La terre tourne sur elle-même, sans qu’aucun lien scientifique ne puisse être établi entre cette loi physique et le constat humain que l’Homme, lui, tourne en boucle. La terre tourne sur elle-même dans le sens inverse des aiguilles d’une montre sans qu’aucun lien philosophique puisse être établi entre cette vérité physique et le fait que l’Homme gâche son temps compté à l’égrainer. Cette rotation terrestre se fait en 23 heures 56 minutes et 6 secondes, et bien que la terre rattrape son manque de temps tous les quatre ans, rien n’est établi sur le temps perdu par les Hommes. N’en déplaise à Marcel Proust.

Allons en Autriche, petit pays, 20^ème européen par sa superficie, 123^ème mondial. L’Autriche qui de façon anecdotique produit du fromage qu’elle appelle Gruyère vient de voir reconnaitre son droit par les tribunaux américains de pouvoir utiliser ce nom pour la commercialisation de sa production aux États-Unis. Et ainsi en plus d’utiliser une langue qui n’est pas la sienne, l’allemand, l’Autriche va désormais vendre un fromage dont le nom ne lui appartient pas. C’est un détail, certes, mais c’est là où généralement se loge le diable. Et le diable en Autriche, c’est son extrême droite dont on aurait pu penser légitimement, après avoir enfanté Adolf Hitler, qu’elle s’en soit définitivement débarrassée. L’Homme n’apprenant pas de l’Histoire, l’extrême droite autrichienne est donnée gagnante aux prochaines élections législatives de 2024. Herbert Kickl, son chef, et ancien ministre de l’Intérieur, parcourt le pays en jurant être le seul à pouvoir empêcher « le grand programme de déracinement des gens ordinaires ». En terme moins subtils, cela équivaut à dire, « Autrichiens, méfiez-vous, il existe un programme ourdi par des forces obscures qui veulent annihiler l’identité du peuple autrichien ». Ne suivez pas mon regard, contraint à la cécité par le décret 54. Le fait est que l’Autriche est ce pays qui a le courage de ses opinions et ses opinions, c’est inscrit dans sa constitution, doivent être neutres. Neutres pour les autres, mais dans l’hémicycle de leurs petites frontières, ils ont le droit de verbaliser toutes les ignominies. Et de fabriquer du Gruyère. #Autrichecestfait

Sur le front de l’Ukraine, le monde aveugle et pourtant sans décret 54, observe les morts nécessaires à la prise imminente de Bakhmout dans le Donbass par les Russes. Ville minière de 70 000 habitants, elle est désormais détruite à 80% et ne compte plus que 4500 âmes. Les forces ukrainiennes sont repliées dans le seul centre-ville, et leurs abdications imminentes, dans ce conflit on abdique en mourant, leurs abdications imminentes ouvriront la voie pour les Russes vers Kramatorsk, ville industrielle et plus à l’ouest. Les experts sont unanimes sur le fait que cette bataille de Bakhmout aura été, jusqu’à présent, « la plus sanglante, la plus cruelle et la plus brutale de la guerre russo-ukrainière ». La précision « jusqu’à présent » est importante à préciser, parce que l’Homme peut être plein de surprises, et le diable qui affectionne les détails ne cache pas son goût également pour les surprises.

Les mêmes experts éprouvent certaines difficultés à expliquer l’acharnement russe sur cette bataille qui ne revêt pourtant pas de caractère particulièrement stratégique. La vérité n’est pas à rechercher sur la feuille de route d’une pensée militaire réfléchie, mais dans l’égo d’un homme, Evgueni Prigojine, président-fondateur de la société militaire privée Wagner, qui a fait de cette bataille un combat personnel pour pouvoir rajouter un slide à la présentation powerpoint de son entreprise. Le diable peut prendre la forme d’un slide powerpoint. #lafoliedeshommes

Entre la France et le Maroc, il n’y a même plus de torchon, pour pouvoir affirmer qu’il brûle. Le 27 février dernier, Emmanuel Macron répondant à un journaliste marocain sur la nature de la relation liant les deux pays, dit que sa « volonté est d’avancer avec le Maroc, sa majesté le roi le sait, et [ils ont] plusieurs discussions, les relations personnelles sont amicales, et elles le demeureront ». La réponse marocaine ne se fera pas attendre, et jeudi 2 mars, un officiel du gouvernement marocain déclarera à nos confrères de Jeune Afrique « les relations ne sont ni amicales, ni bonnes, pas plus entre les deux gouvernements, qu’entre le Palais royal et l’Élysée ».  #kouloutlem

Le diable, toujours lui, a la mémoire longue quand il s’agit de mettre du feu sur le phosphate, car le Maroc, lui, en produit encore. Et cette longue mémoire amène le Royaume chérifien à reprocher à la France sa position ambiguë sur la question du Sahara Occidental, alors même que l’Espagne et les États-Unis notamment ont reconnu la « marocanité » de la région. Plus récemment, c’est une résolution votée au parlement européen qui s’émeut de la dégradation de la liberté de la presse au Maroc qui a entaché un peu plus un torchon brûlant. Car pour les Marocains, sa presse et ses décideurs, cette résolution était portée par la France.

Saupoudrez le tout par une politique outrageante des visas, où c’est un peuple qui est pris en otage par un conflit politique sur la délivrance de laisser-passer consulaire, et le torchon qui n’a pas fini de brûler, a tout simplement disparu. Le diable, pyromane à ses heures perdues, collectionne les torchons auxquels il a mis le feu. #lepragmatismedudiable

En Tunisie, on chasse les sorcières, et les sorcières sont désormais les valeurs universelles d’égard envers son prochain, d’empathie pour son semblable, de bienveillance à l’endroit de l’Homme. Chasser ces démons humanistes, et se révèlera chez certains tout ce qu’il peut y avoir de plus abject dans une âme, parce que le diable ne dédaigne pas les âmes pour y allumer les flammes de l’enfer sur terre. C’est ainsi que débarrassé des principes fondateurs de la civilisation, et sans vouloir outrager les animaux qui peuvent s’avérer bien meilleurs que certains humains, une catégorie d’individus a décidé en Tunisie que le combat qui justifiait toutes les ignominies était le combat contre les immigrés africains illégaux. Renvoyés de là où ils logeaient, jetés à la rue, battus même, insultés, conspués, menacés, vilipendés, volés, la lutte contre les clandestins ne reculera devant rien, surtout si ces clandestins sont noirs. Et qu’on prenne garde, le diable peut être dans la loi, pas dans son esprit, mais dans son application. Et en l’espèce celui qui aidera un quelconque clandestin, surtout s’il est noir, est promis à croupir dans les flammes de l’enfer judiciaire au même titre que le devoir humain de secours et d’assistance envers son prochain. Parce que désormais en Tunisie certains considèrent que pour être humain, il faut une carte de séjour. Ou ne pas être noir.

Fort heureusement, on voit fleurir mille initiatives collectives, deux mille actions personnelles, et des voix qu’on ne compte plus pour s’élever contre ces ignominies. Car malgré l’agitation de ce petit nombre abject, malgré la peur de représailles qui tétanise un plus grand nombre, il reste un certain nombre qui se mobilise par le verbe et par l’action pour neutraliser ces comportements diaboliques. Parce que la Tunisie est et restera un grand pays, que son peuple, malgré les efforts nauséabonds de certains, est et restera un grand peuple. #unpeupleunpays

C’est la fin de ce trip, c’est la fin de la semaine, vous pouvez éteindre vos smartphones et prendre du magnésium contre les crampes.