
Comme chaque fin d’année, les médias, les réseaux sociaux, et même les cafés sont les théâtres d’échanges et de débats autour de la prochaine loi de finances. Malheureusement et face au refus des autorités tunisiennes de communiquer au sujet des propositions, les Tunisiens doivent se contenter de fuites et de spéculations.
Le ministère des Finances a tenu une réunion du Conseil national de la Fiscalité autour du projet de la loi de finances 2024 (LF 2024). L’événement a eu lieu, le 26 septembre 2023, en présence de la ministre des Finances, Sihem Nemsia et de plusieurs représentants de l’administration tunisienne et des ordres et organisations professionnelles. Contrairement au reste du peuple tunisien qui sera amené à appliquer et subir les dispositions de la LF 2024, ces derniers sont les seuls à avoir eu la chance d’en découvrir les principaux points et d’en débattre.
D’après les premières informations circulant sur les réseaux sociaux et dans les médias, le budget de l’Etat ne porte pas sur un financement par le Fonds Monétaire International (FMI). L’exécutif semble avoir abandonné l’idée d’obtenir les 1,9 milliard de dollars dont on nous avait parlé durant 2022 et 2023 particuliérement lors de la présentation des lois de finances relatives à ces deux années. Plusieurs réunions interministérielles avaient été tenues à ce sujet. On nous avait annoncé, en octobre 2022, un accord d’une durée de 48 mois et pour un montant d’environ 1,9 milliard de dollars. Par la suite, l’ancienne cheffe du gouvernement, Najla Bouden s’était rendue au Forum économique mondial de 2023 où elle s’était entretenue avec la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva. Mais au final, la Tunisie n’a toujours pas obtenu de financement de la part du FMI. Pour rappel, le budget annuel de la Tunisie pour 2023 s’élève à 53,9 milliards de dinars avec un déficit de 8,5 milliards de dinars. Le gouvernement espérait obtenir 14,8 milliards de dinars sous forme de prêts extérieurs. Il n'en a récolté, à fin juin 2023, que 2,7 milliards de dinars.
Pour ce qui est des restes des informations liées au projet de la LF 2024, l’expert en économie Houcine Rhili a indiqué, dans une déclaration accordée le 29 septembre 2023 à la Radio nationale, que le gouvernement s’attendait à une croissance économique à hauteur de 2,1%. Le rapport du budget de l’État avait prévu un taux de croissance de 1,8%. Or, les chiffres communiqués par l’institut National de la Statistique affirment que le taux de croissance enregistré au deuxième trimestre de 2023 n’a pas dépassé les 0,6%. Il était de l’ordre de 2,1% durant le premier trimestre de la même année.
Un autre sujet a été fortement évoqué : les pénalités de retard appliquées sur les sociétés. Celles-ci avaient été considérablement augmentées à travers la LF 2023. En effet, la pénalité mensuelle des retards des déclarations est passée de 0,75% à 1,25% de la somme déclarée avant l'intervention des services du contrôle fiscal. Si le retard ne dépasse pas les soixante jours, la pénalité mensuelle des retards passe de 1,25% à 3%. Si les retards dépassent les soixante jours, les pénalités mensuelles, qui étaient de 2,5% dans l'ancienne version du texte, passent à 5%. Au cas où le retard serait constaté par les services de contrôle fiscal, les pénalités mensuelles qui étaient fixées à 1,25% sont passées à 2,25%. Une amende fixe à hauteur de 10% de la somme due a, également, été mise en place. Cette amende est de 20% pour les pénalités sur la TVA et autres droits appliqués aux transactions et non déclarés, les impôts applicables des taxations d'offices, les impôts applicables en cas de minorisation de l'assiette de l'impôt ou de fraude fiscale.
Cette mesure a été fortement critiquée par les experts et les professionnels. Certains ont considéré qu’il s’agissait d’une simple manœuvre visant à mobiliser des fonds au profit de l’État dans l’unique but de couvrir les dépenses. S’exprimant à ce sujet, l’expert en fiscalité, Mohamed Salah Ayari a assuré que le projet de la LF2024 ne prévoyait pas de nouvelle hausse. S’exprimant le 29 septembre 2023 durant « Midi Show » d’Elyes Gharbi sur Mosaïque Fm, il a révélé que le projet de loi comporte une révision des pénalités de retard afin de les baisser. De plus, les pénalités seront plafonnées de façon à ne pas dépasser la somme de la taxe devant, à l’origine, être payée. Il a, aussi, indiqué qu’il n’y aura pas de nouvelles taxes. Ces mesures pourraient freiner la pression fiscale qui ne cesse de grimper. Notons que selon l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques, les recettes publiques fiscales représentent 32,5% du PIB en Tunisie alors que la moyenne en Afrique est de 16%. Ce taux est le plus élevé du continent.
La même source a indiqué que le projet de la LF 2024 comportait des mesures encourageant l’investissement. Le gouvernement propose une exonération liée à la création de nouvelles entreprises. Le fondateur pourra bénéficier d’une exonération au niveau de l’impôt sur le revenu des personnes physiques ou au niveau de l’impôt sur les sociétés. Cette exonération sera appliquée durant les quatre premières années suivant la création de la société. À noter que cette mesure n’est pas nouvelle puisqu’elle avait été mentionnée dans la loi de finances de 2018. Son application a pris fin avec la promulgation de la loi de finances de 2020. De plus, une ligne de financement au profit des agriculteurs pourrait être mise en place. Elle aurait pour but d'encourager l’activité agricole liée à la production de céréales. Le hic avec ce genre de mesures reste la question de l’accessibilité à ces fonds. Les conditions d’obtention de cet appui sont parfois considérées comme difficiles à remplir. Pour rappel, pas moins de 50.000 agriculteurs tunisiens sont en difficulté financière et n’ont pas le droit de bénéficier des services bancaires, selon une déclaration du porte-parole de l’Association Nationale des Petites et Moyennes Entreprises, Abderazek Houas. Ces derniers ne pourront, donc, pas profiter de cette ligne de financement.
Concernant le secteur des énergies, deux mesures proposées dans le projet de la loi de finances 2024 sont à retenir. Le texte évoque un encouragement de l’utilisation des voitures et motos électriques. Une mesure similaire avait été introduite par la LF 2023 pour ce qui concerne les voitures hybrides. Les droits de douane ont été réduits à 10%. La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) a été ramenée à 7%. Les voitures et motos électriques bénéficieront de mesures portant exonération au niveau des droits de douane et d’une baisse de la TVA.
Pour ce qui est de l’énergie fossile, les fuites n’évoquent pas pour le moment de révision du prix du carburant à la pompe ou de levée des compensations pour l’électricité et le gaz naturel. L’unique information liée au projet de la LF 2024 a été présentée par Houcine Rhili. Il a indiqué que le texte prévoyait un prix de baril de pétrole à hauteur de 70 dollars. Une hypothèse assez surprenante vu que le prix du baril se situe actuellement à 92 dollars. Il ne cesse de grimper depuis plusieurs semaines et donc de se stabiliser loin des 70 dollars. De plus, certains pays producteurs de pétrole, tel que l’Arabie saoudite, envisagent de baisser leur production afin de provoquer une hausse des prix. Ceci pourrait impacter les dépenses de l’Etat. La Tunisie consommerait 90.000 barils par jour alors que la Société tunisienne des industries de raffinage n’en produit que 32.000 par jour.
Le ministère des Finances a prévu de tenir d’autres réunions telles que celle qui aura lieu avec les représentants du secteur bancaire. Il devra accélérer la cadence et soumettre rapidement un projet. L’article 42 de la Loi organique n° 2019-15 du 13 février 2019, relative à la loi organique du budget, oblige le gouvernement à soumettre le projet de loi de finances à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) au plus tard le 15 octobre de l'année précédant l'année relative à son exécution, c’est-à-dire, le 15 octobre 2023 pour ce qui est de la loi de finances 2024. La commission des finances au sein de l’ARP sera amenée à étudier le projet de loi. Elle pourrait, à son tour, consulter des experts et les représentants d’organisations professionnelles et syndicales. Le projet final est, par la suite, soumis au débat lors d’une plénière de l’ARP qui devra, selon l’article 78 de la constitution de 2022, l’adopter au plus tard le 10 décembre.
Sofiene Ghoubantini
'?a fera du bien à tous le monde
Et vous comptez poursuivre une autre année dans ces conditions ?
Il ne faut pas exagérer à être stupide !


