49
Gratuitement: une leçon de Français!!
OPAQUE:
Littéraire. Dont on ne peut pénétrer la signification, dont les sentiments sont difficiles à percer : Un homme opaque. Un texte opaque.
opaque , adjectif
Sens 1 Qui ne laisse pas passer les rayons lumineux.
Traduction anglais : opaque
Sens 2 Sombre.
Exemple : Une nuit opaque.
Synonyme : épais
Sens 3
Figuré
Incompréhensible.
Exemple : Un texte opaque.
Synonyme : incompréhensible
OPACITé:
Propriété qu'ont certains corps de s'opposer au passage de la lumière ; état de ce qui est opaque : Opacité du cristallin dans le cas de cataracte.
Littéraire. Ombre épaisse qui s'étend sur un lieu : L'opacité d'une forêt.
Littéraire. État de ce qui ne peut être pénétré par l'intelligence : Ce texte reste d'une grande opacité.

Kairouan
| 01-11-2015 21:51

@Slahdiine

Y aurait t-iI a Tunis une saison de la joie qui, ne serait-ce qu'un instant durant, peut faire oublier les hesitations d'Avril et briller le dixieme jour du printemps? Une joie qui ne craint point l'emoi et sait habiter la rue comme un chez elle bien accueillant?
Y aurait-il a Tunis une telle saison, un tel instant, un tel endroit? La foule se plaignant, les passagers comme absents, le soleil les baignant entre superposition d'aiguilles et grain violent? Y aurait-il a Tunis une telle joie, une telle facon entre Theatre et Cinema?

Slahddiine
| 01-11-2015 14:06
@Kairouan

Ah, le sourire aux lèvres et l'âme apaisée, c'est sans doute un de ces très rares instants de bonheur, si fragile et si éphémère dans la tristesse de l'actualité.
La joie est la quatrième qualité des sept facteurs de l'éveil chez les bouddhistes.

Kairouan
| 31-10-2015 21:56

@Slahdiine

Un bon et necessaire retour a soi-meme, avant de repartir de plus belle...
Vous dessinez un large sourire sur mon visage. Merci.

tounsia2
| 31-10-2015 21:56
« Petite question innocente je vous l'assure, la lumière sur l'assassinat de Chokri Belaïd ne serait-elle pas, l'une des questions sur laquelle pèse de tout son poids les nouveaux gouvernants pour qu'elle n'ait pas lieu »

A question innocente, réponse innocente ; Je pense que l'une des closes essentielles de l'accord Nida-Nahda, consiste à entraver le travail de la justice pour que la lumière sur l'assassinat de Chokri Belaid ne voit jamais le jour, ce qui prouve, entre autres, la responsabilité de ceux qui étaient au pouvoir lors de cet assassinat et qui continuent hélas à être encore au pouvoir ; Par ailleurs, je pense que le limogeage du ministre de la justice MSBA, qui a refusé de cautionner un projet de loi qui maintient le pouvoir juridique sous le joug de l'exécutif pour donner plus de pouvoir au CSM et garantir ainsi l'indépendance de la justice, montre qu'il n'y a pas que le parti Nahda qui veut maintenir la chape de plomb sur la justice, le parti Nidaa a montré aussi qu'il ne tient pas non plus à l'indépendance de la justice ; En fait, les deux partis actuellement au pouvoir et qui veulent maintenir la justice sous le contrôle du pouvoir exécutif et donc politique, se sont mis dans la peau de partis éternellement au pouvoir et c'est dommage, en particulier pour Nidaa qui ne semble pas avoir retenu les leçons du passé. . .

Post scriptum
Je suis contente de reprendre nos débats qui stimulent particulièrement ma pensée et me font énormément plaisir ; je vous demande de me pardonner mon retard de réponse, je ne pouvais pas le faire plus tôt . . .

Moira
| 31-10-2015 12:14
Une révolution qui a échoué ou une amourette perdue? Ou les deux à la fois?

On ne sais pas d'où elle viennent, ni ce qu'il en advient...Telle l'infirmière de la commune à laquelle la chanson fut dédiée.

Opacité...bien cruelle.